par Salah Elayoubi, 16/3/2012
Une cuvette étranglée entre les escarpements du Rif et un Oued au cours famélique et où viennent échouer et se télescoper des existences ravagées par la misère et mourir les eaux qui ruissellent des montagnes environnantes. Le contraire n’en est pas moins vrai, tant les vies des villageois s’y meurent aussi, de la pauvreté, du chômage, et des assiduités coupables de la monarchie alaoui.
La tragédie du Rif prend, ici, toute sa signification.
Toutes sortes de guerres sont passées par là. De celles infligées par le colonialisme à celles que continue de livrer le régime marocain à ces montagnards irréductibles.
Elles ont emporté les hommes.
Pour ceux qui ont survécu, l’ostracisme de l’administration centrale et le venin de l’anathème qu’elle persiste à distiller contre les populations locales, auront fait le reste et scellé le destin des centaines de milliers d'hommes et de femmes.
Elles ont aussi emporté jusqu’à la végétation.
Disparues, les splendides forêts de la "Maurétanie tingitane", chantées naguère par les poètes et les écrivains de la Rome impériale. Elles ont cédé la place à la désolation, aux argiles dénudées et aux cailloux épars.
Le ravinement des eaux de pluie emportant le terreau jusqu’à l’Oued, les sécheresses successives, les incendies et le prélèvement de l’homme, furent les précieux alliés du dictateur que la forêt a de tout temps effrayé, car susceptible d’abriter les rebellions.
Le régime marocain ne manque jamais une occasion de se rappeler au bon souvenir de la population. Jusqu’à ce barrage érigé en périphérie de la ville et sur les flancs duquel on a tracé en lettres géantes et en cinémascope, cette devise de sinistre mémoire, honnie de tous, ici: «Allah, Al watane, Al Malik ».
Comme un immense index menaçant. Ou pire, comme un monstrueux majeur, pointé en doigt d’honneur, à la face de ces fils d’Abdelkrim qui refusent obstinément, de courber l’échine, devant ce Pharaon qui règne depuis ces plaines lointaines, tout là-bas, « à l’intérieur », comme ils disent.
Rien du peu que possèdent, les habitants des vallées du Rif ne leur vient de l’Etat marocain, sinon la misère, l’exclusion, la répression et le saccage des existences.
C’était aussi à ceux d’Aït Bou Ayache, que s’adressait, déjà, un Hassan II, en chef d’Etat indigne qu’il fut, lorsqu’il parlait des « Aoubaches ». « Un voyou éructant », écrira de lui, Gilles Perrault, dans son célèbre brûlot contre le dictateur. Il ne s’est pas trouvé un seul juste, ni une seule âme charitable, ce soir-là, pour se lever, en plein discours et quitter cette salle du trône ou plutôt celle de l'ignominie, empestant la poudre fumante, le sang et les cadavres de nos frères, qu’ils furent des braves ou des innocents, happés par une impitoyable machine de guerre.
Il ne s’est pas trouvé un seul indigné, ni une seule âme empathique, non plus, trente ans plus tard, pour s’offusquer ou quitter cet autre tyran prédateur, s’acharnant sur des populations pacifiques qui manifestent pour leur dignité et l’avenir de leur descendance. Un dû en démocratie ! Un outrage aux sacralités, en dictature !
Il est une certitude, à présent: la monarchie marocaine n’a jamais rien toléré d’autre, que la proximité des lâches, le silence des corrompus, la honte bue des repentis, la stupidité des ignorants et la servilité des courtisans dociles. Ils sont le miroir de sa vanité et le reflet de la puissance et du pouvoir quelle impose, avec la brutalité qui sied aux sombres dictatures.
Même les plus lâches finissent, un jour, par se ressaisir, et s'indigner face à l'ampleur des injustices qui accablent leurs semblables. Sauf à la cour de Pharaon !
Célébration des quarante jours de deuil de Kamal Hassaini dans les rues d'Aït Bouayache
On dit des criminels qu’ils reviennent toujours sur les lieux où ils ont sévi. La preuve !
Le printemps aussi, revient, inlassablement, faire renaître, là où il les avait laissés, les cœurs et les consciences qui luttent pour leur dignité.
Jusqu'à ce que triomphent la justice et le droit !
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