Par Ali Lmrabet, 31/3/2015
Ce n’est pas une interprétation hasardeuse, mais en se joignant à la coalition arabe menée par l’Arabie saoudite, le royaume du Maroc a manifestement « déclaré la guerre » au Yémen, ou plus exactement aux houthistes, ces membres d’une secte chiite dissidente qui ont pris le pouvoir dans ce pays.
Pourquoi Mohamed VI a-t-il décidé de se joindre à
une coalition armée pour attaquer militairement un lointain pays où le
Maroc n’a aucun intérêt, ni économique ni stratégique ? Les houthistes
n’ont jamais menacé le Maroc, et l’eussent-ils fait, ce serait de la
vaine rhétorique.
C’est l’Arabie saoudite, une autre monarchie qui n’est ni exemplaire
ni démocratique, qui a forcé la main au Maroc. Comme elle l’avait fait
en 2009 quand elle avait poussé Rabat à rompre ses relations
diplomatiques avec Téhéran après une insipide déclaration des Iraniens
mettant en cause la souveraineté de … Bahreïn. Une lointaine taïfa arabe.
Ce zèle diplomatique avait à l’époque « surpris »
l’Iran, et fait sourire nombre d’analystes internationaux amusés de
voir comment les Marocains suivaient à la lettre les
« recommandations » saoudiennes autour de conflits qui ont lieu à
l’autre bout du monde.
Aujourd’hui, l’histoire se répète. Le Maroc s’implique dans une
guerre qui ne le concerne ni de près ni de loin. L’immense majorité des
Marocains ne sait rien de la rébellion houthie, ni des houthistes en
général, et encore moins des conflits fratricides qui opposent les uns
aux autres dans ce pays arabe depuis toujours instable. Quant à la
menace chiite mise en avant par l’Arabie saoudite il faut savoir que
cinq pays sunnites séparent géographiquement le royaume chérifien du
Yémen.
Le président Abd Rabbo Mansour Hadi, déposé par les
Houthis et leurs alliés (sunnites), est incontestablement le chef d’État
constitutionnel du Yémen, mais est-ce le rôle du Maroc d’aller
guerroyer pour tenter de le rétablir dans ses fonctions ?
Autant que faire, si le Maroc et ses alliés arabes veulent jouer à
Zorro, ils devraient commencer par remettre sur son fauteuil le
président égyptien démocratiquement élu Mohamed Morsi,
déposé par des hommes en armes qui ont, au passage, massacré ses
partisans dans la rue. Et si nos vaillantes forces armées arabes en ont
le courage, et la capacité !, elles devraient pousser un peu leur noble
élan réparateur en s’en prenant militairement à Israël qui, l’été
dernier, a pu tranquillement massacrer pendant un long mois plus de deux
mille civils palestiniens.
Selon l’article 49 de la constitution marocaine, octroyée en 2011,
c’est le conseil des ministres présidé par le roi qui délibère de la
déclaration de guerre. Puis, selon l’article 99 de la même charte, cette
déclaration de guerre est communiquée par le souverain au parlement qui
en prend acte. Cela n’a pas été fait.
On rétorquera que le roi n’a pas besoin de déclarer la guerre au
Yémen parce que ce n’est pas une guerre à proprement parler. Il s’agit
d’une « action militaire limitée », d’une « opération de maintien de l’ordre »,
justifieront certains. Mais tout ceci est un euphémisme. Car il s’agit
bien d’une guerre, même si elle est « non déclarée » pour contourner les
lois de la guerre qui empêchent, comme c’est le cas aujourd’hui au
Yémen, que des civils innocents soient tués.
Ce conflit risque de durer, et le Maroc va-t-en-guerre devrait se
souvenir de la précédente guerre civile yéménite (1962-1970) durant
laquelle l’Egypte, l’une des parties prenantes, perdit 26 000 hommes sur un contingent de 70 000 soldats.
Ali Lmrabet
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire