Par Mohammed Belmaïzi, 8/9/2012 (sur le Facebook)
Ce texte était écrit avant les Révolutions, sous le titre : Droits humains au Maroc / Péripéties et perspectives, dans le journal "Attadamoun"... Je le partage avec vous mes chers ami-es .
Le
présupposé majeur du « statu quo » au Maroc, à tous les niveaux, est
cette manie qu’ont les officiels au pouvoir, de le cantonner dans un
contexte arabo-musulman détérioré : le terrorisme islamiste en Algérie,
voisin immédiat, la même menace de plus en plus affirmée en Tunisie, en Égypte, au Maroc et ailleurs, Afghanistan, Irak...
Certes, les Marocains jouissent d’une certaine liberté, arrachée de haute lutte par le peuple et les forces vives de la société civile. Mais une liberté à tout moment menacée, piétinée et remise en question. Et la comparaison, cultivée et maintenue par l’élite au pouvoir, est brandie à tout bout de champ pour opprimer et sévir en dehors de tout cadre légal. Cette comparaison toujours avec le plus mauvais, commence à irriter l’ensemble des acteurs engagés pour le progrès et le changement, parce qu’elle étouffe l’espoir et empêche le Maroc de décoller. La question pressante qui reste occultée au yeux de ces acteurs est la suivante : « Pourquoi ne compare-t-on pas le Maroc au meilleur… aux pays avancés, attachés à de plus en plus d’Etat de Droit, et donc de prospérité ? »
Ce stratagème basé sur la comparaison, constamment avec le plus mauvais, commence à s’effriter dès lors que le « statu quo » se meut en régression piteuse, en coercition injustifiée et en répression aveugle, dénoncées de toutes parts. La censure de la presse avec son cortège de journalistes inquiétés, les arrestations arbitraires pour « atteinte » trop facile « aux valeurs sacrées du royaume », la torture continue son bonhomme de chemin, les preuves d’enlèvements et de disparitions s’avèrent irréfutables… Autant d’aberrations multipliées récemment et ces dernières années ! Tout est consigné et il serait long de citer toutes les atteintes et les abus de l’Etat.
Mais pourquoi en est-on arrivé là ? Ou plutôt pourquoi ce retour franc et accéléré à la tyrannie des trois ou quatre décennies passées ?
Pour tenter une ébauche, disons que l’appropriation, contrefaite et non naturelle, du chapitre des droits humains par l’Etat marocain, est une ravageuse erreur. Comment un État, illustré par ces violations, ses violences, ses prisons mouroirs, ses Tazmamart, ses Agdz… se convertit du jour au lendemain à la culture des droits humains, en instituant un Conseil Consultatif des Droits de l’Homme (CCDH) ? Est-il logique qu’un Etat initie et monopolise une Instance Équité et Réconciliation (IER), avec ses propres conditions, sans mentionner ni accabler les responsables de la tyrannie subie par les victimes ? L’évacuation du concept clé de « Vérité », ne serait-elle pas le pivot du règne de l’Impunité dans tous les domaines ? Et le triomphe de cette Impunité, n’inscrit-il pas la perpétuation des violations et de l’arbitraire, aujourd’hui, sous nos yeux ? Il est bien admis, qu’on ne peut construire un Etat moderne, dans la paix civile, sur les ruines d’un passé traumatisant qui ne cesse de répandre ses tentacules sur le présent. Et dans la foulée des comparaisons, une fois encore, on évite d’évoquer l’exemple réussi de la commission « Vérité et Réconciliation » en Afrique du Sud.
C’est cette irruption de l’Etat au sein d’une cause concernant, avant tout, les citoyens et la société civile, qui constitue le nœud gordien du Maroc actuel. Car la vocation d’un État traditionaliste et féodal est de défendre bec et ongles ses fondements. Naturellement, il ne tolère aucune critique, aucune contestation. Il s’érige comme « Opposant » et non comme « Répondant » aux aspirations de la société. Il est par essence coercitif.
C’est sans doute pour éviter l’antagonisme « l’Etat contre la Société », que les États modernes étaient contraints, pour survivre en paix, d’encourager les Organisations Non Gouvernementales (ONG), qui se sont d’ailleurs imposées, faisant un travail complémentaire la plupart du temps et contribuent à l’avancement des idées et à l’enrichissement du débat. Un rapport dialectique – quelquefois conflictuel – de dialogue et de concertation est à l’œuvre entre ces organisations et les pouvoirs institués.
