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mercredi 9 janvier 2013

Ces citoyens français kidnappés, torturés, condamnés et emprisonnés au Maroc

Lettre ouverte d’un séquestré de la DST à François Hollande

Mostafa Naïm
Mostafa Naïm (Photo DR)
LETTRE OUVERTE A MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
 Monsieur le Président de la République,
Je me permets de vous écrire pour attirer votre attention sur l’insupportable injustice que je subis sur le sol marocain, après m’être fait enlever en Espagne (port d’Algésiras) par des agents marocains en civils. Depuis 26 mois, je suis incarcéré au Maroc, alors qu’officiellement, je ne me trouve même pas dans le pays.
Après avoir passé des vacances en famille au Maroc, je l’ai quitté par voie terrestre en direction de la France où je réside. Une fois la Méditerranée traversée, sur le sol espagnol, j’ai été interpellé par des hommes marocains en civil, qui m’ont violenté et m’ont traîné de force dans la cale du ferry qui retournait vers le Maroc. Sur mon passeport français, il y a un tampon de sortie du Maroc, et pas de tampon d’entrée. De nombreux articles de presse se sont penchés sur mon affaire et relatent en détail les violations de mes droits et de la législation internationale qui entachent mon dossier.
Après avoir disparu 10 jours, durant lesquels je me trouvais dans une zone de non droit où j’ai subi les pires tortures, j’ai été condamné à une peine d’emprisonnement de 5 années pour association de malfaiteurs. Je clame mon innocence et dénonce un dossier monté de toutes pièces, avec fausse date d’arrestation, contradictions flagrante des policiers…
Comment peut-on enlever un citoyen français sans que la France n’intervienne? Je précise que cet enlèvement est intervenu sur le sol européen, et non pas au Maroc, avec lequel la France se montre manifestement peu regardante sur les dossiers des Droits humains, y compris lorsqu’ils concernent ses ressortissants.
Monsieur le Président j’ai été torturé, notamment avec de l’électricité durant 13 jours dont 10 au fameux centre de Témara par la DST. J’ai été sauvagement battu, insulté, humilié, bafoué, alors même que je n’ai commis aucun crime.
L’association l’ACAT (Action Chrétienne contre l’Abolition de la Torture) a dénoncé à plusieurs reprise les traitements que j’ai subis, sans que cela ne suscite la moindre réaction de la part des autorités de mon pays, la France, qui ont le devoir de veiller à ma sécurité et de préserver mon intégrité.
J’ai dénoncé mon enlèvement et les sévices qui m’ont été infligés dès que j’ai pu le faire, c’est-à-dire dès que j’ai été mis dans une prison « civile », aux différentes autorités françaises. A ce jour, je n’ai jamais reçu de réponse.
Mon avocat Maître François Heyraud a déposé une plainte auprès du parquet de Lyon (cf. copie en annexe). Pour toute suite, le procureur de la République de Lyon a dénoncé les faits « d’enlèvement et usage de faux en écriture publique » au profit des autorités espagnoles. Il s’est ainsi purement et simplement dessaisi du dossier alors même que je suis plaignant français.
Mais là où le bât blesse, Monsieur le Président, c’est que j’ai même eu droit à un phrase, plus qu’éloquente sur l’immobilisme, voire la gêne manifeste qui entoure mon dossier :
« ON NE PEUT PAS INTERVENIR DE CRAINTE DE CRÉER UN CONFLIT DIPLOMATIQUE »,
En m’enlevant sur un sol Espagnol, on se demande bien qui se joue bien de provoquer un conflit?
Je vis une véritable injustice, plusieurs violations graves du droit international ont été commises, mais je vois là que d’inavouables intérêts complaisants passent avant ma dignité, et même avant la légalité internationale.
À l’heure même ou je vous écris, je suis incertain de ce qui va m’arriver en publiant cette lettre, je ne sais que trop que je vais devoir en assumer les conséquences. Lors de la médiatisation de mon affaire, j’ai dû faire face aux pressions les plus sournoises, aux menaces, mais aussi à un transfert abusif.
Je vous informe par la présente, non sans désespoir, que j’entamerai une grève de la faim quelques jours avant votre venue au Maroc. Il ne me reste plus que cet ultime moyen pour dire mon refus de l’injustice et faire enfin réagir une France devenue sourde-muette à la souffrance de l’un de ses enfants.
Monsieur le Président, je souhaite par la présente vous saisir afin que vous vous penchiez sur mon dossier lors de votre visite au Maroc.
Dans l’attente d’une réponse de votre part, veuillez agréer, Monsieur le président, l’expression de mes salutations distinguées.
Mostafa Naïm                                                                       
Numéro d’écrou 561
Prison de Salé 2

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Extrait du Courrier de l'ACAT n°318 Janv-Fév. 2013
mensuel chrétien des droits de l'homme
APPELS URGENTS (Ouzbékistan et Maroc)


