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Source : http://www.pambazuka.org/fr
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Il y a des personnes qui
trouvent impoli qu’on leur demande leur âge ou combien elles gagnent
cependant que d’autres se vexent si on leur demande à quelle religion
elles appartiennent. En ma qualité de réfugiée, rien ne me met plus en
colère, ne me rend plus triste ou plus haineuse que lorsque quelqu’un me
demande :"Où est-ce que vous vous sentez chez vous ?" Je trouve que
c’est là une question vraiment mesquine. Du même genre que de demander à
quelqu’un dans une chaise roulante : "Pourquoi vous ne marchez pas ?"
En raison de la rencontre quotidienne de nouvelles personnes, j’ai dû
relever le défi de répondre à cette question depuis que je suis venue
ici. Ou au moins fournir une explication simple afin que d’autres
puissent comprendre notre situation compliquée. Surtout, la difficulté
consiste à décrire quelque chose que je n’ai jamais connu.
On me demande souvent : "Êtes-vous indienne ?" Je reconnais que j’ai
une relation particulière avec ce pays bien que je souhaiterais que les
gens voient le Sahara occidental dans mes traits plutôt que l’Inde.
Presque chaque personne que j’ai rencontrée en Algérie, en Espagne ou
ici en Norvège m’a posé cette question. Je mentionne cet exemple parce
que je suis tellement jalouse et je me demande quelles sont les
caractéristiques et l’identité qui distinguent les autres pays. En
attendant, à l’arrière de mon esprit il y a ces questions récurrentes :
"Pourquoi les gens ne connaissent-ils pas les caractéristiques de mon
pays, la langue que nous parlons, ce que nous croyons et la situation
géographique du Sahara occidental ?"
Toutefois, je crois que ce qui me met le plus en colère c’est de savoir que ces pensées sont stupides parce, après tout, comment les gens pourraient-ils connaître les réponses à ces questions si moi-même je suis incapable de les trouver ? Cela me rend triste et me met en colère chaque fois que les gens ne comprennent pas où je vis, ou d’où je viens. Je veux essayer de répondre à cela pour ceux qui se demandent ce qu’est la patrie pour nous et plus spécifiquement, pour moi, une réfugiée.
"Sahara zaina", le magnifique Sahara, avait dit une fois ma grand-mère alors que nous étions assise à boire le thé en écoutant notre radio nationale."Bientôt tu en feras l’expérience", avait-elle ajouté. Elle est morte il y a des années et moi j’ai grandi et j’ai travaillé dans cette même station de radio avec probablement d’autres grand-mères qui disaient la même chose à leurs petits-enfants. J’espère que nous n’en resterons pas là jusqu’à ce que je devienne une grand-mère qui raconte la même histoire à mes enfants. La différence entre ma grand-mère et moi c’est qu’elle savait à quoi ressemblait notre patrie, contrairement à moi qui n’ai connu que les camps de réfugiés
Je suis née dans ces camps et j’ai vécu là toute ma vie et d’une certaine façon c’est ma patrie parce que c’est le seul foyer que je connais. J’ai été à l’école en Algérie, un pays merveilleux qui nous a donné un peu de terre afin de construire notre foyer après que le Maroc s’est emparé de notre pays ! Comme jeunes réfugiés nous avons souffert de beaucoup de choses. Ce qui, aujourd’hui, me fait rire mais aussi pleurer. Lorsque nous étions jeunes nous étions affectés lorsque d’autres se moquaient de nous parce que nous n’avions pas de pays et que nous provenions d’un camp de réfugiés où l’on vivait sous tente. Certains d’entre nous se sont mis à mentir, disant que nous vivions dans la région libérée du Sahara occidental où il y avait quelques maisons et on l’on pouvait vivre.
