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samedi 21 juin 2014

La justice espagnole déboute le chef du gouvernement marocain Benkirane


Dans un monde aux prises avec plusieurs menaces, dont le terrorisme international, les journalistes ont le devoir d’en informer la population. C’est, entre autres, l’accès à cette information cruciale qui aidera les citoyens à faire la part des choses entre les dangers réels et les fantasmes et donc à prendre les bonnes décisions au moment opportun. C'est donc l'accès à cette donnée et non sa dissimulation qui fera de la population la plus solide et la plus efficace des défenses face aux menaces qui guettent un pays.

Tout ou presque avait commencé le 13 septembre 2013. L’illustre journaliste espagnol Ignacio Cembrero avait mis sur son blog ''Orilla Sur'' hébergé sur le site d’El País une vidéo imputée à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et où le réseau terroriste fustigeait la monarchie alaouite et appelait les jeunes marocains à la renverser. Le spécialiste du Maghreb au quotidien ibérique avait pris la précaution d’usage dans le traitement journalistique de ce domaine sensible de préciser dans sa chronique, entre autres, qu’il s’agissait là d’un document de propagande du groupe terroriste. Le 17 septembre, son ancien canard avait retiré la vidéo controversée de son blog. Mais, cela n’avait pas eu l’air de suffire pour calmer la grogne des autorités marocaines.

Rejet de la plainte d’Abdelilah Benkirane contre le journaliste Ignacio Cembrero

Le 20 décembre, l’islamiste Benkirane avait, au nom de son gouvernement, porté plainte contre le journaliste espagnol (et son patron au moment des faits) pour ''apologie du terrorisme''. Une démarche intervenue plusieurs semaines après l’arrestation, le 17 septembre, du journaliste marocain Ali Anouzla pour avoir mis sur son site arabophone d’information Lakome un lien menant au blog du journaliste Cembrero qui hébérgeait la fameuse vidéo d'AQMI. Sa mise en garde à l’intention de ses lecteurs à l’effet qu’il s’agissait là d’un document de propagande de réseau terroriste n’avait pas non plus calmé la colère des autorités ni lui avait épargné une triple et gravissime accusation: ''apologie'', ''incitation'' et ''aide matérielle'' au terrorisme. On y reviendra ci-dessous.
Après avoir ouvert une enquête en date du 20 mars 2014, le procureur de la plus haute instance pénale d'Espagne s’est rendu compte que ni M. Cembrero ni son patron de l'époque n’avaient commis le moindre délit et a par conséquent rejeté en date du 17 juin la plainte du chef du gouvernement marocain. La plainte a donc été définitivement classée!
Quelques semaines après le dépôt de la plainte de M. Benkirane, le journaliste  Une annonce qui avait alors choqué, du moins attristé plusieurs de ses lecteurs du Maghreb et d’ailleurs. Le flot des commentaires outrés sur la page du groupe Facebook qu’il administre, ''Maghreb Information'', et sur plusieurs pages personnelles a montré sa popularité et le rejet d’une telle décision. Le 30 avril, M. Cembrero a quitté son journal.
La décision du magistrat de l’Audience nationale (Audiencia Nacional) n’est pas une surprise puisque ce qu’avait fait le journaliste espagnol est conforme aux règles de l’art dans le domaine journalistique. D’ailleurs, de grands médias électroniques en Occident diffusent assez régulièrement à la télévision et sur leurs sites web des vidéos de groupes ou réseaux terroristes car cela fait partie du devoir qu’ont les journalistes d’informer le public des dangers que représentent de tels groupes extrémistes pour leur sécurité. Les autorités de ces pays sont de leur côté conscientes du fait qu’une population informée de cette menace est mieux à même d’y faire face. C’est pourquoi il arrive régulièrement dans des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie, à nombre d’anciens agents des services secrets et de responsables de sécurité nationale de participer, aux côtés de spécialistes universitaires et de journalistes, à l’analyse de vidéos diffusées sur le web par des groupes terroristes en général et Al-Qaïda en particulier.


Et Ali Anouzla dans tout cela?
Comme on l’a vu ci-dessus le directeur du site arabophone Lakome, Ali Anouzla, reste sous le coup de trois chefs d’accusation inappropriées et absurdes et court donc le risque d’écoper d’une peine de vingt ans de réclusion criminelle.
Si le journaliste marocain bénéficie depuis le 25 octobre de liberté provisoire, c’est grâce à la mobilisation de la société civile marocaine, à la solidarité internationale d’organisations de professionnels et de défense des droits humains et aux fortes pressions exercées par le ministère américain des affaires étrangères sur Rabat. D’ailleurs, Reporters sans frontières en a fait cette année un de ses "100 héros de l’information" et l’ONG américaine Project on Middle East Democracy lui a, le 8 mai, décerné (ainsi qu’au directeur du site francophone de Lakome Aboubakr Jamaï) le "Prix POMED: Leaders pour la démocratie".
En dépit de ses différentes démarches, son site demeure à ce jour censuré par l’autorité de tutelle, l’ANRT.
Le Maroc ferait mieux de méditer la triple poursuite engagée contre le journaliste Anouzla à la lumière de la décision du magistrat espagnol et tirer les conclusions qui s’imposent... C’est dans l’intérêt du pouvoir en place d’en prendre acte et d’annuler inconditionnellement et rapidement les charges qu’on lui reproche. Il en va de son image dans le reste du monde et au pays.
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Le journaliste espagnol a donc eu sa revanche sur le chef du gouvernement marocain et sur son ancien patron. Cela dit, la démarche du pouvoir marocain dans cette affaire est contre-productive. Dans le monde fluide dans lequel nous vivons, l’information circule à la vitesse de la lumière. Toute atteinte à la dignité humaine fait le tour du monde en un laps de temps très court. Quand un régime engloutit des sommes faramineuses dans sa campagne de relations publiques en Occident, la dernière chose dont il aurait besoin, c’est de saboter lui-même sa propre campagne d’image en s’en prenant par exemple à des journalistes.
19 juin 2014
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