Maroc
Condamnés sur la base d’aveux forcés
Adil Lamtalsi, producteur de cinéma franco-marocain, a été arrêté le 30 septembre 2008 à Tanger. Transporté au centre de détention secret de Temara, géré par la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), il y a été torturé pendant trois jours. Les agents l’ont principalement interrogé sur sa carrière et ses relations en tant que producteur de cinéma et ne l’ont questionné sur le trafic de stupéfiants qui ne lui était reproché que le dernier jour, avant de lui casser le pouce pour le forcer à apposer son empreinte sur des documents. Le troisième jour, il a été emmené à la gendarmerie de Larache où il a été frappé, humilié et contraint de signer des documents en arabe. Le 11 novembre 2008, Adil Lamtalsi a été condamné à dix ans d’emprisonnement pour trafic de stupéfiants, sur la base d’aveux obtenus sous la torture et sans avoir jamais vu de juge d’instruction.

Moustafa Naïm, animateur social franco-marocain, a été enlevé par des agents de la police marocaine en civil, le 1er novembre 2010, au port espagnol d'Algésiras, où il venait d'arriver par bateau en provenance du Maroc, avec son épouse. Les agents l’ont forcé à remonter sur le bateau en le rouant de coups. Arrivé à Tanger, il a été remis à des agents de la DGST qui l'ont conduit à Temara. Moustafa Naïm y a été détenu pendant dix jours et soumis pendant une semaine à plusieurs formes de torture. Le septième jour, après avoir menacé de se suicider, il a été installé au premier étage, dans une pièce équipée d'un système de vidéo-surveillance. Le dixième jour, Moustafa Naïm a été transféré dans les locaux du bureau des stupéfiants à Maarif où, sous les coups, il a dû signer un procès-verbal en arabe, une langue qu’il ne lit pas. Le 20 novembre 2011, il a été condamné à huit ans d’emprisonnement pour trafic de stupéfiants sur la base d’aveux forcés, peine réduite à cinq ans en appel.
Adil Lamtalsi et Moustafa Naïm, tous deux actuellement détenus à la prison de Salé, ne cessent de dénoncer les violations qu’ils ont subies. Cependant, aucune enquête n’a été ordonnée et ils sont fréquemment victimes de mesures punitives infligées par leurs gardiens.

Écrivez au président français
… en abrégé

Le large spectre des victimes de torture au Maroc
La torture est fréquente au Maroc. Les personnes arrêtées dans le cadre du combat antiterroriste – engagé après les attentats suicides perpétrés le 16 mai 2003 à Casablanca, qui ont fait 45 morts − sont presque systématiquement torturées. Le plus souvent arrêtées sans mandat et détenues au secret au-delà des 12 jours de garde à vue prévus par la « loi n° 03-03 relative à la lutte contre le terroriste » promulguée en 2003, elles réapparaissent quelques semaines, voire quelques mois plus tard, devant le juge d’instruction de la cour d’appel de Rabat − seule instance judiciaire chargée des affaires de terrorisme. Pendant la garde à vue, les détenus subissent des sévices de la part de leurs interrogateurs jusqu’à ce qu’ils signent des aveux, utilisés ensuite par le juge.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’une pratique systématique, les personnes interpellées pour des crimes de droit commun sont aussi susceptibles d’être soumises à la torture. C’est le cas de Fodail Aberkane, 37 ans, arrêté par la police de Salé le 11 septembre 2010 pour consommation de cannabis, puis relâché. Incarcéré de nouveau le 15 septembre suivant après une altercation avec un policier, il est mort deux jours après des suites des coups reçus au commissariat.
On peut aussi citer le cas médiatique du champion de boxe Zakaria Moumni, arrêté le 27 septembre 2010 et torturé pendant trois jours à Temara. Il a été condamné le 4 octobre suivant à trois ans de prison pour escroquerie, sur la base d’aveux extorqués sous la contrainte. Il a finalement été libéré le 4 février 2012. Il aurait en fait été arrêté pour avoir critiqué le roi.
Les participants aux manifestations qui agitent le pays depuis le 20 février 2011 courent aussi le risque de subir des mauvais traitements et des tortures.
Enfin, les défenseurs sahraouis des droits de l’homme ou de l’indépendance du Sahara occidental sont, eux aussi, très fréquemment victimes de violences policières pouvant aller jusqu’à la torture.

