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samedi 25 mai 2013

Abdellatif Laâbi / « Un Autre Maroc »

par Mohammed Belmaïzi (Articles), 23/5/2013

Abdellatif Laâbi a sans cesse gratifié le débat de sa pensée éruptive à travers ses analyses percutantes et sa production poétique qui est l’une des œuvres novatrices que l’histoire de la littérature nous a révélées.

Le parcours de Abdellatif Laâbi est connu par les lecteurs et les proches. Je ne parlerai ici que de l’initiative de « L’Autre Maroc » dont j’ai activement pris part. Une initiative qui s’est opposée à « L’Année du Maroc » organisée par la France en 1999. Nous avions démontré qu’un autre Maroc existe, ou du moins nous avions gravé les contours de ce Maroc auquel nous aspirons de toutes nos forces… « L’Année du Maroc » féodal, aplati sous les bottes d’un tyran, Hassan II, n’avait pas bonne figure. Nous avions dénoncé avec vigueur et rigueur les violations flagrantes des droits humains au pays de « Notre ami le roi ».

Dès la mort de Hassan II, Abdellatif Laâbi a cru à tous les possibles. Et les signes avancés par Mohammed VI l’ont conforté dans son attitude vis-à-vis de « l’ère nouvelle » : le renvoi des femmes du harem ; la réforme de la Moudawana ; le limogeage de Driss Basri ; l’Instance Équité et Réconciliation…

C’est que Abdellatif Laâbi imaginait que le changement était à portée de main… et dès l’annonce, sciemment précipitée, de la réforme de la Constitution, même sans Constituante, opérée dans la foulée du Printemps de la Dignité, il y a cru de bonne foi. A l’éclosion du Mouvement du 20 février, Laâbi publie « Maroc, quel projet démocratique ? », où il penche vers une « monarchie parlementaire », garante de la stabilité. C’est que Laâbi est resté gravement obsédé par la montée de l’islamisme (il n’est pas le seul, on peut citer Adonis et tant d’autres intellectuels de cette génération). Choisir le moindre mal est resté la consigne qui supporte leurs analyses. Mais peut-on choisir entre le choléra et la peste ?

 Abdellatif Laâbi revient, dans une « lettre » adressée à ses concitoyennes et concitoyens intitulée « Un Autre Maroc », sur « le silence des intellectuels » indexé sur le Net ou dans les journaux. En homme de parole, toujours au rendez-vous pour aborder les questions de notre temps, Laâbi a toujours rompu le silence. Dans ce livre, il nous dit que la Constitution n’était rien d’autres qu’un « monument de verbiage », et que finalement cette Constitution ressemble clairement à celles qu’on nous a seringuées depuis l’indépendance… Et Laâbi d’ajouter : « Comme j’aurais aimé qu’un autre scénario fût possible ! Sincèrement (d’aucuns me rétorqueraient « naïvement »), j’y avais cru au début. Et je n’étais pas le seul… ».

Je ne voudrais pas priver le lecteur du plaisir de ce texte où Laâbi fait un procès social et historique de ce vieux Maroc pour passer à l’Autre Maroc, celui que nous sommes en train d’édifier dans la marge. Ce livre est un réquisitoire sévère contre les incultes au pouvoir, et une plaidoirie pour la culture et la connaissance.

En revenant de ses illusions, Laâbi parait pourtant fermement attaché à la monarchie et au pouvoir représenté par un homme, à plusieurs passages dans ce livre. Je n’en tire qu’un exemple de l’autre scénario que Laâbi imagine si l'intelligence était du côté du monarque de droit divin : « Le monarque, selon un consensus à l’évidence acquis, serait ainsi rendu à son pôle spirituel et d’arbitre, de garant de l’unité nationale, de la sécurité du pays et des citoyens, des libertés individuelles et collectives, et du pluralisme culturel et politique ».

Pour une fois, cette analyse venant d'un auteur que je considère comme mon maître, qui nous a habitués à être méfiants vis-à-vis de tout pouvoir, me laisse très perplexe!


https://www.facebook.com/notes/mohammed-belma%C3%AFzi/abdellatif-la%C3%A2bi-un-autre-maroc-/601454656540219

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