Ecrit
par David Kirkpatrick
Interprété par
Salah Elayoubi, 10/8/2014
Si
lors de l’opération « Pilier de défense », en novembre
2012, Israël s'est trouvé pressé de toute part, par ses voisins arabes de mettre
fin aux combats, il n’en a pas été de même cette fois-ci.
Détestation
de l'Islam politique
Depuis
la destitution du gouvernement islamiste de Mohamed
Morsi, le 3 juillet 2013, l'Egypte s’est attelée à mettre en
place une nouvelle coalition de pays arabes, principalement la Jordanie,
l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, alignée sur Israël, dans sa lutte
contre le Hamas, le mouvement issu des frères musulmans qui contrôle la bande de
Gaza. Une démarche qui n’est pas étrangère à l'échec des appels au
cessez-le-feu, après toutes les effusions de sang que l’on sait.
«
Les sentiments de détestation et de peur de l'islam politique sont
si forts chez les États arabes, qu'ils l'emportent sur leur allergie envers
Benjamin Netanyahu……Je n'ai jamais vu de situation semblable, avec autant de
capitales arabes applaudissant aux morts, aux destructions et à la correction
administrée au Hamas." commente Aaron David
Miller, chercheur au Centre Wilson à
Washington et ancien négociateur au Moyen-Orient, avant d’ajouter :
« Le silence est assourdissant. »
Bien
que l’Égypte ait pris le pli de jouer un rôle d’intermédiaire clé dans toute
négociation avec le Hamas, elle a cette fois-ci, pris ce dernier de court, avec
une proposition de cessez-le-feu tenant compte de la plupart des exigences
israéliennes et d’aucune, côté palestinien. Le Hamas qui a aussitôt rejeté
l’offre, s’est vu qualifié d’intransigeant par l’Égypte, persistant à soutenir
que sa proposition restait l’unique voie pour d'éventuelles négociations.
La
trêve comme ruse ?
Alors
que les commentateurs pro-palestiniens qualifiaient la proposition de ruse pour
embarrasser le Hamas, les alliés arabes de l'Egypte se sont, au contraire,
empressés de l’encenser. Comme le roi Abdallah d'Arabie saoudite qui, selon le
cabinet du Président Abdelfattah el-Sissi, aurait
félicité ce dernier dans une déclaration qui évite soigneusement de blâmer
Israël, mais parle du « sang de civils innocents qui paient le prix
d’une confrontation pour laquelle ils ne sont nullement
responsables ».
«
Il y a clairement convergence d'intérêts
entre ces différents régimes et Israël », affirme
Khaled Elgindy, ancien conseiller des négociateurs
palestiniens et actuel employé à la Brookings
Institution à Washington. Elgindy compare la guerre de l’Egypte
contre l'islam politique, à celle que mène Israël, dans la bande de Gaza,
contre le Hamas, s’interrogeant s’il ne s’agirait pas là, d’une
« guerre par procuration ».
La
dynamique actuelle a bouleversé les acquis du printemps arabe, dont les
spécialistes de la région s’accordaient à penser qu’il allait enfanter des
régimes en symbiose avec leurs citoyens, plus proches de la cause palestinienne
et plus hostiles envers Israël. Mais contrairement à toute attente, ce dernier y
a plutôt gagné en soutien, avec le retour en force des régimes conservateurs, en
lutte contre l’Islam politique.
Talk-shows
contre Hamas
Les
responsables égyptiens ont directement ou implicitement imputé au Hamas la
responsabilité des pertes civiles palestiniennes, dans les combats, même lorsque
l’armée israélienne s’en était pris à des écoles, comme ce dimanche 3 août, lors
du bombardement de celle de l'UNRWA, l'agence de l'ONU
chargée de l'aide aux réfugiés palestiniens, à Rafah, et qui a fait au moins dix
morts et une trentaine de blessés. Les médias égyptiens pro-gouvernementaux
n’ont cessé, également de s’en prendre au Hamas, l’accusant d’être l’instrument
d’un complot islamiste régional, visant à déstabiliser l’Egypte, depuis le
renversement du président Morsi. ( La justice égyptienne accuse le Hamas d'avoir
provoqué des violences en Egypte, tué des soldats et des officiers de police, et
avoir fait évader de prison, Mohamed Morsi et d'autres dirigeants des Frères
musulmans, lors du soulèvement de 2011.) Les charges d’au moins un célèbre
talk-show égyptien, contre le Hamas étaient si violentes, que les israéliens ont
cru utile d’en diffuser quelques épisodes sur Gaza, dans le but avéré, dit
Maisam Abumorr, étudiant palestinien à Gaza, de
démontrer aux gazaouis comment « leurs prétendus alliés incitent
(Israël) à les exterminer » . D’autres talk-shows vont même
jusqu’à suggérer que « l'Egypte aide l'armée israélienne à se
débarrasser du Hamas. ».
