Reporterre : Que pensez-vous du déploiement de forces
policières, engagé depuis le 16 octobre, pour expulser les jeunes
occupants de Notre-Dame-des-Landes ?
Stéphane Hessel : Je trouve toujours très
regrettable que des problèmes, qui suscitent tout naturellement une
opposition des uns et une opposition des autres, soit traités avec de la
violence.
C’est le contraire de ce que nous a appris le mouvement socialiste,
qui est un mouvement de remise ensemble des positions des uns et des
autres, surtout lorsqu’il s’agit de ces jeunes « Indignés », dont j’ai
eu l’occasion de marquer la vitalité. Il ne faut pas les brusquer, il ne
faut surtout pas leur envoyer la police, il faut discuter avec eux.
Le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est très
discuté, de longue date et de façon très argumentée. Que pensez-vous de
ce projet ?
Je ne le connais pas suffisamment, ça n’a pas été un des sujets sur
lesquels je me suis jusqu’ici engagé. Mais tout ce que j’en entends
dire, et notamment de la part de mes amis d’Europe Ecologie-Les Verts,
avec lesquels je me suis engagé pour essayer de donner le maximum de
sens au programme écologique français, je n’entends qu’une chose, c’est
que ce projet de Notre-Dame-des-Landes n’est ni véritablement nécessaire
sur le plan économique, des études l’ont, je pense, démontré, ni
suffisamment innocent sur le plan de problèmes comme la loi sur l’eau,
comme la dégradation des terres agricoles.
Il me semble donc qu’il est normal que ceux qui se sont engagés
derrière ce projet reconsidèrent leur position et au moins reviennent à
une discussion, à un débat, à un débat conduit avec le respect de
l’autre, et arrivent peut-être à la conclusion que véritablement on
s’était fourvoyé en voulant à tout prix cet aéroport.
Qu’aimeriez-vous dire à Jean-Marc Ayrault à ce propos ?
A Jean-Marc Ayrault, je voudrais dire deux choses :
- d’abord que j’ai beaucoup de respect pour lui, que je considère qu’il a fait à Nantes un travail remarquable. Et je suis heureux qu’il ait accepté le choix de François Hollande de diriger notre gouvernement ;
- mais je voudrais lui dire que tout homme peut avoir des raisons de reconsidérer une position qu’il a prise, qu’il a prise sous je ne sais quelle influence particulière. Mais à laquelle il ne doit pas rester lié sans se demander s’il n’y a pas une solution qui ne mettrait pas en conflit des gens auxquels il doit l’amitié et le respect.
Ceux qui protestent, ceux qui n’en veulent pas, ce sont de bons
citoyens français, ce ne sont pas des malotrus, des voyous, au
contraire, ce sont des gens qui ont bien réfléchi.
J’aimerais que lui aussi réfléchisse bien. Je lui dis ça avec tout le
respect que j’ai pour lui et avec la conviction que lorsqu’il tiendra
compte de l’émotion provoquée, de la volonté citoyenne de faire
autrement, eh bien que lui aussi se demandera s’il ne peut pas, s’il ne
doit pas, faire autrement.
Stéphane Hessel et Notre-Dame-des-Landes
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