17 mars 2014, 21:34
Ce texte a été destiné à une publication. L'éditeur, un cancre débile, a trouvé que c'est un texte de «propagande». Et que j'étais «musulman» et «islamiste»...
A vous, mes ami-es, de juger de la science infuse de cet éditeur
inculte! Et le pire c'est que des petits écrivaillons se sont ralliés à
sa cause !!!
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Tariq
Ramadan, s’adressant dans une conférence en 2003, aux jeunes des
banlieues de France, évoque la question identitaire en maître ingénieur
des âmes : « Est-ce que tu es plutôt Musulman ou Français? » Et il
répond sans sourciller : « Musulman c’est une conception de la vie,
c’est le sens de ma vie, c’est le sens de ma mort, c’est au-delà de
tout. » Et d’ajouter en topographe patenté : «Français c’est une
situation géographique, et ma situation géographique, elle, ne peut pas
avoir raison de ma vie et du sens que je donne à ma vie ».
L’identité
se négocie donc entre foi et espace géographique selon le catéchisme de
Tariq Ramadan, un intellectuel qui se veut représentant en Europe, de «
l’immigration musulmane ». Pourtant ce qu’on a nommé la « Marche des
Beurs » en 1983 en France, affichait clairement son slogan « Pour
l’Egalité et contre le Racisme », soutenue par nombre de Français de
souche. Aucune référence aux revendications théologiques : « halal :
licite ; haram : illicite ; voile, etc. ». On dirait même que c’était le
baroud d’honneur d’une jeunesse implantée dans le socle des valeurs de
la société européenne. Valeurs où démocratie se conjugue avec l’Etat de
Droit où les rapports de force présupposent un combat au sein de ce
socle des valeurs pour recouvrer ses droits. Car depuis ce mouvement et à
partir de cette date, l’espace de l’expression ne cesse de voir monter
au créneau des activistes musulmans pour imposer des revendications
théologiques, telles que la stigmatisation de l’homosexualité, la guerre
au blasphème, à l’athéisme et pour l’abolition de la contraception, de
l’avortement, contre la mixité et pour le voile islamique… Ce retour au
religieux de la part d’une minorité censée s’émanciper au contact de
nouveaux horizons, ne déplaît en aucune manière au lobby chrétien
européen qui partage, encourage tacitement ou ouvertement ces
revendications formulées par cette « immigration musulmane».
La
revendication à tout bout de champ de l’identité musulmane --- au sein
d’une Europe irriguée sinon par la laïcité, du moins par la séparation
de l’État et de l’Église, où l’on négocie et où l’on se trouve au sein
de la Convention européenne devant une forte opposition à l’inscription
d’une référence à la chrétienté --- me paraît non seulement
anachronique, mais génératrice d’une manipulation et d’un contresens
ravageur mettant définitivement l’immigration maghrébine et orientale
hors-citoyenneté.
Elle est anachronique,
même lorsqu’on met tout le zèle possible derrière l’étiquette de «
l’Islam européen », comme le revendique Tariq Ramadan, ou de « l’Islam
progressiste ». Qualificatifs destinés à aveugler le sens, pour connoter
une pertinence soi-disant de taille, basée sur l’opposition « Islam
civilisé / Islam archaïque ». Or jusque-là, rien ne permet de penser que
cet «Islam Européen » ait résolument supplanté les poncifs qui plaident
terriblement en sa défaveur. Les cheikh-imams improvisés à tous les
coins de rues aux Maghreb et en Orient, ne cessent de clamer que «
l’islam est religion et État ». D’aucuns vont jusqu’à décréter que « le
Coran est une Constitution ». Dès lors, qui ne voit dans l’assertion,
plus haut, de Tariq Ramadan une supercherie désastreuse ? Car
l’identité « musulmane » dont il parle, tombe sous le joug d’un discours
théologico-politique soumis aux questionnements et ne peut éluder le
débat et la controverse. Le «sens de ma vie », « le sens de ma mort »
dont parle Tariq Ramadan, ne peuvent raffermir la foi comme identité…
Identité musulmane figée autour de rouages magico-religieux, bigoterie
piteuse, et d’un projet de société déterminé. Car quelles que soient les
orientations du discours éthico-théologico-politique, c’est la
théocratie totalitaire qui s’oppose à la dialectique de changement et
d’évolution inhérents à l’esprit humains et aux sociétés en général.
