Lettre ouverte d’un séquestré de la DST à François Hollande
LETTRE OUVERTE A MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Salé, le 7 janvier 2013
Je me permets de vous écrire pour attirer votre attention sur
l’insupportable injustice que je subis sur le sol marocain, après m’être
fait enlever en Espagne (port d’Algésiras) par des agents marocains en
civils. Depuis 26 mois, je suis incarcéré au Maroc, alors
qu’officiellement, je ne me trouve même pas dans le pays.
Après avoir passé des vacances en famille au Maroc, je l’ai quitté
par voie terrestre en direction de la France où je réside. Une fois la
Méditerranée traversée, sur le sol espagnol, j’ai été interpellé par des
hommes marocains en civil, qui m’ont violenté et m’ont traîné de force
dans la cale du ferry qui retournait vers le Maroc. Sur mon passeport
français, il y a un tampon de sortie du Maroc, et pas de tampon
d’entrée. De nombreux articles de presse se sont penchés sur mon affaire
et relatent en détail les violations de mes droits et de la législation
internationale qui entachent mon dossier.
Après avoir disparu 10 jours, durant lesquels je me trouvais dans
une zone de non droit où j’ai subi les pires tortures, j’ai été condamné
à une peine d’emprisonnement de 5 années pour association de
malfaiteurs. Je clame mon innocence et dénonce un dossier monté de
toutes pièces, avec fausse date d’arrestation, contradictions flagrante
des policiers…
Comment peut-on enlever un citoyen français sans que la France
n’intervienne? Je précise que cet enlèvement est intervenu sur le sol
européen, et non pas au Maroc, avec lequel la France se montre
manifestement peu regardante sur les dossiers des Droits humains, y
compris lorsqu’ils concernent ses ressortissants.
Monsieur le Président j’ai été torturé, notamment
avec de l’électricité durant 13 jours dont 10 au fameux centre de Témara
par la DST. J’ai été sauvagement battu, insulté, humilié, bafoué, alors
même que je n’ai commis aucun crime.
L’association l’ACAT (Action Chrétienne contre l’Abolition de la
Torture) a dénoncé à plusieurs reprise les traitements que j’ai subis,
sans que cela ne suscite la moindre réaction de la part des autorités de
mon pays, la France, qui ont le devoir de veiller à ma sécurité et de
préserver mon intégrité.
J’ai dénoncé mon enlèvement et les sévices qui m’ont été infligés
dès que j’ai pu le faire, c’est-à-dire dès que j’ai été mis dans une
prison « civile », aux différentes autorités françaises. A ce jour, je
n’ai jamais reçu de réponse.
Mon avocat Maître François Heyraud a déposé une plainte auprès du
parquet de Lyon (cf. copie en annexe). Pour toute suite, le procureur de
la République de Lyon a dénoncé les faits « d’enlèvement et usage de
faux en écriture publique » au profit des autorités espagnoles. Il s’est
ainsi purement et simplement dessaisi du dossier alors même que je suis
plaignant français.
Mais là où le bât blesse, Monsieur le Président, c’est que j’ai
même eu droit à un phrase, plus qu’éloquente sur l’immobilisme, voire la
gêne manifeste qui entoure mon dossier :
« ON NE PEUT PAS INTERVENIR DE CRAINTE DE CRÉER UN CONFLIT DIPLOMATIQUE »,
En m’enlevant sur un sol Espagnol, on se demande bien qui se joue bien de provoquer un conflit?
Je vis une véritable injustice, plusieurs violations graves du
droit international ont été commises, mais je vois là que d’inavouables
intérêts complaisants passent avant ma dignité, et même avant la
légalité internationale.
À l’heure même ou je vous écris, je suis incertain de ce qui va
m’arriver en publiant cette lettre, je ne sais que trop que je vais
devoir en assumer les conséquences. Lors de la médiatisation de mon
affaire, j’ai dû faire face aux pressions les plus sournoises, aux
menaces, mais aussi à un transfert abusif.
Je vous informe par la présente, non sans désespoir, que
j’entamerai une grève de la faim quelques jours avant votre venue au
Maroc. Il ne me reste plus que cet ultime moyen pour dire mon refus de
l’injustice et faire enfin réagir une France devenue sourde-muette à la
souffrance de l’un de ses enfants.
Monsieur le Président, je souhaite par la présente vous saisir afin
que vous vous penchiez sur mon dossier lors de votre visite au Maroc.
Dans l’attente d’une réponse de votre part, veuillez agréer, Monsieur le président, l’expression de mes salutations distinguées.
