Par Ibn Kafka, 20/3/2012
Entre crimes contre l’humanité commis par le régime baathiste en Syrie et assassinat d’écoliers juifs en France, l’actualité au Maroc peut sembler anodine vu de l’extérieur. Les Marocains savent, eux, qu’il n’en est rien. Une économie menacée par la sécheresse – au pays de « gouverner, c’est pleuvoir » (formule du Maréchal Lyautey), chacun sait ce que cela signifie – et une société confrontée à ses maux persistants de pauvreté, marginalisation et criminalité, nul besoin d’éplucher les rapports confidentiels de la Banque mondiale pour ne pas être exagérément optimiste. Et je ne parle même pas de politique… C’est la jeunesse marocaine qui paie le prix fort : je cite comme témoins à la barre Amina, Azzedine et Nabil – deux sont morts et un se laisse mourir.
Amina Filali n’est plus là pour témoigner, mais son acte a parlé pour elle. Vous connaissez tous son histoire : violée par un jeune homme, elle accepte, sous la pression combinée du procureur du Roi, de la famille de l’auteur et enfin, ce qui est pire encore, de ses propres parents,

Ce samedi 17 mars, c’est Nabil Zouhri qui a laissé sa vie

Et depuis, on a le cas de l’étudiant Azzedine Rouissi, (ou Ezedine Eroussi) militant d’extrême-gauche et membre du mouvement du 20 février, détenu depuis le 1erdécembre

Pour paraphraser le général De Gaulle, le Maroc a une apparence : Morocco Mall, le TGV et le festival de Marrakech, qui passent en boucle dans la communication sur l’image de marque du produit Maroc entre deux communiqués de Hillary Clinton. Il a une réalité : un pays ou une enfant est contrainte, par des juges et des familles, à épouser son violeur, et ou des étudiants meurent au contact des forces de l’ordre ou se laissent mourir faute de se résigner à un procès arbitraire. Tout cela aurait pu être si facilement évité : il aurait suffi au procureur traitant la plainte pénale contre le violeur d’Amina et au juge de la famille la mariant à son violeur de faire leur travail, et elle serait sans doute encore parmi nous. Il aurait suffi à la police de chasser plutôt les pickpockets et voleurs à l’arraché que les manifestants pour que Nabil soit encore parmi nous. Et il suffirait à la justice de garantir des procès équitables pour que Ezzedine ne courre pas le risque de les rejoindre dans l’au-delà.
Nous sommes maintenant au bout de trois mois de gouvernement PJD. Pour quelques avancées – la liste des grimates bien évidemment – combien de déconvenues ? J’avais exprimé en novembre l’espoir d’un mieux au Maroc, vers moins d’autocratie et plus de démocratie, tout en étant sceptique. Comme souvent au Maroc, si le catastrophisme ne se réalise pas toujours, le pessimisme résigné est l’option la plus réaliste. Ceux qui croient que le Maroc dispose de temps et de marges de manœuvre lui permettant de faire l’économie de réformes profondes entraînent le pays dans leur chute.
http://www.yabiladi.com/articles/details/9503/amina-nabil-azzedine-victimes-d-un.html
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