Le
Caire a également attisé la colère gazaouie, en maintenant fermé son poste
frontière et en détruisant les tunnels de contrebande, côté égyptien, aggravant
la pénurie de nourriture, d'eau et de médicaments, après trois semaines de
combats.
-
« El-Sissi est pire que Netanyahu, et les Egyptiens conspirent bien
plus contre nous que les Juifs », dit Salhan
al-Hirish, commerçant à Beit Lahyia,
avant d’ajouter : « Ils en ont terminé avec les frères musulmans en
Egypte et maintenant ils en ont après le Hamas. »
Si
L’Egypte et certains pays arabes, notamment l'Arabie saoudite et les Émirats
arabes unis, trouvent leur compte dans une alliance avec Israël, c’est en raison
de leur opposition commune à l'Iran, l’autre puissance régionale à l’origine du
financement et de l'armement du Hamas. Une nouvelle qui brouille les cartes pour
Washington, dans ses efforts pour mettre fin aux combats. Et bien que les
services de renseignement égyptiens continuent de parler avec le Hamas, comme
ils le faisaient sous Hosni Moubarak et
Mohamed Morsi, l’actuelle hostilité du Caire envers le
mouvement islamiste, remet sérieusement en question l'efficacité de ce canal,
tout particulièrement après le rejet de l’initiative égyptienne.
Autant
d’éléments qui expliquent les raisons pour lesquelles John Kerry se tourne à
présent, vers d’autres capitales, mieux disposées envers le Qatar et de la
Turquie, (les deux pays s’étaient imposés au niveau régional au plus fort du
printemps arabe, et qui subissent aujourd’hui un isolement consécutif au reflux
de ce dernier). Une initiative qui fait passer le secrétaire d’état américain,
aux yeux de certains analystes, comme moins hostile envers le Hamas (et donc
moins favorable à Israël) que l'Egypte et ses alliés arabes.
Le
Hamas n'est pas la bande de Gaza
Pour
les faucons israéliens, les changements intervenus parmi certaines capitales
arabes sont pur pain bénit :
-
« En définitive, mis à part le Hamas et le Qatar, la plupart des
gouvernements arabes sont soit indifférents, soit disposés à s’aligner sur
l'Egypte", dit l’universitaire israélo-américain
Martin Kramer, président de Shalem
College à Jérusalem et spécialiste du monde arabe, avant de
conclure :
-
« Aucun pays arabe n’est disposé à exiger des américains, l’arrêt
immédiat des hostilités comme le fit, à plusieurs reprises, l’Arabie saoudite,
lors des précédentes agressions contre les palestiniens. »
Selon
Kramer, le ressentiment anti-islamiste, est à ce point exacerbé, qu'il pousse le
gouvernement égyptien et ses nouveaux alliés arabes à affirmer que «
la défaite du Hamas a un prix que les palestiniens devront payer,
car si le mouvement islamiste devait sortir vainqueur de la confrontation, il
deviendrait un acteur incontournable dans la
région. ». Une analyse réfutée par les égyptiens qui
rejettent toute idée d’une alliance avec Israël et réaffirment leur soutien
traditionnel au peuple palestinien.
-
« Le Hamas n'est pas la bande de Gaza, et Gaza n'est pas la
Palestine. », précise un diplomate égyptien, alors que d’autres
responsables rappellent les livraisons par l'armée égyptienne et le
Croissant-Rouge de médicaments et de produits de premier secours à Gaza. Le
Caire continue, en outre, à garder ouverts les canaux de communication avec le
Hamas, et autorise, Moussa Abou Marzouq, haut
responsable du mouvement islamiste, à résider au Caire.
D'autres
analystes, avancent le souci de l'Egypte et ses alliés arabes de trouver le
juste équilibre entre leur aversion pour le Hamas et l’empathie de leurs propres
citoyens envers les Palestiniens. Un sentiment qui pourrait croître avec les
massacres en cours à Gaza.
« La
souffle du printemps arabe semble s’être inversé en faveur d'Israël, après avoir
un temps, soufflé dans la direction opposée. Rien ne dit que l’histoire s’en
tiendra là », conclut Elgindy
Version
originale ici:
|
dimanche 10 août 2014
"El-Sissi, pire que Netanyahu ?"
Libellés :
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rôle de l'Egypte,
Salah Elayoubi
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