Michel
Tubiana ; Karim Lahidji Tribune publiée dans Libération, vendredi 8 /8/
2014
L’Europe prend ses vacances. Est-ce ceci qui explique le silence terrifiant qui répond à la terreur qui frappe les habitants de Gaza et que l’arrêt momentané des hostilités n’effacera pas ?
Rien ne
peut justifier que 100 victimes tombent en quelques heures, et près de deux
milliers en quelques semaines, que des hommes, des femmes, des enfants, pris au piège de ce ghetto,
fuient dans toutes les directions comme des animaux apeurés sans trouver
d’issues puisque tout est contrôlé, fermé, assiégé, bombardé. Plus de
centrale électrique, plus d’eau, bientôt plus de soins médicaux, plus de
nourriture. Si l’armée israélienne caresse le rêve meurtrier et
illusoire de « casser » le Hamas, elle se moque absolument des ravages
causés à une population qu’elle a cessé de considérer comme ses futurs
voisins, et peut-être
même comme
appartenant à la
même
humanité que
les Israéliens.
Le
silence européen prend d’autant plus de relief que l’on a sous nos yeux un
élément de comparaison : les mesures prises contre la Russie. Mesures
très prudentes mais mesures quand même alors que l’Union européenne et
l’allié américain se contentent de mots quand il s’agit de la Palestine.
Regretter la violence mais ne jamais contraindre les autorités
israéliennes, telle semble être la politique
en vigueur.
Il est
temps de mesurer les dimensions du crime qui est en train de se commettre
sous nos yeux. Il est temps de comprendre que l’Union européenne ne
s’exonérera pas de ses responsabilités en payant, une nouvelle fois, la
reconstruction d’infrastructures aussitôt détruites. Notre argent ne
nous empêchera pas d’être considérés comme complice de ce que nous aurions
pu empêcher, tout simplement parce que notre argent n’est pas l’étalon qui
détermine le prix des vies humaines perdues à Gaza.
La
France et le Royaume-Uni,
membres de droit du Conseil de sécurité doivent, à défaut des
Etats-Unis,
saisir les Nations unies d’une
résolution
contraignante et, sous peine de sanctions, imposant un cessez-le-feu, le
retrait des troupes israéliennes
de Gaza, l’envoi
d’une
force d’interposition
et de protection du peuple palestinien, et la fin du blocus aérien,
maritime et terrestre de ce territoire. L’Union européenne doit
suspendre l’accord d’association qui la lie à Israël.
Que la
Palestine soit, enfin, reconnue comme un membre à part entière de l’ONU et
que le Conseil de sécurité décide de saisir sans plus de délais la Cour
pénale internationale pour que les auteurs et responsables de tous les
crimes de guerre commis aient à rendre compte devant
la justice.
Michel
Tubiana est président du Réseau euro-méditerranéen des
droits de l’Homme,
Karim Lahidji, président
de la FIDH
Libération, 8 août 2014
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