Lundi dernier, M. Abdelilah Benkirane se gaussait de plus de
la moitié de la population marocaine en comparant les Amazighs à des
«joueurs de bendirs», adeptes de la frugalité et de la danse…
Mardi dernier, 200 «islamistes» et autres adhérents du PJD
protestaient publiquement devant le cinéma ROXY à Tanger contre la
projection du documentaire réalisé par un jeune franco-marocain,
intitulé de «Tinghir à Jérusalem». Kamal Hachkar, réalisateur de ce film
qui retrace le parcours de Juifs berbères marocains émigrés en Israël,
est d’origine amazighe.
Interrogé sur ses sentiments devant cette manifestation
d’intolérance, M. Mustapha Khalfi, ministre de la Communication, membre
dirigeant du PJD et du MUR, a excipé de son devoir de réserve pour
éviter de condamner l’imbécilité de manifestants qui accusent une oeuvre
cinématographique de philo-sionisme sans l’avoir vue !
Il y a une quinzaine de jours, un député de PJD piqua une crise au
Parlement parce que sur un vol d’Egyptair une scène d’un film projeté
durant le trajet comportait un baiser entre deux adultes consentants, de
sexe opposé de surcroît ! Ce même député n’avait pas eu la même verve
lorsque la regrettée Amina Filali s’était suicidée après avoir été
forcée au mariage avec son violeur…
Ces quelques expressions de la culture politique dominante dans notre
Maroc d’aujourd’hui, placé sous la férule d’un parti aussi conservateur
que rétrograde, le Parti de la Justice et du Développement, ne sont pas
sans inquiéter.
Dans plusieurs milieux, y compris dans les rangs du Parti du Progrès
et du Socialisme, membre de la coalition gouvernementale, certains
n’hésitent pas à soutenir que la formation de M. Benkirane n’est pas
liberticide et que son arrivée à la tête du pouvoir exécutif n’a guère
entraîné de recul des libertés et du climat de tolérance qui qualifiait
notre pays jusque-là.
Identité et racines
Pourtant, en assimilant les Amazighs à des saltimbanques, le chef du
gouvernement, remet en question plusieurs paramètres fondamentaux de la
société marocaine, de l’Etat marocain, de l’Histoire du Maroc.
M. Abdelilah Benkirane ne saurait ignorer, lui qui est le premier
chef de gouvernement à opérer sous l’égide de la Constitution adoptée
par voie référendaire le 1er juillet 2011, que l’Amazighité a reçu droit
de cité officiel, que son Préambule y proclame les apports berbères,
arabes, africains, juifs et andalous à l’identité nationale, que la
langue amazighe est désormais mise sur le même pied que la langue arabe
et qu’une loi organique devra en concrétiser son utilisation officielle.
M. le chef de gouvernement, qui affirme son attachement au Trône
alaouite, ne saurait, de même, ignorer les liens profonds, familiaux
mêmes, qui unissent la Famille Royale à l’identité amazighe, de même que
sa culture politique l’empêche d’oublier que le Maroc compte un
Institut Royal de la Culture Amazighe, IRCAM, qui n’a rien à voir avec
un music hall ou un conservatoire de musique folklorique…
M.Mustapha Khalfi, qui a étudié aux Etats-Unis, pétri qu’il est de
culture politique américaine et de ses principes, ne peut faire
l’impasse, au nom de ses responsabilités officielles actuelles, sur une
manifestation de crasse intolérance, dirigée, non contre l’Etat
d’Israël, mais contre l’apport d’un jeune historien franco-marocain,
qui, à partir de ses souvenirs d’enfance, des récits de son grand-père, a
voulu montrer ce qu’étaient devenus certains de nos concitoyens et
leurs descendants expatriés en Israël entre 1948 et 1967. Ne dit-on pas
officiellement et depuis fort longtemps que ce pays compte aujourd’hui
plus de 800 000 habitants d’origine marocaine. N’est-il pas vrai, de
surcroît, que la citoyenneté et la nationalité marocaines sont
inaliénables ? A-t-on jamais vu un Juif marocain, quel que soit son
lieu de résidence actuel, attaquer notre (son) pays natal ou exprimer
autre chose qu’un immense attachement à ses racines, origines, coutumes
et traditions marocaines? Que reste-t-il à écrire après de tels constats
?
Que vive le Maroc, du bendir et de Tinghir !
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