- Par Martin Lejeune, 8/8/2014
Témoignage d’un journaliste allemand, à lire absolument
Témoignage poignant d’un journaliste allemand,
Martin Lejeune, qui se trouve à Gaza depuis le 22 juillet. Ce qu’il a
vu, et les questions qu’il se pose.
« Je suis dans la bande de Gaza depuis le 22
juillet. Je ne peux toujours pas croire ce qui s’y passe. Ce sont les
pires jours de ma vie. Tous les gens de Gaza vivent les pires jours de
leur vie. De telles attaques massives sur Gaza n’ont pas de précédent »,
écrit un journaliste allemand dans un message envoyé à parti de Gaza.
Voici le texte intégral de son témoignage : « Ces mots cachent des tragédies humaines. La catastrophe humanitaire est arrivée à son zénith. La guerre à Gaza est une guerre contre des civils. Je ne suis pas le seul à le dire. Le peuple de Gaza, ainsi que tous les journalistes avec qui je parle, le disent. Ils ont pourtant couvert ces dix dernières années l’Afghanistan, l’Iraq, la Libye, ou la Syrie.
Voici le texte intégral de son témoignage : « Ces mots cachent des tragédies humaines. La catastrophe humanitaire est arrivée à son zénith. La guerre à Gaza est une guerre contre des civils. Je ne suis pas le seul à le dire. Le peuple de Gaza, ainsi que tous les journalistes avec qui je parle, le disent. Ils ont pourtant couvert ces dix dernières années l’Afghanistan, l’Iraq, la Libye, ou la Syrie.
« Ce qui se passe ici est d’une nature
nouvelle. Les missiles frappent tout : des maisons résidentielles, où
habitent des familles, aussi bien que des mosquées alors que les gens y
prient.
« Pendant les premières heures de la soirée du
30 juillet, un avion bombardier F-16 a bombardé un immeuble résidentiel
juste en face de notre maison. Nous étions assis au balcon lorsque le
missile a frappé la maison à seulement 50 mètres de nous. Quelques
secondes auparavant, j’avais entendu les cris hystériques de leur âne,
comme s’il pouvait prévoir les attaques et voulait nous avertir. Les
débris ont éclaté contre les murs de notre maison, nous évitant de
justesse.
Compter les morts
« Nous étions tout à coup dans un nuage de
poussière. La poussière a couvert mes lunettes et mon ordinateur
portable. Je mordais la poussière entre mes dents. Elle était partout
pendant au moins trente secondes. J’ai pu voir le père de famille, avec
qui je venais d’échanger quelques mots dans la rue. Il cachait ses
enfants derrière une pelleteuse au cas où une deuxième frappe survenait.
La pelleteuse est garée sur un parking devant notre maison. Elle
appartient au propriétaire d’une entreprise de construction. J’ai couru
immédiatement aux ruines de la maison résidentielle ciblée où je vis les
blessés. J’ai déjà croisé cette famille de multiples fois dans la rue.
Avec mon téléphone mobile, j’ai enregistré l’arrivée des ambulances qui
ont transporté les blessés à l’hôpital. Des pierres, des débris et des
lignes électriques tombés lors du choc gisaient dans la rue.
« Depuis que je suis arrivé, d’innombrables
cibles civiles ont été bombardées en plein jour, sous un ciel clair et
dégagé. Parmi ces cibles, une école primaire pour filles des Nations
Unies à Beit Hanoun, où des centaines de réfugiés avaient pris refuge.
L’ONU avait envoyé les coordonnées GPS au commandant général de l’armée
israélienne. … Un parc dans le camp de réfugiés de Shati a aussi été
ciblé – huit enfants qui y jouaient sont morts. Puis, dix-sept personnes
ont été tuées tard dans l’après-midi du 30 juillet lorsqu’un marché au
nord de la bande de Gaza fut frappé. Encore cent soixante Palestiniens
en train de vaquer à leurs courses furent blessés dans cette attaque. …
Depuis le 8 juillet, environ mille civils ont été tués.
Ils tuent femmes et enfants en connaissance de cause
« Je n’arrive simplement pas à comprendre la
motivation de l’armée israélienne. Pourquoi est-ce qu’ils ciblent
délibérément des civils et des rassemblements de personnes ? Les drones
doivent leur montrer leurs cibles très précisément, alors pourquoi
est-ce que les pilotes dans les avions militaires tuent-ils des femmes
et des enfants en toute connaissance de cause ? Quels sont les
standards éthiques de ces seigneurs des cieux qui décident de la vie ou
de la mort ?