La torture comme élément essentiel de l’enquête
Les principaux auteurs de tortures perpétrées sous couvert de la lutte antiterroriste et parfois à l’encontre des personnes suspectées de trafic de stupéfiants sont les agents de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), l’un des services de renseignements du Royaume. Même s’ils n’ont pas la qualité d’officiers de police judiciaire et ne peuvent donc pas arrêter ni interroger des suspects, ils procèdent dans les faits à la plupart des arrestations des personnes soupçonnées d’activités terroristes. Ils les conduisent au centre de détention clandestin de Temara et les interrogent en recourant presque systématiquement à la torture.
Une fois l’interrogatoire terminé, les détenus sont transférés à la Brigade nationale de la police judiciaire d’al-Maârif, près de Casablanca, où ils sont parfois à nouveau torturés avant de signer des aveux forcés. La date d’arrestation inscrite sur le procès-verbal est celle de l’arrivée à la Brigade pour couvrir la période de détention au secret.

Une impunité généralisée
Dans la plupart des cas, les juges et procureurs refusent d’enregistrer les plaintes pour torture et d’ordonner des expertises médicales, ou ils tardent à le faire, pour permettre ainsi aux traces visibles de s’estomper et clore par conséquent l’affaire faute de preuves suffisantes.
Les rares enquêtes diligentées ne produisent jamais de résultats satisfaisants.
Par exemple, dans le cas du jeune Kammal Ammari, tabassé par les forces de sécurité au cours d’une manifestation organisée à Safi, le 29 mai 2011, et décédé à l’hôpital le 2 juin, le médecin légiste a conclu que la victime était morte d’une pneumopathie qui avait aggravé les effets « d’un simple coup sur le torse » reçu lors de la protestation.
L’impunité est aussi de mise concernant les tortures et mauvais traitements infligés aux Sahraouis. À la suite des exactions perpétrées par les forces de l’ordre lors du démantèlement du camp de Gdeim Izik, le Parlement a créé une commission d’enquête. Dans son rapport, rendu public en janvier 2011, elle s’est contentée de relever quelques abus commis au cours des arrestations. Outre sa partialité manifeste qui ne concourrait pas à l’établissement de la vérité, la commission n’avait pas compétence pour rendre justice aux victimes.

* * *

Textes internationaux
Le Maroc est partie à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Soutenez ceux dont vous venez de lire l’histoire.
Écrivez pour leur venir en aide.

1. Vous pouvez adresser la lettre que nous vous proposons, après l’avoir datée et signée, sans oublier de mentionner votre nom et votre adresse.
Vous pouvez aussi la réécrire à votre manière, avec vos mots, votre écriture, votre conviction.

2. Pour plus d’efficacité, nous vous conseillons d’envoyer une copie de votre lettre à l’ambassade du pays concerné : les diplomates informent leurs ministères des préoccupations des citoyens français. 
 Écrivez avant le 1er février 2013

Monsieur François Hollande
Président de la République française
Palais de l’Élysée
55, Rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris

Monsieur le Président,

Sur la base d’informations communiquées par l’ACAT-France, je vous exprime ma préoccupation concernant la situation d’Adil Lamtalsi et de Moustafa Naïm. Ces deux Franco-Marocains, arrêtés dans des affaires différentes, sont actuellement détenus dans la prison de Salé où ils purgent une peine d’emprisonnement prononcée pour trafic de stupéfiants. Ils ont tous deux été torturés par des agents de la Direction générale de la surveillance du territoire dans ce qu’ils ont identifié comme étant le centre de détention secret de Temara. Ils ont été condamnés à l’issue de procès inéquitables, sur la base d’aveux obtenus sous la torture.
Adil Lamtalsi et Moustafa Naïm ne cessent de dénoncer les violations qu’ils ont subies. Cependant, aucune enquête n’a été diligentée et ils sont fréquemment victimes de mesures punitives infligées par leurs gardiens. Le 11 septembre dernier, l’ACAT-France a adressé une communication au Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture les concernant.
En tant que partie à la Convention contre la torture, la France devrait s’assurer que tous ses ressortissants bénéficient d’une protection consulaire effective lorsqu’il existe un risque sérieux et imminent de violation d’un de leurs droits fondamentaux et, à plus forte raison, lorsque ce droit a effectivement été violé.
En l’absence d’intervention réelle et efficace des autorités consulaires, je vous demande de bien vouloir intervenir auprès des autorités marocaines afin de :
·        garantir le respect de l’intégrité physique et psychologique des détenus,
·  s’assurer qu’une enquête indépendante et impartiale soit diligentée concernant les allégations de torture,
·        veiller à ce qu’ils bénéficient d’un procès équitable.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma plus haute considération.

Vous souhaitez intervenir en faveur d’Adil Lamtalsi et Moustafa Naïm :
Écrivez au président français
[Par courrier : ne pas affranchir – par le site Internet :
Adressez une copie de votre lettre à l’ambassade de France au Maroc
[1 rue Aguelmane Sidi Ali – Rabat Agdal 10190 - BP 577 – Rabat Chellah 1500 par le site Internet : http://www.ambafrance-ma.org/Nous-contacter,9861]

(pour l'Ouzbekistan voir www.acatfrance.fr)

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