Or l’Etat marocain et l’élite au pouvoir verrouillent l’espace de l’expression et croient même investir les domaines dérangeants qu’ils combattent ordinairement, telle que la défense des intérêts du citoyen. A juste titre, la guerre qu’engage, actuellement, l’Etat contre l’Association Marocaine des Droits Humains (l’AMDH), souligne les limites de la manipulation du registre des Droits de l’Homme par les autorités marocaines. Cette inutile offensive contre les militants de l’AMDH, les détenus du premier mai et l’ensemble des prisonniers politiques, appuient d’une manière percutante que l’Etat marocain vide de sa coquille toute approche conséquente des droits humains. Ne doit y demeurer, dans ces structures (CCDH et IER) façonnées en Cheval de Troie, que l’intention et le massif déploiement sécuritaire. A ce propos l’échec prévisible du CCDH, organe prétendant gérer et organiser les Marocains Résidents à l’Etranger (MRE), découle justement de cette manipulation nuisible des droits humains. Car les revendications sous l’égide du droit, tel que le dévoilement de la vérité sur les disparitions, et notamment celle de Mahdi Ben Barka, prouvent que le dossier des Droits de l’Homme ne peut être clos, tant que l’approche politique de l’Etat marocain reste essentiellement sécuritaire. D’autant plus qu’on ne peut traiter indéfiniment les citoyens marocains de l’intérieur ou vivant à l’étranger, sous l’angle galvaudé du sécuritaire. Il faut bien qu’un moment donné, l’élite au pouvoir se penche sur les réels problèmes vécus au sein de la société marocaine, et procède à de profondes réformes, libère le champ politique pour lui restituer son efficacité et ses lettres de noblesse.
Les chancelleries européennes et occidentales, ainsi que la presse nationale et internationale, suivent avec grand intérêt le contrepouvoir bénéfique qu’exerce l’AMDH et l’ensemble de la société civile pour l’avènement d’un véritable Etat de Droit au Maroc. On apprécie, ici et là, l’organisation citoyenne, paisible, responsable et prometteuse. Un esprit constructif par la contestation et la force de proposition, ouvert sur des perspectives solides pour l’enracinement d’un Maroc juste et prospère.
L’Etat marocain ne peut continuer à nier cette évidence pour devoir entamer avec humilité une concertation mirifique, respectant les forces vives de la société civile. Et à ce moment-là, le terrorisme ou l’extrémisme ne peut éternellement jouer l’alibi d’une répression « amalgamante » et liberticide, d’où personne ne sortira indemne.
Certes, les Marocains jouissent d’une certaine liberté, arrachée de haute lutte par le peuple et les forces vives de la société civile. Mais une liberté à tout moment menacée, piétinée et remise en question. Et la comparaison, cultivée et maintenue par l’élite au pouvoir, est brandie à tout bout de champ pour opprimer et sévir en dehors de tout cadre légal. Cette comparaison toujours avec le plus mauvais, commence à irriter l’ensemble des acteurs engagés pour le progrès et le changement, parce qu’elle étouffe l’espoir et empêche le Maroc de décoller. La question pressante qui reste occultée au yeux de ces acteurs est la suivante : « Pourquoi ne compare-t-on pas le Maroc au meilleur… aux pays avancés, attachés à de plus en plus d’Etat de Droit, et donc de prospérité ? »
Ce stratagème basé sur la comparaison, constamment avec le plus mauvais, commence à s’effriter dès lors que le « statu quo » se meut en régression piteuse, en coercition injustifiée et en répression aveugle, dénoncées de toutes parts. La censure de la presse avec son cortège de journalistes inquiétés, les arrestations arbitraires pour « atteinte » trop facile « aux valeurs sacrées du royaume », la torture continue son bonhomme de chemin, les preuves d’enlèvements et de disparitions s’avèrent irréfutables… Autant d’aberrations multipliées récemment et ces dernières années ! Tout est consigné et il serait long de citer toutes les atteintes et les abus de l’Etat.
Mais pourquoi en est-on arrivé là ? Ou plutôt pourquoi ce retour franc et accéléré à la tyrannie des trois ou quatre décennies passées ?
