Marie Verdier , La Croix, 29/1/2015
François Hollande accueilli à Casablanca par le roi du Mohammed VI en 2012.
En riposte aux plaintes pour torture à l’encontre de
dirigeants marocains, le ministère marocain de la justice poursuit l’Action des
chrétiens pour l’abolition de la torture.
L’Acat, l’action des
chrétiens pour l’abolition de la torture, qui mène un inlassable combat contre
les pires violations des droits humains, se retrouve au banc des accusés, aux
côtés de victimes de torture du régime marocain.
L’ONG est assignée à comparaître devant le tribunal de grande instance de
Rabat le 26 février prochain dans le cadre d’une plainte pour « diffamation »
et « utilisation de manœuvre et de fraude pour inciter à faire de faux
témoignages ».
> Sur ce sujet : Le Maroc porte plainte contre l’Action des chrétiens pour
l’abolition de la torture
Plaintes pour torture
Le combat de l’ONG suscite la colère des autorités marocaines. En mai 2013,
l’Acat a déposé une plainte pour torture au nom de la victime franco-marocaine
Adil Lamtalsi auprès du tribunal de grande instance de Paris après que la
victime détenue au Maroc a été transférée en France.
Adil Lamtalsi avait été condamné par la justice marocaine à dix ans de
prison en 2008 pour trafic de stupéfiants « sur la base d’aveux obtenus
sous la torture » selon l’Acat.
Le 20 février 2014, une nouvelle plainte était déposée devant la
justice française et le comité contre la torture des Nations unies pour le cas
de Naâma Asfari, Sahraoui de nationalité marocaine, pour les mêmes motifs.
Zacharia Moumni, l’ancien champion de boxe thaïe qui n’a de cesse de demander
des excuses pour avoir été torturé en 2010 – il a depuis lors été gracié et
libéré – a également déposé plainte avec grand bruit à Paris.
> À lire aussi : « La torture reste endémique dans plus d’un pays sur
deux »
Absence de coopération judiciaire
Ce même 20 février 2014, des policiers se sont rendus à la résidence de
l’ambassadeur du Maroc à Paris pour délivrer une convocation au chef des
services de renseignements marocains Abdellatif Hammouchi, directement visé
dans ces plaintes, qui était de passage à Paris. Le courrier ne put être remis.
Mais le Maroc fut atteint au sommet. « La DST est une direction de
souveraineté. Son patron nommé par le roi ne rend compte que devant le roi. Le
palais s’est senti directement visé et humilié », explique Omar
Brouksy, auteur de « Mohammed VI, derrière les masques » (1).
Au point que le Maroc a rompu unilatéralement la coopération judiciaire entre
les deux pays.
« Il n’y a plus de coopération entre les services judiciaires des
deux pays pour les questions de terrorisme et de sécurité, mais aussi pour
celles concernant les binationaux, les familles mixtes, qu’il s’agisse de
mariage, divorce, garde des enfants, etc. », liste Joseph Breham,
avocat de l’Acat.
Mais surtout selon lui, ce gel des relations judiciaires « empêche
le transfèrement des dizaines de détenus au Maroc vers la France ».
« Or nous attendons que les victimes soient sur le sol français pour
déposer des plaintes », explique l’avocat.
> À lire également : Le Maroc souffle le chaud et le froid sur les droits humains
Incidents
« Le Maroc prétend combattre la torture et communique beaucoup sur
cette question, mais de fait il impose une omerta et poursuit les victimes pour
dénonciation calomnieuse », ajoute Hélène Legeay, en charge du Maghreb
à l’Acat.
Sur fonds de glaciation des relations, toute une série d’incidents ont
conforté Rabat dans l’idée que la France n’était plus l’amie de toujours.
Après l’épisode Hammouchi – qualifié dans la forme de « maladresse
évidente » selon un diplomate –, ce fut au tour du ministre marocain
des Affaires étrangères Salaheddine Mezouar de voir ses bagages fouillés à
Roissy en mars 2014, puis à un général hospitalisé au Val de Grâce de voir
un ancien militaire qui l’accuse de meurtre faire irruption dans sa chambre.
« Un malheureux concours de malchance » dit-on dans
l’entourage de Laurent Fabius qui a à plusieurs reprises fait des excuses au
Maroc. Mais qui depuis cristallise la fâcherie.
« Principal soutien » du Maroc
Le Maroc a boudé la marche républicaine du 11 janvier. Et la visite de
Salaheddine Mezouar vendredi 23 janvier a été reportée pour « se
donner plus de temps pour régler les dossiers en souffrance », selon
le porte-parole du gouvernement marocain.
Le nouvel axe franco-algérien n’est en l’occurrence pas le dernier des
dossiers en souffrance. Rabat avait vu avec inquiétude l’arrivée des
socialistes au pouvoir en France en raison de leur tropisme algérien. Et de
fait « Paris et Alger vivent une lune de miel et resserrent leurs
liens sur les terrains économique et sécuritaire », fait valoir
l’historien Mohammed Hachémaoui.
« Mais les liens entre la France et le Maroc sont trop importants
pour être suspendus, et en l’occurrence les enjeux sont sans doute encore plus
déterminants pour le Maroc que pour la France, estime Omar Brouksy. La
France est le principal soutien du Maroc dans le dossier du Sahara occidental ».
C’est d’ailleurs sur proposition du Maroc que le ministre de la justice
Mustapha Ramid vient jeudi 29 janvier à Paris pour une réunion de travail
avec Christiane Taubira afin de dénouer la crise.
Mercredi 28 janvier à l’Assemblée, Manuel Valls a appelé à « dépasser »
cet épisode « basé sur de nombreuses incompréhensions ».
Marie Verdier
http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Un-an-de-brouille-entre-la-France-et-le-Maroc-2015-01-29-1274340
Le Maroc porte plainte contre l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture
http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Un-an-de-brouille-entre-la-France-et-le-Maroc-2015-01-29-1274340
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29/1/15 - 12 H 50
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