par Mohammed Belmaïzi,23/10/2012
Généralité
Dans nos sociétés actuelles, on parle souvent de
« respect de la tradition ». D’aucuns prennent la tradition pour un
retour light sur un certain nombre de rites (croyances; superstitions;
fêtes ; chants ; musique…). D’autres, par crainte de perdre des repères
et d’être voués à on ne sait quelle errance existentielle, contestent
même le présent et font du passé un avenir inéluctable. S’il est vrai
que le cerveau humain est prédisposé à la paresse et qu’on n’utilise que
10% de notre capacité intellectuelle, il a été notifié que l’on trouve
une certaine jouissance dans la redondance.
Mais lorsque ce refrain qui est en apparence sans
risque, prend des formes qui enfoncent l’humanité dans les ténèbres
délétères, le progrès de la culture et de la pensée est exposé à la
violence totalitaire. On l’a vu avec le film (aussi minable et insultant
qu’il soit) sur le prophète de l’islam, soulevant des ébullitions
insensées avec mort d’hommes. Le retour à la tradition impose, dans ce
cas, une sacralité intransigeante où la violation du tabou appelle au
meurtre et à l’expiation. Et c’est la « sacralité de l’ignorance » qui
investit notre monde.
Il n’est donc pas étonnant que certains Etats, le Maroc
en fait certainement partie..., échafaudent leur pouvoir sur l’entité
du « respect de la tradition », en recourant à des rouages et à des
manipulations des consciences. On l’a vu en Afghanistan où les Talibans
reviennent au droit du cuissage, à la Bourka pour évacuer la femme de
l’espace social, en vue de s’accaparer le pouvoir et ses privilèges (à
noter en passant, que la guerre entre traditions est à l’œuvre : lorsque
les Bouddahs de Bâmyân contredisent la tradition talibano-centriste, il
faut les pulvériser).
On le voit également dans l’opposition des combats au
Tibet : combat pour un « Tibet libre » et combat pour un « Tibet
moderne ». Les tenants du premier, avec Dalaï-lama, défendent la
tradition et ne comptent pas abandonner les rites, les croyances
primitives et les structures d’une société archaïque qui attestent
contre tout projet qui vise la construction d’une société de progrès,
juste et prospère. Alors que les tenants d’un « Tibet moderne » plaident
pour l’évacuation des injustices et des prédations des richesses
inscrites dans la peau même d’une élite tibétaine aspirant à un « Tibet
libre ».
Des consciences libres et libératrices à l’instar de Tashi Tsering (« Mon combat pour un Tibet libre », excellente traduction par André Lacroix dans les éditions Golias, 2011)
qui démontre avec force cet antagonisme entre « tradition » et
« changement », dans sa biographie, sans faire l’encenseur du pouvoir
chinois, opte résolument pour la culture et la connaissance dans le but
de déchirer les chaînes d’une pensée archaïque opposée à une évolution
au service de l’humain avant tout.
Qu'en est-il pour le Maroc?
Pour l’État marocain, l'ignorance et la misère font
partie de la tradition. Un pays donc à deux visages comme aiment à
claironner les détenteurs du pouvoir. Modernité et tradition. Un pays où
évoluent l'élite des richards et l'élite des intellos de service. Mais
ces derniers, nourris des miettes que leur offre le roi et son régime
prédateur, sont devenus les meilleurs thuriféraires de la tradition. On a
entendu l'un des écrivains marocain (il n'est pas le seul), chanter la
légitimité de la monarchie ancrée dans sa longue histoire de quelques
siècles. D'autres intellos, après avoir combattu le tyran Hassan II et
dénoncé les années de plomb, gardent un silence strident sur les
violations des droits humains, alors que nombre d'instances, nationales
et internationales, viennent de condamner le Maroc pour la torture et
les emprisonnements arbitraires.
Le 'respect de la tradition' au Maroc, c'est faire de
nous des Sujets du despote, représentant de Dieu sur terre. La tradition
au Maroc, c'est faire allégeance tous les ans en se prosternant devant
le roi, comme des minus. La tradition au Maroc, c'est de rabaisser notre
humanité en nous écrasant par les bottes féodales. La tradition au
Maroc, c'est la corruption, le mensonge, la falsification des élections
et de la Constitution. La tradition au Maroc c'est la prédation et
l'impunité. La tradition au Maroc, c'est l'esclavagisme des plus
démunis. La tradition au Maroc, c'est la perversion des gouvenants et le
vice qu'ils injectent dans le sang de la société... Et j'en passe et
des plus belles...
Le « respect de la tradition », serait-il le Cheval de
Troie des temps modernes ? Le respect de la tradition au Maroc,
serait-il le beau mensonge pour nous écraser éternellement? Seul un
soulèvement pourrait restituer le sens noble que doit véhiculer LA
TRADITION.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Pour ma part, je n'ai pas de sang de bélier sur les mains et je n'ai jamais eu à affronter ainsi une de ces pauvres bêtes !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire