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mercredi 24 octobre 2012

Des excuses de l’Etat, l’exemple de la Tunisie et celui du Maroc

Par Ahmed Benseddik, demainonline, 23/10/2012

Opinion. Dans un communiqué de la présidence de la république tunisienne du jeudi 4 octobre, on apprend que le président Tunisien Moncef Marzouki a présenté les excuses de l’Etat à la jeune fille violée par deux policiers, le 3 septembre dernier.

Le président a reçu la jeune fille, accompagnée de son fiancé et de  Siham Bensedrine, activiste des droits de l’Homme et présidente du Conseil National des Libertés. Après avoir entendu les détails de cette douloureuse affaire, il a exprimé sa totale sympathie à la femme violée et présenté les excuses de l’Etat en considérant que cet acte dangereux touche le pays entier.
« Il n’y a plus de tolérance, ni pour les violeurs, ni pour ceux qui les couvrent ou qui veulent voiler la réalité. La présidence suivra de près cette affaire pour qu’aucun intérêt partisan n’emporte sur la primauté de la loi et pour que les Tunisiens soient rétablis dans leur droit », a indiqué la présidence.
Le président a aussi dénoncé « fortement » ce viol et salué les agents de police qui ont refusé de couvrir leurs collègues, ce qui montre, selon lui, que « le dérèglement n’est pas dans l’institution sécuritaire mais dans la mentalité de certains de ses membres qui ne se sont pas aperçus que le pays a vécu une révolution afin que les tunisiens et les tunisiennes vivent désormais libres et dans la dignité ».
La dignité, voilà le mot clé, et la valeur suprême sans laquelle l’Homme ne vit pas entièrement son humanité et sans laquelle la vie tend à être absurde.

Au Maroc aussi, il y a eu récemment des excuses publiques mais le scénario est différent.
En effet, si en Tunisie, le chef de l’Etat présente des excuses de l’Etat à une citoyenne, au Maroc, le chef de l’Etat reçoit des excuses de la part du Chef de gouvernement. Ce dernier a surpris tout le monde le 9 août dernier en publiant un communiqué d’excuses au roi et ses conseillers, suite à un article de presse, somme toute banal, qui évoque les difficultés qu’éprouve le chef de gouvernement à communiquer avec le cabinet royal.
Ce qui devait constituer un non-évènement est devenu une affaire sérieuse.
En plus, Abdelilah Benkirane affirme en même temps qu’il n’a rien fait de mal qui puisse justifier ses plates et humbles excuses et que c’est la faute des journalistes qui ont mal rapporté ses propos. C’est ainsi que des excuses bien réelles viennent réparer un tort virtuel et très hypothétique subi par le roi et ses « respectables » conseillers auxquels le chef du gouvernement multiplie les courbettes.
Déjà, l’ancien premier Ministre Abbès El Fassi n’était pas un modèle de forte personnalité, mais l’actuel chef de Gouvernement a battu les records d’obséquiosité vis-à-vis de la monarchie. Son zèle à l’encenser a pris une allure caricaturale lorsqu’il a hurlé à la face du journaliste de la chaine de télévision Al Jazeera, Ahmad Mansour, que le Maroc entier n’existerait tout simplement plus sans la monarchie.
Nous sommes loin de la dignité des Marocaines et Marocains.
En vérité, le mépris et l’humiliation des citoyens sont des composantes constitutives du pouvoir marocain. Il n’est donc pas concevable qu’un citoyen puisse recevoir des excuses de la part de l’Etat et de ses représentants, quelque soit l’injustice infligée.
Lorsque l’Instance Equité et Réconciliation, constituée pour réparer les torts des années de plomb sous Hassan II, a commencé à éplucher les dossiers de manquements graves  subis par tant de citoyens en vue de décider des réparations matérielles, certains organes de droits de l’Homme ont réclamé des excuses de la part du roi au nom de l’Etat. Non seulement le roi a superbement ignoré cette revendication, mais il n’a pas jugé utile d’expliquer les raisons de son royal refus.
Aujourd’hui encore, la mentalité makhzénienne que le palais tente de perpétuer, au détriment du bon sens, de la simple morale et du sens de l’histoire, demeure basée sur le mépris.
Lorsque les actes de tortures et de viol des prisonniers (à l’aide de bouteilles) ont été révélés à l’opinion publique – témoignage vidéo de Bouchta Charef en particulier – aucun responsable politique, à quelque niveau que ce soit, n’a eu le courage de présenter des excuses.
D’ailleurs, l’homme qui dirige toutes les prisons du pays, Hafid Benhachem, est un pur produit de l’école Driss Basri, ancien ministre de l’intérieur d’Hassan II. C’est un fidèle du palais que le ministre de la justice actuel n’ose pas et n’osera jamais indisposer.
Ces derniers mois, lors des évènements de Taza, de Beni Bouayach dans le nord et de Douar Chlihate à côté de la ville de Larache, et tout récemment à Tanger en ce début d’octobre, les forces de l’ordre ont toujours agi selon le même scénario : usage exagéré de la violence, accès par la force aux domiciles des citoyens, vols d’objets, menaces de viol, insultes vulgaires. Aucun responsable parmi les multiples organes sécuritaires n’a jamais été inquiété et aucune excuse n’a été présentée aux victimes.
Il y a quatre années, Hassan Yaakoubi, mari d’une des tantes du roi, a brûlé un feu rouge à Casablanca. Lorsque qu’un agent de circulation l’a arrêté pour non respect du code de la route, l’homme qui venait de finir une partie de golf a sorti de la boite à gants de son véhicule un  revolver et a tiré une balle sur la jambe du malheureux policier.
Au lieu d’être arrêté et jugé, il a été ensuite escorté par d’autres policiers, comble de l’humiliation, jusqu’à son domicile. Un communiqué a été publié dans la soirée informant les sujets de sa majesté que l’oncle par alliance de sa majesté est atteint d’une obscure maladie mentale, le syndrome de Korsakoff (selon Wikipédia: psychose de Korsakoff ou démence de Korsakoff ou syndrome amnésique avec fabulations, est un trouble neurologique causé par le manque de thiamine -vitamine B1- dans le cerveau. Sa survenue est liée à l’abus d’alcool ou à une sévère malnutrition).
Le communiqué ne détaille pas dans quelles circonstances et par qui le permis de port d’arme a été délivré à cet individu.
Cet épisode illustre la différence de fond entre les deux situations dans deux pays, la Tunisie et le Maroc. Le premier a vécu une vraie révolution, a chassé le despotisme et a arraché sa dignité à celui qui exerçait  oppression et injustice. Par contre, le Maroc a vécu une fausse révolution, celle que Benkirane, qui n’est finalement qu’un fonctionnaire avec grade de Chef de Gouvernement, appelle avec fierté la révolution des urnes.
Sauf que ce sont des urnes bourrées de mépris.

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