Deux militants emprisonnés après avoir déclaré qu’ils avaient été
enlevés et torturés doivent être libérés immédiatement et sans
condition, a déclaré Amnesty International jeudi 14 août.
Wafaa Charaf, militante politique et défenseure des droits humains, a
été condamnée à un an de prison et à une amende de 1 000 dirhams mardi
12 août. Elle était accusée d’avoir fait des déclarations mensongères en
affirmant qu’elle avait été enlevée et torturée par des inconnus en
avril 2014.
Le tribunal lui a également ordonné de verser 50 000 dirhams de dommages
et intérêts à la police marocaine pour dénonciation calomnieuse, bien
qu’elle n’ait pas accusé les forces de l’ordre.
« Personne ne devrait être emprisonné pour avoir signalé des actes de
torture, et la dénonciation calomnieuse ne devrait pas être une
infraction pénale. Cette condamnation envoie un message dissuasif à
toutes les personnes ayant subi des actes de torture ou tout autre
mauvais traitement, en leur faisant savoir qu’elles feraient mieux de se
taire au risque de finir derrière les barreaux », a déclaré Saïd
Boumedouha, directeur adjoint du Programme Afrique du Nord et
Moyen-Orient d’Amnesty International.
Wafaa Charaf, 26 ans, est une militante politique de gauche et membre de
l’Association marocaine des droits humains (AMDH). Elle a affirmé
qu’elle avait été enlevée et torturée pendant plusieurs heures par des
hommes qu’elle ne connaissait pas après avoir participé à une
manifestation de travailleurs à Tanger le 27 avril 2014. Elle a déclaré
que les hommes l’avaient rouée de coups et l’avaient menacée d’autres
sévices si elle ne cessait pas de militer.
Trois jours plus tard, après avoir obtenu à l’hôpital local un
certificat médical faisant état de blessures légères, elle a porté
plainte auprès des autorités judiciaires, déclenchant une enquête de la
police judiciaire de Tanger et de la brigade nationale de la police
judiciaire (BNPJ).
Mais le 8 juillet, avant la fin de l’enquête, Wafaa Charaf a été
arrêtée, placée en détention et inculpée d’avoir porté plainte pour des
faits qui n’ont pas eu lieu et de dénonciation calomnieuse, au titre des
articles 263, 264 et 445 du Code pénal.
Après avoir passé plus d’un mois en détention en attendant son procès,
elle a été déclarée coupable de toutes les charges retenues contre
elles. Un avocat de la défense a indiqué que le tribunal avait refusé
d’appeler des témoins clés et n’avait pas révélé l’existence d’un
enregistrement téléphonique qui a été déterminant pour la condamnation
de la jeune femme, ce qui soulève des craintes quant à l’équité du
procès puisque Wafaa Charaf n’a pas été en mesure de contester la
validité de cet élément de preuve. Elle est actuellement détenue à la
prison locale de Tanger.
Deuxième condamnation
La condamnation de Wafaa Charaf est intervenue à peine quelques semaines après celle d’un autre militant.
Le 23 juillet 2014, Oussama Housne, 22 ans, lui aussi membre de l’AMDH à
Casablanca, a été condamné à trois ans de prison pour dénonciation
calomnieuse et parce qu’il aurait déposé une fausse plainte pour
torture. Il s’est vu intimer l’ordre de verser 100 000 dirhams de
dommages et intérêts à la police marocaine pour dénonciation
calomnieuse. Il est actuellement détenu à la prison locale d’Oukacha, à
Casablanca.
Oussama Housne avait affirmé avoir été enlevé et torturé par des
inconnus le 2 mai 2014, alors qu’il quittait une manifestation organisée
en solidarité avec des militants détenus. Selon ses déclarations, les
hommes l’auraient brûlé avec une barre de fer chauffée et l’auraient
violé avec leurs doigts.
Trois jours plus tard, des défenseurs des droits humains de la section
locale d’AMDH ont filmé le jeune homme en train de décrire les sévices
dont il dit avoir été victime et ils ont posté la vidéo sur YouTube, ce
qui a poussé les autorités à ouvrir une enquête dirigée par la BNPJ.
Le 1er juin, le procureur du roi a clos l’enquête et conclu qu’Oussama
Housne n’avait pas été torturé, avant d’annoncer son intention d’engager
des poursuites à l’encontre du jeune militant. Celui-ci a été arrêté le
jour même et inculpé de dénonciation calomnieuse et plainte pour un
crime qui n’a pas eu lieu, au titre des articles 264 et 445 du Code
pénal.
L’avocat d’Oussama Housne a déclaré à Amnesty International que le
tribunal n’avait pas appelé des témoins clés pour la défense durant le
procès, ce qui laisse craindre que le jeune homme ait été condamné à
l’issue d’une procédure inéquitable. Entre-temps, il a reçu l’ordre de
verser une forte somme à la police marocaine en guise de dommages et
intérêts, bien qu’il n’ait fait référence qu’à des inconnus dans la
vidéo publiée sur Youtube.
Le jeune homme est également un membre actif du Mouvement du 20 février,
qui réclame un meilleur respect des droits humains, la démocratisation,
la justice sociale et la fin de la corruption.
Les deux militants ont fait appel de leurs condamnations.
« Ces condamnations vont simplement renforcer la culture de l’impunité
au Maroc. La torture ne pourra être éradiquée que quand les victimes
pourront briser le silence en toute sécurité et quand les auteurs de
tels actes seront traduits en justice », a déclaré Saïd Boumedouha.
14 août 2014
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