Au cours de ma troisième année à l’université, nous avons étudié l’histoire de l’Algérie. J’avais les meilleures notes et parfois je souhaitais que tel ne fut pas le cas. Un de mes camarades d’école trouvait cela injuste et a interpellé l’enseignant : "Ne devrait-elle pas d’abord connaître l’histoire de son pays ?" Je ne pouvais pas argumenter parce que j’étais en larmes. Tout le monde avait pitié de moi. Moi aussi j’étais désolée et en colère en raison de notre situation. Ce témoignage de sympathie de mes camarades de classe est le même que celui des gens auxquels je dis que je suis réfugiée. C’est ce que je déteste le plus. Cela me donne le sentiment de n’être nulle part chez moi.
Toutefois, au fond de moi, je sais que le Sahara Occidental est ma patrie. Je ne l’ai jamais vu mais je sais qu’il existe. Peut-être qu’il n’existe pas dans l’esprit d’autres personnes ou dans les livres des bibliothèques et sur les cartes scolaires, mais il existe à l’intérieur de moi, à l’intérieur de tous les Sahraouis et à l’intérieur de tous ceux qui croient en la justice. Pour moi, c’est ma patrie à laquelle j’appartiens ; ma patrie, l’endroit qui m’accueille à bras ouverts, peu importe que je sois bonne ou mauvaise. La patrie c’est la stabilisation, la sécurité, l’identité. La patrie pour beaucoup de gens est quelque chose de tangible. Pour nous la patrie est un rêve. La patrie pour vous est une réalité. La patrie pour moi est un désir. La patrie pour vous est l’existence, pour moi elle est une lutte. Vous vivez dans votre patrie. Ma patrie vit à l’intérieur de moi.
"Où veux-tu passer ta vie Asria ?", me demande un ami alors que nous étions en voyage. Avant de lui répondre, il fallait que je lui explique que je n’étais pas vraiment d’accord avec des frontières. Je souhaite que tout le monde soit capable de vivre ensemble. Mais d’abord je veux faire l’expérience de ce sentiment. Le sentiment d’appartenir. Le sentiment qu’on peut avoir lorsque je porte ma melhfa traditionnelle et que les gens me disent que je viens du Sahara Occidental et non de l’Inde. Je veux voir ma famille et tous les Sahraouis retourner dans leur pays. Je veux savoir que tous les Sahraouis dans les territoires occupés vivent en sécurité. Je veux m’assurer que la prochaine génération vivra dans la paix et la stabilité. Je pourrais me rendre dans un endroit où je me sente moi-même, peut-être au Sahara Occidental, peut-être ailleurs dans le monde, parce que, ce qui est important c’est de vivre au milieu de gens que vous aimez et les gens que j’aime vivent dans des camps de réfugiés, parce que c’est là notre patrie jusqu’à ce que nous accédions à l’indépendance.
** Asria Mohamed Taleb est une jeune femme sahraouie qui vit en Norvège. Elle a écrit un livre "A Norwegian hope journey : between the strong sand and the white snow lives my hope for a free Sahara" – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
Toutefois, je crois que ce qui me met le plus en colère c’est de savoir que ces pensées sont stupides parce, après tout, comment les gens pourraient-ils connaître les réponses à ces questions si moi-même je suis incapable de les trouver ? Cela me rend triste et me met en colère chaque fois que les gens ne comprennent pas où je vis, ou d’où je viens. Je veux essayer de répondre à cela pour ceux qui se demandent ce qu’est la patrie pour nous et plus spécifiquement, pour moi, une réfugiée.
