Arrêtés, torturés et détenus arbitrairement, Naâma Asfari et 22 autres militants Sahraouis devraient être jugés le 24 octobre. «Une gesticulation de plus !», explique son épouse française dans une interview vidéo à Nouvellesdusahara.fr
Naâma Asfari, co-président du Comité pour le respect des libertés et des droits humains au Sahara occidental |
23 militants Sahraouis détenus dans la prison militaire de Salé
(Rabat) depuis novembre 2010, au moment du démantèlement par les forces
de l’ordre du Maroc du camp de protestation de Gdeim Izik, devraient
être jugés le 24 octobre prochain. C’est en tout cas l’annonce que vient
de faire le pouvoir marocain.
Pour Claude Mangin, épouse française de l’un d’entre eux, Naâma Asfari, interrogée par Nouvellesdusahara.fr, «c’est une gesticulation de plus de la part du pouvoir qui cherche surtout à ouvrir un contre-feu alors que la venue toute récente d’une ONG américaine
au Sahara occidental et ses premières observations très critiques
mettent le Maroc en difficulté sur la scène internationale, sans parler
du prochain séjour sur place que doit effectuer le rapporteur spécial
contre la torture du Haut commissariat pour les Droits de l’Homme de
l’ONU». (1)
Pour Claude Mangin, cette annonce est «complètement ridicule». «Pourquoi
ce procès qui devait avoir lieu une première fois en janvier dernier,
mais dont l’audience a été reportée in extremis, n’a pas déjà eu lieu
comme prévu ? Il n’y a pas eu plus d’enquête ni de nouvelles preuves
depuis», souligne-t-elle.
«Leur procès n’a toujours pas commencé malgré la clôture, en
novembre 2011, des instructions concernant les deux plaintes déposées
contre eux», rappelle l’ONG Action des Chrétiens pour l’Abolition
de la Torture (ACAT) dans son bulletin n°315 de août-septembre 2012, qui
qualifie les militants de «prisonniers d’opinion».
Des actes de torture indignes
Surtout, Claude Mangin s’appuie sur les propos tenus par le procureur
du roi auprès du tribunal militaire quand elle a pu le rencontrer au
Maroc à la mi-août. «Il m’a dit clairement qu’il n’y aurait jamais de procès car il n’existait aucune preuve…»
«Je maintiens qu’il n’y aura aucun procès», précise Claude Mangin.
Le sort de ces 23 militants Sahraouis est toujours préoccupant. Bien
que les conditions de détention semblent s’être améliorées selon Claude
Mangin qui a pu rencontrer son mari à trois reprises lors de son dernier
séjour, les tortures qu’ils ont subies ne seront pas sans laisser de
séquelles. La Française a d’ailleurs déposé deux plaintes auprès du Haut
Commissariat des Droits de l’Homme à Genève.
«Naâma a fini par me dire tout récemment que ce qu’il a subi est
beaucoup plus grave que ce que je pensais depuis presque deux ans, explique Claude Mangin. Pendant
les six premiers jours, il a été menotté avec les mains derrière son
dos et les yeux bandés, sans manger et sans pouvoir aller aux toilettes.
Les gardiens ont renversé de la Javelle sur lui et ont passé un jet sur
lui en lui disant qu’il était pourri. Il était à genou, jour et nuit,
avec interdiction de dormir, sinon les gardiens entraient dans la
cellule et le tabassaient. C’est arrivé que les policiers entrent, le
prennent puis l’entraînent comme s’il allait être exécuté …»
Naâma Asfari et ses co-détenus ont mené en octobre et novembre 2011
une grève de la faim de 38 jours pour dénoncer leurs conditions de
détention (la plupart ont été torturés selon leurs avocats, plusieurs
ont été violés) et le fait qu’aucune date n’avait été fixée pour leur
procès.
«22 détenus sont mis en cause pour association de malfaiteurs,
outrage et violences à fonctionnaires publics et homicides volontaires, précise l’ACAT. Ils
sont notamment accusés d’être responsables de la mort d’agents de
sécurité marocains au cours du démantèlement du camp. Ces poursuites
font suite à deux plaintes déposées respectivement par la gendarmerie
royale et les forces auxiliaires.»
L’acte d’accusation du « tribunal militaire permanent » précise :
«24 accusés ont décidé ce 8 novembre de retenir un nombre
considérable de citoyens, dont la majorité était des vieillards, des
femmes et des petits enfants. Quand les hommes de la force publique
arrivèrent pour démanteler le campement, dans le but de libérer les
citoyens retenus par les accusés, ces derniers commirent des actes de
violence contre les hommes de la force publique, usant pour cela d’armes
blanches, de cocktails Molotov et de voitures 4×4, ce qui provoqua
intentionnellement la mort d’un groupe de membres des forces de l’ordre,
dont deux gendarmes.»
Des chefs d’accusation extrêmement graves qui n’auraient comme but que d’éradiquer le milieu associatif sahraoui. «Le 6 novembre 2010, Naâma avait publié une lettre pour réclamer l’indépendance du Sahara occidental, observe Claude Mangin. Il devenait alors l’ennemi N°1. Les Marocains ont compris ce jour-là que le camp ne s’arrêterait pas comme ça.»
Retrouvez l’interview vidéo réalisée le 23 mars 2012 par Nouvellesdusahara.fr de Claude Mangin,
racontant le parcours de son mari Naâma Asfari, les conditions de son
arrestation et de sa détention depuis le 8 novembre 2010 et ses
commentaires sur la stratégie menée par le Maroc pour «étêter» le
mouvement associatif sahraoui : ICI.
(1)Selon le quotidien algérien Liberté, la visite au Maroc du
représentant de l’ONU est prévue du 14 au 21 septembre. Le Haut
commissariat aux Droits de l’homme de l’ONU et basé à Genève avait
publié en mai 2012 un rapport sur le Maroc instructif, notamment aux points 71 à 73.
Pour aller plus loin :
-Ecouter l’interview de Naâma Asfari réalisée à l’intérieur du camp de protestation de Gdeim Izik par Totasprod (en particulier de 1 mn 30 à 4 mn 40).
-Un portrait de Naâma Asfari publié le 19 août 2011 dans L’Humanité.
-Lire l’article sur Nouvellesdusahara.fr qui analyse le mouvement de Gdeim Izik : «Le printemps arabe a commencé au Sahara occidental»
Campagne menée par l’ACAT :
Vous souhaitez intervenir en faveur des militants sahraouis :
Écrivez au roi du Maroc [Par courrier : affranchir à 0,89 euros - Fax : 00.212.53.77.68.515]
Adressez une copie de votre lettre à l’Ambassade du Maroc : 5 Rue Le Tasse – 75116 Paris- Fax : 01.45.20.22.58]
Télécharger la lettre : http://www.acatfrance.fr/medias/files/appel_urgent/AU34-Maroc-lettres.doc
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire