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vendredi 14 septembre 2012

Islam/Occident: Quand des musulmans nuisent à l’islam

par ,Rédacteur en chef adjoint, membre de Tolerance.ca®,13/9/2012
L’islam n’est pas en odeur de sainteté en Occident. Plusieurs campagnes et productions culturelles islamophobes occidentales le dépeignent sous des traits négatifs. Suscitant frustrations, colères ou découragement parmi les musulmans dans le monde. Mais les violentes réactions d'une partie des musulmans contribuent au renforcement de ces mêmes stéréotypes qu’ils disent pourtant antinomique avec l’islam.


L’histoire des relations entre l’Occident (héritier de la Vieille Europe chrétienne) et les mondes de l’islam est marquée par plusieurs épisodes de tentions, parfois extrêmes. D’où la grande méfiance cultivée des deux côtés du miroir et qui constitue aujourd’hui la toile de fond de leurs relations. Les expéditions occidentales coloniales, les interventions directes dans les affaires domestiques de nombreux pays musulmans, l'essor des nationalismes, les nombreux attentats terroristes d’envergure, dont celui du 11 septembre 2001, et la politique de changement de régime à coup de canon du botté George W. Bush, parmi d'autres événements historiques, n’ont fait qu’aggraver ces tensions.

Quand des musulmans ruinent l’image de l’islam...
En voulant fustiger un brûlot islamophobe, ''l’innocence des musulmans'', des imams ultra conservateurs et salafistes et des animateurs de télévision égyptienne ont permis de sauver ce navet américain de l’oubli et lui ont donné une audience et un souffle inespérés. La diffusion des extraits de ce film américain sur YouTube a mis le feu aux poudres dans plusieurs pays musulmans. Des milliers de manifestants égyptiens, dont des salafistes très motivés, ont ouvert le bal. Ils ont pris pour cible l’ambassade américaine au Caire. Quelques-uns des leurs ont escaladé le mur de la représentation, déchiré la bannière étoilée et hissé à la place un drapeau salafiste. Un signe de provocation symbolique destiné à choquer le gouvernement et l’opinion publique aux États-Unis! Les manifestations devant des représentations américaines ont depuis fait tache d’huile: Maroc, Tunisie, Soudan, Yémen, Irak, Iran, Israël… Avec au menu des affrontements avec les forces de l’ordre. La blogosphère et les réseaux sociaux arabes se sont à leur tour enflammés. Plus grave encore: l’assassinat, le 12 septembre, de l’ambassadeur des États-Unis en Libye et la destruction de leur consulat à Benghazi.
Tous ces manifestants se plaignent de la même chose: une campagne visant délibérément à ternir l’image de la religion islamique.

En manifestant de manière violente leur colère et surtout en assassinant l’ambassadeur Christopher J. Stevens, une personnalité connue pour son attachement au monde arabe, des musulmans fanatisés ont, encore une fois, porté atteinte à l’image de l’islam, qu’ils disent pourtant vouloir défendre. Tout comme lors de précédents épisodes controversés: la fatwa de l’ayatollah Khomeiny contre l’écrivain britannique Salman Rushdie, les menaces contre les caricaturistes du prophète Mohamed… Sans oublier ce délire jihadiste de guerre totale contre ''les Juifs et les Croisés'' et les tueries perpétrées au nom de l’islam dans plusieurs régions du monde.
À chacune de ces fois, une minorité fanatisée de musulmans a pris en otage la majorité des musulmans et les a mis au ban des nations. Donnant de surcroît de l’islam l’image peu reluisante d’une religion violente, sectaire et hostile à toute expression libre de la pensée humaine. C’est pourquoi au lieu de contribuer à faire reculer les expressions culturelles de l’islamophobie en Occident, les stéréotypes les plus négatifs sont appelés à s’ancrer encore davantage dans l’imagine occidental et même du reste du monde.
En réagissant de manière violente (et disproportionnée) à toute expression culturelle islamophobe, ces musulmans donnent l’impression d’être à la fois déconnectés de la modernité et hostiles à la liberté. Mais ne savent-ils pas que l’Occident est un havre de liberté de pensée et de croyance? Ignorent-ils que dans un pays comme les États-Unis, la liberté est une valeur sacrée, dont l’expression est protégée par la Loi fondamentale du pays? Et qu'en conséquent, le gouvernement ne peut intervenir pour empêcher un créateur d’aller jusqu’au bout de sa démarche aussi contestable soit-elle? Ont-ils oublié que quand des islamistes et des salafistes fuyaient les persécutions politiques ou religieuses des régimes autoritaires arabes (Égypte, Tunisie, Libye, Yémen...), c'est dans ces  havres de liberté et de tolérance qu'ils se refugiaient?
En attaquant les représentations diplomatiques d’une démocratie où a ''fleuri'' le brûlot objet du scandale ''islamique'', ces extrémistes croient pouvoir obliger ce pays à faire plier ses créateurs littéraires. Ils montrent ainsi l’étendue de leur ignorance du fonctionnement du phénomène créatif en Occident et du rapport entre les institutions et les acteurs littéraires. C’est comme s’ils les imaginaient à l’identique à ce qui se passe dans leurs pays en matière de censure gouvernementale. Plus grave encore: ils donnent l’impression de vouloir imposer, par la violence et l’intimidation, leur ordre liberticide à des pays à la pointe de la liberté.
S’il est vrai qu’il faudrait prendre en considération les dimensions de manipulation et de lutte pour le pouvoir entre islamistes et salafistes dans des pays en transition démocratique (Tunisie, Égypte, Libye), un fait frappe quand même l’observateur. C’est cette ''disponibilité'' d’une frange de la population (pas nécessairement désœuvrée) à l’embrigadement chaque fois qu’on tente de la mobiliser au nom d'une soi-disant ''défense de l’islam''. Cette partie de la population manipulée donne l’impression de favoriser l’affect au détriment de la raison et de l’esprit critique. Ce faisant, elle montre les tares hérités des régimes autoritaires déchus, notamment dans le domaine de l’éducation.