Mostafa Naïm
Numéro d’écrou 561
Prison de Salé 2
Source : http://www.demainonline.com/?p=24027
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Extrait du Courrier de l'ACAT n°318 Janv-Fév. 2013
mensuel chrétien des droits de l'homme
APPELS URGENTS (Ouzbékistan et Maroc)
Maroc
Condamnés
sur la base d’aveux forcés
Adil
Lamtalsi, producteur de cinéma franco-marocain, a été
arrêté le 30 septembre 2008 à Tanger. Transporté au centre de détention secret
de Temara, géré par la Direction générale de la surveillance du territoire
(DGST), il y a été torturé pendant trois jours. Les agents l’ont principalement
interrogé sur sa carrière et ses relations en tant que producteur de cinéma et
ne l’ont questionné sur le trafic de stupéfiants qui ne lui était reproché que le
dernier jour, avant de lui casser le pouce pour le forcer à apposer son
empreinte sur des documents. Le troisième jour, il a été emmené à la
gendarmerie de Larache où il a été frappé, humilié et contraint de signer des
documents en arabe. Le
11 novembre 2008, Adil Lamtalsi a été condamné à dix ans d’emprisonnement pour
trafic de stupéfiants, sur la base d’aveux obtenus sous la torture et sans
avoir jamais vu de juge d’instruction.
Moustafa Naïm, animateur social franco-marocain, a été enlevé
par des agents de la police marocaine en civil, le 1er novembre 2010, au port espagnol
d'Algésiras, où il venait d'arriver par bateau en provenance du Maroc, avec son
épouse. Les agents l’ont forcé à remonter sur le bateau en le rouant de coups.
Arrivé à Tanger, il a été remis à des agents de la DGST qui l'ont conduit à
Temara. Moustafa Naïm y a été détenu pendant dix jours et soumis pendant une
semaine à plusieurs formes de torture. Le septième jour, après avoir menacé de
se suicider, il a été installé au premier étage, dans une pièce équipée d'un
système de vidéo-surveillance. Le dixième jour, Moustafa Naïm a été transféré
dans les locaux du bureau des stupéfiants à Maarif où, sous les coups, il a dû
signer un procès-verbal en arabe, une langue qu’il ne lit pas. Le 20 novembre
2011, il a été condamné à huit ans d’emprisonnement pour trafic de stupéfiants
sur la base d’aveux forcés, peine réduite à cinq ans en appel.
Adil Lamtalsi et Moustafa
Naïm, tous deux actuellement détenus à la prison de Salé, ne cessent de
dénoncer les violations qu’ils ont subies. Cependant, aucune enquête n’a été
ordonnée et ils sont fréquemment victimes de mesures punitives infligées par
leurs gardiens.
Écrivez au président français
…
en abrégé
Le large spectre des victimes de torture au Maroc
La torture est
fréquente au Maroc. Les personnes arrêtées dans le cadre du combat
antiterroriste – engagé après les attentats suicides perpétrés le 16 mai 2003 à
Casablanca, qui ont fait 45 morts − sont presque systématiquement torturées. Le
plus souvent arrêtées sans mandat et détenues au secret au-delà des 12 jours de
garde à vue prévus par la « loi n° 03-03 relative à la lutte contre le
terroriste » promulguée en 2003, elles réapparaissent quelques semaines, voire
quelques mois plus tard, devant le juge d’instruction de la cour d’appel de
Rabat − seule instance judiciaire chargée des affaires de terrorisme. Pendant
la garde à vue, les détenus subissent des sévices de la part de leurs
interrogateurs jusqu’à ce qu’ils signent des aveux, utilisés ensuite par le
juge.
Bien qu’il ne s’agisse
pas d’une pratique systématique, les personnes interpellées pour des crimes de
droit commun sont aussi susceptibles d’être soumises à la torture. C’est le cas de
Fodail Aberkane, 37 ans, arrêté par la police de Salé le 11 septembre 2010 pour
consommation de cannabis, puis relâché. Incarcéré de nouveau le 15 septembre
suivant après une altercation avec un policier, il est mort deux jours après
des suites des coups reçus au commissariat.
On peut aussi citer le
cas médiatique du champion de boxe Zakaria Moumni, arrêté le 27 septembre 2010
et torturé pendant trois jours à Temara. Il a été condamné le 4 octobre suivant
à trois ans de prison pour escroquerie, sur la base d’aveux extorqués sous la contrainte. Il a
finalement été libéré le 4 février 2012. Il aurait en fait été arrêté pour
avoir critiqué le roi.
Les participants aux
manifestations qui agitent le pays depuis le 20 février 2011 courent aussi le
risque de subir des mauvais traitements et des tortures.
Enfin, les défenseurs
sahraouis des droits de l’homme ou de l’indépendance du Sahara occidental sont,
eux aussi, très fréquemment victimes de violences policières pouvant aller
jusqu’à la torture.
La torture comme
élément essentiel de l’enquête
Les principaux auteurs
de tortures perpétrées sous couvert de la lutte antiterroriste et parfois à
l’encontre des personnes suspectées de trafic de stupéfiants sont les agents de
la Direction
générale de la surveillance du territoire (DGST), l’un des services de
renseignements du Royaume. Même s’ils n’ont pas la qualité d’officiers de
police judiciaire et ne peuvent donc pas arrêter ni interroger des suspects,
ils procèdent dans les faits à la plupart des arrestations des personnes
soupçonnées d’activités terroristes. Ils les conduisent au centre de détention
clandestin de Temara et les interrogent en recourant presque systématiquement à
la torture.
