Par Salah Elayoubi, demainonline, 25/2/2013
Opinion. C’est à Bruxelles, à l’espace Magh, que
l’An III du Printemps marocain a réellement commencé, samedi 16 février,
avec la conférence sur le défunt « Journal hebdomadaire », avant qu’il n’enflamme une dizaine de villes au Maroc.
Une poignée d’hommes était venue raconter comment avait été ourdi
l’anéantissement de leur petite entreprise et comment le complot avait
dispersé leur groupe, aux quatre vents et précipité chacun d’entre eux,
dans une tragédie qui ne dit pas son nom.
Ils étaient jeunes et dynamiques, bourrés de talent et d’idées.
Leur arrivée ne pouvait pas mieux tomber: le vieux tyran, malade et agoni de toutes parts, pour l’ampleur des magouilles sans pareilles et des crimes sans châtiments, qui avaient été les siens, quatre décennies durant, avait accepté de jeter, un moment, l’éponge.
Un vent de liberté soufflait alors sur l’Atlas !
Semaine après semaine, nos amis armés de l’effronterie de leur jeunesse, s’improvisèrent briseurs de tabous, remontant le temps, déconstruisant l’histoire rédigée par les falsificateurs, les faussaires et les tricheurs du despote, pour la remonter, un peu plus loin, brique par brique, conforme à la vérité, au plus grand ravissement de leurs compatriotes qu’une presse toute de lâcheté ou soumission, abreuvait de mensonges, depuis bien trop longtemps.
La joie qui nous étreignait, alors, de les lire, n’avait d’égale que la peur que les rattrapent, un jour, ceux dont ils avaient décidé de déshabiller les turpitudes. Car au pays de la tyrannie, un printemps dont on ne s’empare pas, ne dure qu’un temps. Le temps pour le vieux despote de disparaître, et son fils, vendu par des mystificateurs comme le parangon de l’empathie et le chantre de la liberté, reprenait d’une main, ce que son géniteur avait abandonné de l’autre. La suite ressemble à une inexorable descente aux enfers. Un long chapelet de persécutions, d’ignominies et de complots qui ont précipité la disparition de ce joyau du journalisme marocain, le 25 janvier 2010.
Trois ans après la mort de l’hebdomadaire, les protagonistes sont, à une exception près, tous là, sur la photo de famille de Bruxelles. Le temps et l’inavouable acharnement des ennemis de la liberté, ont blanchi la crinière de l’un, émacié les traits de l’autre, durci l’expression de celui-ci ou attristé le regard de celui-là. Mais à les écouter, on réalise combien leur détermination reste intacte. A l’unanimité, ils dénoncent le système pernicieux qui continue de broyer les marocains et les maintenir en esclavage, quand l’administration du Makhzen, toute à la botte de l’absolutisme, continue à faire son marketing, auprès de la communauté internationale.
Les grandes oreilles du dictateur et de son misérable sérail, ont sifflé, cinq heures durant et les gorges des auditeurs se sont nouées à l’évocation de tant d’ignominies.
Chronique d’un fiasco annoncé
Le 20 février 2011 ! Quel meilleur clin d’œil, l’histoire pouvait-elle offrir au « Journal », une année après sa disparition, que ce printemps marocain qui refuse de mourir. Comme s’il s’agissait de conjuguer dans une même indignation, les crimes commis à l’encontre du peuple et le destin brisé d’un hebdomadaire.
Deux ans après son déclenchement, ce dont on faisait la chronique annoncée, il y a encore quelques mois, s’avère aujourd’hui, une certitude absolue : la monarchie marocaine et l’administration du Makhzen, sont plus puissants que jamais et les moyens indécents que ces deux partenaires s’autorisent, continuent à leur faire peser de tout leur poids, sur les acteurs d’une arène politique réduite à sa plus simple expression.