Pour tenter une ébauche, disons que l’appropriation, contrefaite et non naturelle, du chapitre des droits humains par l’Etat marocain, est une ravageuse erreur. Comment un État, illustré par ces violations, ses violences, ses prisons mouroirs, ses Tazmamart, ses Agdz… se convertit du jour au lendemain à la culture des droits humains, en instituant un Conseil Consultatif des Droits de l’Homme (CCDH) ? Est-il logique qu’un Etat initie et monopolise une Instance Équité et Réconciliation (IER), avec ses propres conditions, sans mentionner ni accabler les responsables de la tyrannie subie par les victimes ? L’évacuation du concept clé de « Vérité », ne serait-elle pas le pivot du règne de l’Impunité dans tous les domaines ? Et le triomphe de cette Impunité, n’inscrit-il pas la perpétuation des violations et de l’arbitraire, aujourd’hui, sous nos yeux ? Il est bien admis, qu’on ne peut construire un Etat moderne, dans la paix civile, sur les ruines d’un passé traumatisant qui ne cesse de répandre ses tentacules sur le présent. Et dans la foulée des comparaisons, une fois encore, on évite d’évoquer l’exemple réussi de la commission « Vérité et Réconciliation » en Afrique du Sud.
C’est cette irruption de l’Etat au sein d’une cause concernant, avant tout, les citoyens et la société civile, qui constitue le nœud gordien du Maroc actuel. Car la vocation d’un État traditionaliste et féodal est de défendre bec et ongles ses fondements. Naturellement, il ne tolère aucune critique, aucune contestation. Il s’érige comme « Opposant » et non comme « Répondant » aux aspirations de la société. Il est par essence coercitif.
C’est sans doute pour éviter l’antagonisme « l’Etat contre la Société », que les États modernes étaient contraints, pour survivre en paix, d’encourager les Organisations Non Gouvernementales (ONG), qui se sont d’ailleurs imposées, faisant un travail complémentaire la plupart du temps et contribuent à l’avancement des idées et à l’enrichissement du débat. Un rapport dialectique – quelquefois conflictuel – de dialogue et de concertation est à l’œuvre entre ces organisations et les pouvoirs institués.
Or l’Etat marocain et l’élite au pouvoir verrouillent l’espace de l’expression et croient même investir les domaines dérangeants qu’ils combattent ordinairement, telle que la défense des intérêts du citoyen. A juste titre, la guerre qu’engage, actuellement, l’Etat contre l’Association Marocaine des Droits Humains (l’AMDH), souligne les limites de la manipulation du registre des Droits de l’Homme par les autorités marocaines. Cette inutile offensive contre les militants de l’AMDH, les détenus du premier mai et l’ensemble des prisonniers politiques, appuient d’une manière percutante que l’Etat marocain vide de sa coquille toute approche conséquente des droits humains. Ne doit y demeurer, dans ces structures (CCDH et IER) façonnées en Cheval de Troie, que l’intention et le massif déploiement sécuritaire. A ce propos l’échec prévisible du CCDH, organe prétendant gérer et organiser les Marocains Résidents à l’Etranger (MRE), découle justement de cette manipulation nuisible des droits humains. Car les revendications sous l’égide du droit, tel que le dévoilement de la vérité sur les disparitions, et notamment celle de Mahdi Ben Barka, prouvent que le dossier des Droits de l’Homme ne peut être clos, tant que l’approche politique de l’Etat marocain reste essentiellement sécuritaire. D’autant plus qu’on ne peut traiter indéfiniment les citoyens marocains de l’intérieur ou vivant à l’étranger, sous l’angle galvaudé du sécuritaire. Il faut bien qu’un moment donné, l’élite au pouvoir se penche sur les réels problèmes vécus au sein de la société marocaine, et procède à de profondes réformes, libère le champ politique pour lui restituer son efficacité et ses lettres de noblesse.
Les chancelleries européennes et occidentales, ainsi que la presse nationale et internationale, suivent avec grand intérêt le contrepouvoir bénéfique qu’exerce l’AMDH et l’ensemble de la société civile pour l’avènement d’un véritable Etat de Droit au Maroc. On apprécie, ici et là, l’organisation citoyenne, paisible, responsable et prometteuse. Un esprit constructif par la contestation et la force de proposition, ouvert sur des perspectives solides pour l’enracinement d’un Maroc juste et prospère.
L’Etat marocain ne peut continuer à nier cette évidence pour devoir entamer avec humilité une concertation mirifique, respectant les forces vives de la société civile. Et à ce moment-là, le terrorisme ou l’extrémisme ne peut éternellement jouer l’alibi d’une répression « amalgamante » et liberticide, d’où personne ne sortira indemne.
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