Une fois
l’interrogatoire terminé, les détenus sont transférés à la Brigade nationale de la
police judiciaire d’al-Maârif, près de Casablanca, où ils sont parfois à
nouveau torturés avant de signer des aveux forcés. La date d’arrestation
inscrite sur le procès-verbal est celle de l’arrivée à la Brigade pour couvrir la
période de détention au secret.
Une impunité généralisée
Dans la plupart des cas, les juges et procureurs refusent d’enregistrer les plaintes pour torture et d’ordonner des expertises médicales, ou ils tardent à le faire, pour permettre ainsi aux traces visibles de s’estomper et clore par conséquent l’affaire faute de preuves suffisantes.
Les rares enquêtes diligentées ne produisent jamais de résultats satisfaisants.
Par exemple, dans le cas
du jeune Kammal Ammari, tabassé par les forces de sécurité au cours d’une
manifestation organisée à Safi, le 29 mai 2011, et décédé à l’hôpital le 2
juin, le médecin légiste a conclu que la victime était morte d’une pneumopathie
qui avait aggravé les effets « d’un simple coup sur le torse » reçu lors de la
protestation.
L’impunité
est aussi de mise concernant les tortures et mauvais traitements infligés aux
Sahraouis. À la suite des exactions perpétrées par les forces de l’ordre lors
du démantèlement du camp de Gdeim Izik, le Parlement a créé une commission
d’enquête. Dans son rapport, rendu public en janvier 2011, elle s’est contentée
de relever quelques abus commis au cours des arrestations. Outre sa partialité
manifeste qui ne concourrait pas à l’établissement de la vérité, la commission
n’avait pas compétence pour rendre justice aux victimes.
*
* *
Textes internationaux
Le Maroc est partie à la Convention contre
la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et au
Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Soutenez ceux dont vous venez de lire l’histoire.
Écrivez pour leur venir en aide.
1. Vous
pouvez adresser la lettre que nous vous proposons, après l’avoir datée et
signée, sans oublier de mentionner votre nom et votre adresse.
Vous
pouvez aussi la réécrire à votre manière, avec vos mots, votre écriture, votre
conviction.
2. Pour
plus d’efficacité, nous vous conseillons d’envoyer une copie de votre lettre à
l’ambassade du pays concerné : les diplomates informent leurs ministères
des préoccupations des citoyens français.
Écrivez avant le 1er février 2013
Écrivez avant le 1er février 2013
Monsieur François Hollande
Président de la République française
Palais de l’Élysée
55, Rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
Monsieur le Président,
Sur la base d’informations communiquées par l’ACAT-France,
je vous exprime ma préoccupation concernant la situation d’Adil Lamtalsi et
de Moustafa Naïm. Ces deux Franco-Marocains, arrêtés dans des affaires
différentes, sont actuellement détenus dans la prison de Salé où ils purgent
une peine d’emprisonnement prononcée pour trafic de stupéfiants. Ils ont tous
deux été torturés par des agents de la Direction générale de la surveillance du
territoire dans ce qu’ils ont identifié comme étant le centre de détention
secret de Temara. Ils ont été condamnés à l’issue de procès inéquitables, sur
la base d’aveux obtenus sous la torture.
Adil Lamtalsi et Moustafa Naïm ne cessent de dénoncer les
violations qu’ils ont subies. Cependant, aucune enquête n’a été diligentée et
ils sont fréquemment victimes de mesures punitives infligées par leurs
gardiens. Le 11
septembre dernier, l’ACAT-France a adressé une communication au Rapporteur
spécial des Nations unies sur la torture les concernant.
En tant que partie à la Convention contre la torture, la
France devrait s’assurer que tous ses ressortissants bénéficient d’une
protection consulaire effective lorsqu’il existe un risque sérieux et imminent
de violation d’un de leurs droits fondamentaux et, à plus forte raison, lorsque
ce droit a effectivement été violé.
En l’absence d’intervention réelle et efficace des autorités
consulaires, je vous demande de bien vouloir intervenir auprès des autorités
marocaines afin de :
·
garantir
le respect de l’intégrité physique et psychologique des détenus,
· s’assurer
qu’une enquête indépendante et impartiale soit diligentée concernant les
allégations de torture,
·
veiller
à ce qu’ils bénéficient d’un procès équitable.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression
de ma plus haute considération.
Vous
souhaitez intervenir en faveur d’Adil Lamtalsi et Moustafa Naïm :
Écrivez au président
français
[Par courrier : ne pas affranchir – par le site Internet :
Adressez
une copie de votre lettre à l’ambassade de France au Maroc
[1 rue Aguelmane Sidi Ali – Rabat Agdal 10190 - BP 577 – Rabat
Chellah 1500 par le site Internet :
http://www.ambafrance-ma.org/Nous-contacter,9861]
(pour l'Ouzbekistan voir www.acatfrance.fr)
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