Discours du 9 mars, nouvelle constitution et élections ne furent jamais qu’un lamentable remake de la partition que joue le régime, pour reporter sine die, sa mutation. Procrastination coupable, mâtinée d’hypocrisie et de mauvaise foi, au service d’un bien mauvais film. Un navet, au scénario grotesque, éculé à force d’avoir été visité, même s’il nous faut, cette fois-ci, concéder une palme. Celle de la pire des distributions connues à ce jour, avec l’entrée en lice de Benkirane, si obséquieux envers le dictateur et si médiocre dans la conduite des affaires du pays, que la chefferie du gouvernement lui va comme une paire de lunettes à un cheval. Une erreur de casting qui coûte au Maroc et la honte et le bas du classement de tous les indices.
Au parlement, supposé abriter des contre-pouvoirs et qui n’a guère démérité en matière de médiocrité, les empoignades de façade dissimulent bien mal la sordide réalité de ces représentants du peuple très peu concernés par l’intérêt public et dont certains traînent d’infâmes casseroles qui auraient du les conduire à s’expliquer devant leurs pairs, sinon devant des juges.
Mais si la monarchie, le Makhzen et les élites politiques, sont pour grande part, les faiseurs du fiasco, la société civile n’en porte pas moins une part non négligeable de responsabilité. Son silence et sa passivité en font la complice objective de ce trio infernal. Les occasions de s’indigner n’ont, pourtant, guère manqué, car là où il faudrait un siècle pour cumuler autant de turpitudes et de crimes, le régime marocain et ses suppôts les ont accomplis d’un trait, en quelques années.
Nous serons une nation…
On dit d’une nation qu’elle est l’ensemble des concepts et des principes que partagent les individus pour en faire le socle de leur vie en commun et le cercle vertueux de leurs échanges. C’est pour rappeler ce postulat élémentaire, que le mouvement du vingt février était descendu dans la rue, ce fameux dimanche de 2011. Un Modus vivendi que la monarchie n’a jamais accepté de s’appliquer à elle-même. Il l’aurait sans doute grandie et fait le distinguo entre la dictature qu’elle est, et la monarchie constitutionnelle qu’elle aurait du être. Et tant que le peuple continuera de se taire et d’observer dans un silence coupable tant d’exactions, nous ne serons jamais une nation.
Nous le serons, le jour où l’Etat marocain fera publiquement et officiellement son autocritique et demandera pardon de tant de souffrances, de privations et de crimes infligées, depuis la nuit des temps, aux siens.
Nous serons une nation, le jour où les marocains, leur dignité retrouvée, n’auront plus à s’incliner devant leur semblable, pour quémander leur droit.
Nous serons une nation, le jour où il pourra geler à pierre fendre dans l’Atlas, sans que les nôtres y meurent de froid, de privations et de maladie.
Nous serons une nation, le jour où la triche, la médiocrité et l’indigence politique, cesseront d’alimenter les rouages de l’administration et les travées du parlement.
Nous serons une nation, le jour où les plus misérables d’entre nous, pourront, à leur tour, vivre le rêve de voir leurs enfants accéder aux plus hautes charges de l’Etat.
Nous serons une nation, le jour où Aboubakr, les deux Ali et Omar pourront de la plus acerbe des plumes, revenir nous raconter librement, la réalité du Maroc, aussi sordide, aussi triste et aussi navrante, soit-elle et nous, de la lire et la partager, autant de fois qu’il nous plaira.
Nous serons une nation, le jour où Mouad et Younès reviendront déclamer leurs vers et s’époumoner en plein centre de nos villes, sans risquer autre chose qu’une amende pour tapage nocturne.
Nous serons une nation, le jour où nos policiers et nos juges, se comporteront en protecteurs du citoyen et non en sicaires vengeurs, agissant sur instruction d’un quelconque tyran.
L’histoire de l’humanité l’a suffisamment raconté, les dictatures ne durent qu’un temps. Les plus abominables d’entre elles, ont eu leurs moments de gloire, adulées, portées aux nues et glorifiées par les ignorants, les analphabètes, les simples d’esprit ou ceux qui y trouvaient leur compte en participant au sac et au pillage.
Ceux qui pensent que le Mouvement du vingt février est mort, occis par la ruse, la répression, ou l’intimidation n’y sont pas ! Le printemps reviendra hanter les tourmenteurs du peuple marocain jusqu’à ce que l’étendard de la liberté flotte sur nos rues, comme dans les consciences !
Salah Elayoubi
Ils étaient jeunes et dynamiques, bourrés de talent et d’idées.
Leur arrivée ne pouvait pas mieux tomber: le vieux tyran, malade et agoni de toutes parts, pour l’ampleur des magouilles sans pareilles et des crimes sans châtiments, qui avaient été les siens, quatre décennies durant, avait accepté de jeter, un moment, l’éponge.
Un vent de liberté soufflait alors sur l’Atlas !
Semaine après semaine, nos amis armés de l’effronterie de leur jeunesse, s’improvisèrent briseurs de tabous, remontant le temps, déconstruisant l’histoire rédigée par les falsificateurs, les faussaires et les tricheurs du despote, pour la remonter, un peu plus loin, brique par brique, conforme à la vérité, au plus grand ravissement de leurs compatriotes qu’une presse toute de lâcheté ou soumission, abreuvait de mensonges, depuis bien trop longtemps.
La joie qui nous étreignait, alors, de les lire, n’avait d’égale que la peur que les rattrapent, un jour, ceux dont ils avaient décidé de déshabiller les turpitudes. Car au pays de la tyrannie, un printemps dont on ne s’empare pas, ne dure qu’un temps. Le temps pour le vieux despote de disparaître, et son fils, vendu par des mystificateurs comme le parangon de l’empathie et le chantre de la liberté, reprenait d’une main, ce que son géniteur avait abandonné de l’autre. La suite ressemble à une inexorable descente aux enfers. Un long chapelet de persécutions, d’ignominies et de complots qui ont précipité la disparition de ce joyau du journalisme marocain, le 25 janvier 2010.
Trois ans après la mort de l’hebdomadaire, les protagonistes sont, à une exception près, tous là, sur la photo de famille de Bruxelles. Le temps et l’inavouable acharnement des ennemis de la liberté, ont blanchi la crinière de l’un, émacié les traits de l’autre, durci l’expression de celui-ci ou attristé le regard de celui-là. Mais à les écouter, on réalise combien leur détermination reste intacte. A l’unanimité, ils dénoncent le système pernicieux qui continue de broyer les marocains et les maintenir en esclavage, quand l’administration du Makhzen, toute à la botte de l’absolutisme, continue à faire son marketing, auprès de la communauté internationale.
Les grandes oreilles du dictateur et de son misérable sérail, ont sifflé, cinq heures durant et les gorges des auditeurs se sont nouées à l’évocation de tant d’ignominies.
Chronique d’un fiasco annoncé
Le 20 février 2011 ! Quel meilleur clin d’œil, l’histoire pouvait-elle offrir au « Journal », une année après sa disparition, que ce printemps marocain qui refuse de mourir. Comme s’il s’agissait de conjuguer dans une même indignation, les crimes commis à l’encontre du peuple et le destin brisé d’un hebdomadaire.
Deux ans après son déclenchement, ce dont on faisait la chronique annoncée, il y a encore quelques mois, s’avère aujourd’hui, une certitude absolue : la monarchie marocaine et l’administration du Makhzen, sont plus puissants que jamais et les moyens indécents que ces deux partenaires s’autorisent, continuent à leur faire peser de tout leur poids, sur les acteurs d’une arène politique réduite à sa plus simple expression.
Discours du 9 mars, nouvelle constitution et élections ne furent jamais qu’un lamentable remake de la partition que joue le régime, pour reporter sine die, sa mutation. Procrastination coupable, mâtinée d’hypocrisie et de mauvaise foi, au service d’un bien mauvais film. Un navet, au scénario grotesque, éculé à force d’avoir été visité, même s’il nous faut, cette fois-ci, concéder une palme. Celle de la pire des distributions connues à ce jour, avec l’entrée en lice de Benkirane, si obséquieux envers le dictateur et si médiocre dans la conduite des affaires du pays, que la chefferie du gouvernement lui va comme une paire de lunettes à un cheval. Une erreur de casting qui coûte au Maroc et la honte et le bas du classement de tous les indices.