Il
est donc à craindre – comme le font certains intervenants parmi
lesquels Hubert Védrine, l’ex-ministre français des Affaires Étrangères
qui commet dans son article « Comment nier le choc Islam-Occident » (Le
Monde du 27 février 2003), une monumentale et fausse opposition,
«Islam-Occident » et non « Orient-Occident » – de voir certains
activistes issus de l’immigration, ou qui militent dans ce domaine,
rebondir pour brandir l’Islam comme identité sacrée qu’ils flanquent aux
humbles citoyens ordinaires du Maghreb ou de l’Orient. La dyade
«Immigré/Musulman » n’a été opérée qu’à travers un ingénieux calcul pour
gommer le premier élément et glorifier le second. «Musulman » a
supplanté « Immigré ». Alors que la stigmatisation de ce dernier était
déjà dans l’air du temps, soutenue, tambour battant, par un certain
charlatanisme scientifique (cf. « Enquête sur le lien entre criminalité
et immigration », commandée par le ministre belge Marc Verwilghen ;
résultat de l’enquête : aucun lien ; fiasco prévisible !), l’hégémonie
du qualificatif « Musulman » en tant qu’identité, était savamment
orchestrée par l’idéologie islamiste pour forger et légitimer cet autre
vocable « Islamophobie » qui vient polluer les revendications légitimes
scandées durant la «Marche des Beurs » : « Pour l’Egalité et contre le
Racisme ». Cantonner l’immigration dans ce simplisme réducteur de
l’identité musulmane, n’est-ce pas torpiller l’aspiration à la pleine
citoyenneté ? Figer le statut de l’immigration dans cette identité «
Musulman », ne cacherait-il pas les ambitions dévoreuses de privilèges
et d’ascension sociale des soi-disant « représentants de l’islam
européen », sur le plan financier et sur celui du pouvoir symbolique ?
Il est vrai que siéger aux instances de l’Europe en tant que conseillers
et émissaires des musulmans et de l’islam, habilités à promulguer des «
fatwas », aussi absurdes les unes que les autres, constitue un
lobbyisme islamiste pour diverses revendications…
C’est
qu’il n’est pas étonnant d’entendre quelques voix de l’immigration – et
Hubert Védrine le fait déjà en recommandant de « soutenir plus
courageusement partout les musulmans modernes » et intégrer mieux les
musulmans d’Europe sans transiger quant aux principes fondamentaux de
nos sociétés » – franchir le Rubicon pour aller dans le sens d’appuyer
l’intégration du « Musulman » en tant qu’acteur politique, participant
aux rouages institutionnels à travers et au sein des institutions de
l’Europe. Anachronisme, ici encore, au moment où des partis chrétiens
comme le parti belge «Parti Social-Chrétien » (englobant d’ailleurs des
adhérents musulmans) se nomme aujourd’hui CDH (Centre Démocrate
Humaniste), pour ne plus faire référence à la religion.
Cette
poussée de l’islam au-devant de la scène, aboutit aujourd’hui à un
racisme ouvert et sans complexe qui rejette l’immigration en tant
qu’adjuvant de l’obscurantisme, de l’archaïsme, du fanatisme et de
l’arriérisme... Il n’est nullement étonnant de voir le soutien de jadis
pour le combat de l’immigration, par les Européens démocrates de souche,
s’amenuiser lamentablement, cédant le champ de l’expression à des
paternalistes adhérents du «relativisme culturel » et brandissant
l’étendard de « l’islamophobie ». Point de discernement et point
d’analyses conséquentes. Car ces paternalistes, idiots utiles, ne
saisissent point l’enjeu qui vient éclater sous nos yeux, concernant le
rejet des Frères Musulmans en Égypte, et l’opposition décisive à Ennahda
en Tunisie, par une frange importante de ces peuples. Seraient-ils des
«islamophobes », ces peuples qui n’habitent pas en Europe ? N’est-il pas
judicieux de parler de « débat d’idées » et de « projets de société et
de civilisation » ? Comment dès lors, éviter d’affirmer que les notions
de « Musulman » comme étiquette identitaire et d’« Islamophobie » comme
délit attentatoire, s’effilochent d’une manière patente, dans le
contexte historique que nous vivons ?
Il
est heureux de constater qu’un pan important de citoyens au sein de
l’immigration maghrébine et orientale, rejette ce simplisme du «
relativisme culturel » ductile à la notion du «multiculturalisme »,
notion figée qui sépare et oppose. Désormais, c’est la foi dans la
mixité et l’interculturel qui prime favorablement pour une « convivance »
réelle et partagée. Cet heureux concept de « convivance » vient d’être
inséré par Florence Delay dans le dictionnaire français, où elle
évoquait dans son discours, en défendant cette insertion à l’Académie
française, l’Andalousie comme exemple de la « rencontre » des cultures,
des religions et des civilisations.
Ainsi
le concept de l’identité ne peut être inhérent à la foi ou aux
croyances qui relèvent du monde des idées et du débat, sans succomber à
la morosité, à l’imprécision et à la mauvaise foi. L’identité est en
devenir et toujours en construction dans une dynamique perpétuelle de
transformation. Elle se construit et évolue à partir et avec l’altérité
pour aboutir à une entité universelle et générique : l’identité humaine.
Tel est la voie royale vers une identité plurielle apaisée et vers une citoyenneté moderne.
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