… et nuisent à l’intérêt national de leurs pays
Depuis son arrivée au pouvoir, Barack H. Obama a multiplié les gestes d’apaisement et de rapprochement avec le monde islamique. Il a également favorisé les échanges entre les jeunes américains et ceux issus du monde musulman et encouragé les investissements dans cette partie du monde. Son discours historique du Caire est une rupture avec la rhétorique néoconservatrice de George W. Bush. Au grand dam des conservateurs, de l’extrême droite et des partisans de la théorie du choc des civilisations dans son pays et ailleurs.
Il a appuyé de tout son poids le Printemps arabe. Son concours a été précieux pour les révolutionnaires de Place Tahrir au Caire et pour la chute du tyran Kadhafi. Il n’a nullement entravé l’arrivée pacifique au pouvoir de forces islamistes dans des pays comme la Tunisie, l’Égypte et la Libye. Son pari est que le monde arabe peut lui aussi rejoindre la ''famille'' démocratique.
Plongé en pleine campagne pour la présidence américaine, le candidat démocrate n’avait besoin d’aucune distraction qui ajouterait de l’eau au moulin de son adversaire néoconservateur, Mitt Romney. Mais c’était sans compter avec l’émotivité et la réactivité violente d’une partie de la ''rue'' arabe face au navet ''Innocence des musulmans''. Étant sur la défensive en lien avec les récents développements nord-africains, le président sortant a déclaré que Mohamed Morsi n’était ni l’allié ni l’adversaire des États-Unis. Ce qui équivaut à une prise de distance avec le président d’un allié pivot de Washington au Moyen-Orient. Cette déclaration traduit également l’exaspération du Département d’État du double jeu de la confrérie des Frères musulmans, dont est issu M. Morsi. Tout en présentant ses condoléances aux États-Unis pour la mort de M. Stevens à Benghazi, elle a appelé à une ''manifestation du million'' demain au Caire, juste après la prière du vendredi, en signe de protestation contre le navet américain. Et son illustre membre est sorti de sa discrétion pour demander aux autorités américaines de poursuivre le réalisateur du brûlot. Si l’enjeu politique de la démarche des Frères musulmans est limpide, il est en revanche permis de s’étonner de cette demande d’un ancien diplômé d’une université américaine…
Quand on est un pays dont une partie importante de la population vit des retombées de l'industrie du tourisme (comme c'est le cas en Égypte, au Maroc et en Tunisie), on serait mieux inspirés à faire attention aux mouvements d'humeur des pays d'origine des gros contingent des touristes. À coup sûr, les images des manifestations violentes dans ces pays n'inciteront pas les opérateurs à suggérer ces destinations à leurs clients. Ce qui va se traduire inévitablement sous forme de reculs significatifs des recettes publiques et d'augmentation du chômage et de la pauvreté. Handicapant encore davantage des services publics déjà largement déficients.
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Cette nouvelle crise devrait servir de cas d'école au monde musulman pour l'aider à tirer les leçons qui s'imposent. Il faudrait par exemple cesser de s'enflammer à la parution en Occident de la moindre expression culturelle islamophobe. Au lieu de recourir pendant ces périodes à la violence contre des intérêts et personnels occidentaux, les mécontents pourraient par exemple développer un discours alternatif et faire valoir leurs arguments. Autrement, ils deviendraient la ''cinquième colonne'' des islamophobes qu'ils abhorent. Plus important, les musulmans feraient mieux de s'adapter aux exigences du monde moderne en termes, entre autres, de la liberté d'expression.
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Au Maroc 
 http://youtu.be/CdbN77an7f8


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