Au parlement, supposé abriter des contre-pouvoirs et qui n’a guère démérité en matière de médiocrité, les empoignades de façade dissimulent bien mal la sordide réalité de ces représentants du peuple très peu concernés par l’intérêt public et dont certains traînent d’infâmes casseroles qui auraient du les conduire à s’expliquer devant leurs pairs, sinon devant des juges.
Mais si la monarchie, le Makhzen et les élites politiques, sont pour grande part, les faiseurs du fiasco, la société civile n’en porte pas moins une part non négligeable de responsabilité. Son silence et sa passivité en font la complice objective de ce trio infernal. Les occasions de s’indigner n’ont, pourtant, guère manqué, car là où il faudrait un siècle pour cumuler autant de turpitudes et de crimes, le régime marocain et ses suppôts les ont accomplis d’un trait, en quelques années.
Nous serons une nation…
On dit d’une nation qu’elle est l’ensemble des concepts et des principes que partagent les individus pour en faire le socle de leur vie en commun et le cercle vertueux de leurs échanges. C’est pour rappeler ce postulat élémentaire, que le mouvement du vingt février était descendu dans la rue, ce fameux dimanche de 2011. Un Modus vivendi que la monarchie n’a jamais accepté de s’appliquer à elle-même. Il l’aurait sans doute grandie et fait le distinguo entre la dictature qu’elle est, et la monarchie constitutionnelle qu’elle aurait du être. Et tant que le peuple continuera de se taire et d’observer dans un silence coupable tant d’exactions, nous ne serons jamais une nation.
Nous le serons, le jour où l’Etat marocain fera publiquement et officiellement son autocritique et demandera pardon de tant de souffrances, de privations et de crimes infligées, depuis la nuit des temps, aux siens.
Nous serons une nation, le jour où les marocains, leur dignité retrouvée, n’auront plus à s’incliner devant leur semblable, pour quémander leur droit.
Nous serons une nation, le jour où il pourra geler à pierre fendre dans l’Atlas, sans que les nôtres y meurent de froid, de privations et de maladie.
Nous serons une nation, le jour où la triche, la médiocrité et l’indigence politique, cesseront d’alimenter les rouages de l’administration et les travées du parlement.
Nous serons une nation, le jour où les plus misérables d’entre nous, pourront, à leur tour, vivre le rêve de voir leurs enfants accéder aux plus hautes charges de l’Etat.
Nous serons une nation, le jour où Aboubakr, les deux Ali et Omar pourront de la plus acerbe des plumes, revenir nous raconter librement, la réalité du Maroc, aussi sordide, aussi triste et aussi navrante, soit-elle et nous, de la lire et la partager, autant de fois qu’il nous plaira.
Nous serons une nation, le jour où Mouad et Younès reviendront déclamer leurs vers et s’époumoner en plein centre de nos villes, sans risquer autre chose qu’une amende pour tapage nocturne.
Nous serons une nation, le jour où nos policiers et nos juges, se comporteront en protecteurs du citoyen et non en sicaires vengeurs, agissant sur instruction d’un quelconque tyran.
L’histoire de l’humanité l’a suffisamment raconté, les dictatures ne durent qu’un temps. Les plus abominables d’entre elles, ont eu leurs moments de gloire, adulées, portées aux nues et glorifiées par les ignorants, les analphabètes, les simples d’esprit ou ceux qui y trouvaient leur compte en participant au sac et au pillage.
Ceux qui pensent que le Mouvement du vingt février est mort, occis par la ruse, la répression, ou l’intimidation n’y sont pas ! Le printemps reviendra hanter les tourmenteurs du peuple marocain jusqu’à ce que l’étendard de la liberté flotte sur nos rues, comme dans les consciences !
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