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mardi 5 février 2013

Amnesty International : un procès vicié à la base

Amnesty International : Des civils sahraouis jugés devant un tribunal militaire au Maroc: un procès vicié à la base

Le procès de 24 civils sahraouis devant un tribunal militaire au Maroc est vicié à la base, a déclaré Amnesty International le 1er février. L’organisation a demandé que les prévenus comparaissent devant un tribunal civil et que leurs allégations de torture fassent l’objet d’une enquête.
Le procès s’est ouvert à Rabat le 1er février. Les prévenus, parmi lesquels plusieurs militants de la cause sahraouie, doivent répondre de violences intervenues pendant et après le démantèlement, en novembre 2010, du camp de protestation de Gdim Izik (près de Laayoune, au Sahara occidental). Onze membres des forces de sécurité et deux Sahraouis avaient trouvé la mort lors de ces événements.
La plupart des prévenus ont déclaré qu’ils avaient été soumis à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements à différents moments de leur détention provisoire, qui dure depuis deux ans. Plusieurs auraient été amenés à signer des « aveux » sous la contrainte.
« Juger des civils devant un tribunal militaire est contraire aux normes d’équité reconnues au plan international, a déclaré Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. Les 24 prévenus doivent être traduits devant un tribunal civil et bénéficier de toutes les garanties en matière de droits humains afférentes à une procédure civile. Ils ne doivent en aucun cas être condamnés à la peine capitale.
« Les allégations de torture formulées par les personnes détenues doivent faire l’objet d’une enquête, et le tribunal doit écarter tout élément de preuve obtenu sous la torture. Les autorités doivent en outre lancer une enquête indépendante et impartiale sur les événements survenus à Gdim Izik – ce qu’elles auraient dû faire il y a deux ans déjà. »
Les 24 prévenus, parmi lesquels se trouvent des membres d’organisations sahraouies de la société civile et des militants politiques sahraouis, sont accusés d’appartenance à une organisation criminelle, de violences contre un fonctionnaire et de mutilation de cadavre.
Le crime de violences contre un fonctionnaire est passible de la peine de mort lorsque ces violences donnent lieu à un homicide volontaire.

Le 8 novembre 2010, des affrontements ont éclaté lorsque les forces de sécurité marocaines sont intervenues pour évacuer de force et démanteler le camp de protestation de Gdim Izik, à quelques kilomètres à l’est de la ville de Laayoune (Sahara occidental, sous administration marocaine).
Ce campement avait été installé au début du mois d’octobre par des Sahraouis qui entendaient protester contre leur marginalisation et réclamer des emplois et un logement convenable.
Onze membres des forces de sécurité et deux Saharaouis avaient été tués dans ces violences.
Quelque 200 Sahraouis ont été arrêtés par les forces de sécurité dans les jours qui ont suivi. D’autres interpellations sont intervenues en décembre.
Si la plupart des personnes arrêtées ont été remises en liberté, les 24 prévenus comparaissant le 1er février ont déjà passé deux années en détention provisoire dans la prison de Salé, à Rabat.
Amnesty International a publié en décembre 2010 un rapport élaboré à la suite d’une mission effectuée au Maroc et au Sahara occidental pour enquêter sur des allégations d’atteintes aux droits humains commises dans le cadre des événements intervenus le 8 novembre à Gdim Izik et Laayoune.
Après avoir examiné, en décembre 2011, la situation au Maroc, le Comité des Nations unies contre la torture a estimé que le pays « devrait renforcer les mesures prises pour que des enquêtes approfondies, impartiales et efficaces soient menées rapidement sur les violences et les décès survenus à l’occasion du démantèlement du camp de Gdeim Izik, et que les responsables soient traduits en justice ». Le Maroc doit en outre « modifier sa législation afin de garantir à toutes les personnes civiles d’être jugées exclusivement par des juridictions civiles », a indiqué le Comité.
Lors de sa visite effectuée au Maroc et au Sahara occidental en septembre 2012, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Juan Méndez, a noté que les procureurs et les juges d’instruction n’ouvraient que rarement des enquêtes sur les allégations faisant état de l’utilisation de la torture dans les premières phases de l’enquête, pour obtenir des éléments de preuve ou des « aveux ».
« Le système de plaintes relatives aux allégations de torture et de mauvais traitements, à de rares exceptions près, ne semble fonctionnel qu’en droit mais pas dans la pratique », a indiqué Juan Méndez, et « cela semble également être le cas pour les enquêtes, les poursuites et peines prononcées à l’égard des auteurs. Cette lacune doit disparaître », a-t-il conclu.

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