« Dans une guerre, des soldats tuent des
soldats – ceci est légitime selon le droit international. Les gens à
Gaza se demandent pourquoi les chefs d’Etats de l’Allemagne et des autre
Etats européens ne condamnent pas ces violations des conventions
internationales avec force ? L’armée israélienne commet des crimes de
guerre tous les jours. Même des hôpitaux, un réservoir important d’eau
et la seule centrale électrique de la bande de Gaza ont déjà subi des
frappes. Dans notre quartier, au centre de la ville de Gaza, il n’y a
plus d’eau courante. Nous nous lavons avec de l’eau des bouteilles en
plastique que nous achetons du magasin du coin. Depuis la nuit du 29
juillet, quand la centrale électrique a été bombardée, nous n’avons plus
eu d’électricité ni d’Internet. Les téléphones fixes ne marchent plus
non plus. Les téléphones portables sont le seul moyen de communication
qui fonctionne encore, mais cela coûte très cher si on parle longtemps.
J’envoie ce texte depuis l’Hôtel Al Deira, qui a son propre générateur,
où l’agence de presse français AFP possède son propre réseau Wi-Fi.
Dévastation
« Il n’y a plus de pain dans la bande de Gaza.
Nous mangeons le pain confectionné par la femme de mon hôte Maher. Elle
le fait dans la cour intérieure de notre maison, dans un four improvisé
sur du charbon. Nous trempons le pain dans de l’huile d’olive et du
za’ater, un mélange de thym palestinien, graines de sésame et sel. Nous
le mangeons tous les jours. Mais même s’il y avait du pain, nous
n’aurions pas d’argent avec lequel nous pourrions le payer. Depuis le
début de la guerre, il n’y a plus d’argent liquide dans les bancomats
puisque les banques sont fermées et le Ministère des Finances totalement
détruit. Oubliez les cartes de crédit. Lorsque nous achetons de la
farine ou de l’huile dans le magasin du coin, nous notons ce que nous
avons acheté pour pouvoir les payer plus tard, c’est ce que tout le
monde fait en ce moment.
« Il n’y a plus de vie publique dans la bande
de Gaza. Tous les bureaux des autorités sont fermés et presque tous les
restaurants et les magasins. On sort de la maison seulement si cela est
absolument nécessaire. Les plages et les parcs sont déserts. … Je vis
dans un immeuble de deux étages près de la mosquée Al Amin qui a été
détruite le 29 juillet. Dix personnes habitaient ici avant la guerre.
Maintenant, soixante-dix personnes partagent l’espace de deux
appartements. Mes hôtes hébergent 60 réfugiés du nord de la bande de
Gaza dévastée. Les hommes doivent dormir dans les entrées et les
couloirs, les femmes et les enfants dorment à l’intérieur. Vivre et
dormir dans une espace si confiné avec tant d’étrangers n’est pas facile
– toute notion d’espace privé n’existe plus.
Dignité et partage
Les nerfs sont constamment à fleur de peau
après trois semaines et demie de bombardement incessant. Néanmoins, les
70 personnes de cette maison se comportent de manière calme et avec des
égards les uns aux autres. Ils partagent tout : un pain, une dernière
cigarette, une batterie de téléphone portable ou un morceau de savon.
Hier, j’ai visité le jardin d’enfants de notre quartier où 80 personnes
dorment dans chaque salle. Les Palestiniens sont aussi débrouillards que
les Libanais, aussi intelligents que les Irakiens ; ce sont des gens
qui luttent aussi fort que les Algériens, et ils ont un aussi grand sens
d’accueil que les Syriens. C’est peut-être ces attributs qui font que
les gens de Gaza continuent à vivre dans ces conditions difficiles.
Malgré les trois semaines et demie des bombardements depuis l’air, la
mer et la terre, des enfants jouent encore dans des rues, les femmes
chantent encore pendant qu’elles font le pain et les hommes résistent
encore. Maher, mon hôte, m’explique : « Notre volonté de vivre et de
lutter ne peut être brisée par des missiles et des grenades ».
http://www.maghrebemergent.com/actualite/internationale/item/39802-l-armee-israelienne-commet-des-crimes-de-guerre-tous-les-jours-temoignage-d-un-journaliste-allemand.html
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