"Sahara zaina", le magnifique Sahara, avait dit une fois ma grand-mère alors que nous étions assise à boire le thé en écoutant notre radio nationale."Bientôt tu en feras l’expérience", avait-elle ajouté. Elle est morte il y a des années et moi j’ai grandi et j’ai travaillé dans cette même station de radio avec probablement d’autres grand-mères qui disaient la même chose à leurs petits-enfants. J’espère que nous n’en resterons pas là jusqu’à ce que je devienne une grand-mère qui raconte la même histoire à mes enfants. La différence entre ma grand-mère et moi c’est qu’elle savait à quoi ressemblait notre patrie, contrairement à moi qui n’ai connu que les camps de réfugiés
Je suis née dans ces camps et j’ai vécu là toute ma vie et d’une certaine façon c’est ma patrie parce que c’est le seul foyer que je connais. J’ai été à l’école en Algérie, un pays merveilleux qui nous a donné un peu de terre afin de construire notre foyer après que le Maroc s’est emparé de notre pays ! Comme jeunes réfugiés nous avons souffert de beaucoup de choses. Ce qui, aujourd’hui, me fait rire mais aussi pleurer. Lorsque nous étions jeunes nous étions affectés lorsque d’autres se moquaient de nous parce que nous n’avions pas de pays et que nous provenions d’un camp de réfugiés où l’on vivait sous tente. Certains d’entre nous se sont mis à mentir, disant que nous vivions dans la région libérée du Sahara occidental où il y avait quelques maisons et on l’on pouvait vivre.
Au cours de ma troisième année à l’université, nous avons étudié l’histoire de l’Algérie. J’avais les meilleures notes et parfois je souhaitais que tel ne fut pas le cas. Un de mes camarades d’école trouvait cela injuste et a interpellé l’enseignant : "Ne devrait-elle pas d’abord connaître l’histoire de son pays ?" Je ne pouvais pas argumenter parce que j’étais en larmes. Tout le monde avait pitié de moi. Moi aussi j’étais désolée et en colère en raison de notre situation. Ce témoignage de sympathie de mes camarades de classe est le même que celui des gens auxquels je dis que je suis réfugiée. C’est ce que je déteste le plus. Cela me donne le sentiment de n’être nulle part chez moi.
Toutefois, au fond de moi, je sais que le Sahara Occidental est ma patrie. Je ne l’ai jamais vu mais je sais qu’il existe. Peut-être qu’il n’existe pas dans l’esprit d’autres personnes ou dans les livres des bibliothèques et sur les cartes scolaires, mais il existe à l’intérieur de moi, à l’intérieur de tous les Sahraouis et à l’intérieur de tous ceux qui croient en la justice. Pour moi, c’est ma patrie à laquelle j’appartiens ; ma patrie, l’endroit qui m’accueille à bras ouverts, peu importe que je sois bonne ou mauvaise. La patrie c’est la stabilisation, la sécurité, l’identité. La patrie pour beaucoup de gens est quelque chose de tangible. Pour nous la patrie est un rêve. La patrie pour vous est une réalité. La patrie pour moi est un désir. La patrie pour vous est l’existence, pour moi elle est une lutte. Vous vivez dans votre patrie. Ma patrie vit à l’intérieur de moi.
"Où veux-tu passer ta vie Asria ?", me demande un ami alors que nous étions en voyage. Avant de lui répondre, il fallait que je lui explique que je n’étais pas vraiment d’accord avec des frontières. Je souhaite que tout le monde soit capable de vivre ensemble. Mais d’abord je veux faire l’expérience de ce sentiment. Le sentiment d’appartenir. Le sentiment qu’on peut avoir lorsque je porte ma melhfa traditionnelle et que les gens me disent que je viens du Sahara Occidental et non de l’Inde. Je veux voir ma famille et tous les Sahraouis retourner dans leur pays. Je veux savoir que tous les Sahraouis dans les territoires occupés vivent en sécurité. Je veux m’assurer que la prochaine génération vivra dans la paix et la stabilité. Je pourrais me rendre dans un endroit où je me sente moi-même, peut-être au Sahara Occidental, peut-être ailleurs dans le monde, parce que, ce qui est important c’est de vivre au milieu de gens que vous aimez et les gens que j’aime vivent dans des camps de réfugiés, parce que c’est là notre patrie jusqu’à ce que nous accédions à l’indépendance.
** Asria Mohamed Taleb est une jeune femme sahraouie qui vit en Norvège. Elle a écrit un livre "A Norwegian hope journey : between the strong sand and the white snow lives my hope for a free Sahara" – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
Source : http://www.pambazuka.org/fr
http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/republique-sahraouie/article/republique-sahraouie-avez-vous-la
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