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mardi 11 décembre 2012

Mariage des mineures au Maroc

Entre amendement et abrogation des textes de loi

Par Salma Raiss Aufaitmaroc,

Le mariage des mineurs continue de représenter une des questions juridiques et politiques les plus délicates au Maroc. Même si le nouveau Code de la famille ne l'autorise que sous certaines conditions, ce phénomène ne cesse d'interpeller. La semaine dernière, le Parti de la Justice et du Développement (PJD) a appelé à la Chambre des représentants, à un amendement des articles 20 et 21 de la Mouadawana, relatifs à la question.


L’entrée en vigueur du nouveau Code de la famille, en 2004, n’a pas impulsé la révolution sociale escomptée.
Malgré son interdiction par le nouveau Code de la famille, le mariage des mineures reste un phénomène social en nette augmentation au Maroc./DR
Malgré son interdiction par le nouveau Code de la famille,
 le mariage des mineures reste un phénomène social en nette augmentation au Maroc./DR
Ainsi, malgré le fait que l'âge minimum pour le mariage soit fixé à 18 ans et que les exceptions soient soumises à l'autorisation du juge de la famille, le phénomène du mariage des mineurs est toujours une réalité au Maroc. Il continue de prendre de l’ampleur, et d'engendrer des dégâts sociaux irrémédiables.
Ainsi, entre abrogation et amendement des articles 20 et 21 du Code de la famille relatifs au mariage des mineurs, la polémique est toujours d’actualité.
La semaine dernière, les députés du Parti de la Justice et du Développement (PJD) ont proposé, à la Chambre des représentants, un nouveau projet de loi pour l’amendement des deux articles en question. Et ce, afin de “limiter les cas de figures où le juge de la famille peut livrer son autorisation de mariage d’un mineur”.
Ainsi, les PJDistes proposent que l’âge de 16 ans et plus devienne impératif pour qu'un tribunal accepte d’étudier le cas, et que les demandes concernant les mineurs ayant moins de 16 ans soient écartées d’office.
Il s’agira également de donner un droit de veto au concerné, à savoir le mineur lui-même, qui doit annoncer son acceptation de manière claire et nette après la décision du juge et devant ce dernier, tout comme son refus peut annuler l’autorisation du tribunal.
“Les dispositions de cet article ne seront applicables que si le mineur est âgé de plus de 16 ans et qu’il a livré son acceptation franche, libre sans aucune influence parentale.”
Proposition du PJD pour l'amendement de l’article 20 du Code de la famille.
Contactée par nos soins, Khadija Rouissi, du Parti Authenticité et Modernité (PAM), nous a affirmé que son parti n’avait pas encore reçu ce nouveau projet de loi, et que, par conséquent, elle ne pouvait intervenir à son propos. Elle a cependant souligné que le PAM et l’USFP (Union Socialiste des Forces Populaires) militaient ensemble, depuis le suicide d’Amina Filali, pour l’annulation des deux articles. Amina Filali s'était suicidée en début 2011, après une décision de justice sur accord de ses parents de la marier à son violeur.
Et Rouissi d’ajouter que son parti est catégoriquement contre le mariage avant l’âge de 18 ans, comme le stipule le Code de la famille, considérant que cet acte est une exploitation des droits de l’enfant, dont la vraie place est l’école.

Les associations catégoriques
Le gouvernement a beau amender et modifier les textes de loi relatifs au mariage des mineurs, la société civile demeure unanime et rejette catégoriquement cette pratique.
“À l’échelle universelle, un enfant est toute personne âgée entre 0 et 18 ans. Tout mariage avant cet âge est considéré comme une violation de l’enfance.
Khadija Abnaou, de l’Association Marocaine des Droits Humains, jointe par nos soins.
Cette militante des droits humains appelle à une interdiction absolue de cette pratique. Insistant sur le fait qu’un enfant doit jouir de ses droits fondamentaux, aller à l’école et jouer, tout comme ses semblables.

Abnaou a également mis l’accent sur l'aspect biologique de la question. “La maturité incomplète de l’enfant et son manque d’expérience, avant l’âge de 18 ans, sont deux facteurs cruciaux que l'on doit prendre en considération pour interdire le mariage des mineurs”, explique-t-elle.
Même son de cloche chez une militante de la Fondation YTTO, qui prône pour une abolition du mariage des mineurs. “Peu importe l'âge, tant que c'est pour un moins de 18 ans, le mariage ne doit pas être scellé”, précise-t-elle.

Quelle valeur a la proposition du PJD ?
En réaction au nouveau projet de loi proposé par le PJD, cette militante s’est montrée sceptique. “Comment un mineur peut-il décider de son avenir et accepter, ou pas, de se marier?”, s’est-elle exclamée. Avant d’ajouter qu’un enfant, avant l’âge de 18 ans, n’a ni la qualification, ni l’expérience requises pour donner son accord sur un sujet aussi sérieux.
Dans son intervention, la militante est allée plus loin que l'abolition des textes de loi. Elle a appelé à ce que des sanctions soient mises en place à l’encontre de tout parent acceptant de marier son enfant, au lieu de le laisser jouir de son enfance.

Les filles mineures, principales victimes
Le mariage des mineur(e)s a connu une nette augmentation durant ces dernières années. Ainsi, le nombre des cas de mariage des filles mineures est passé de 29.847 en 2008 à 33.253 cas en 2009 pour atteindre 41.098 cas en 2010, selon des chiffres révélés par le ministère de la Justice.
Si la “Moudawana” autorise le mariage des mineurs dans des cas exceptionnels, ces dernières années, plus de 90% des demandes de mariages précoces ont été acceptés et 8% seulement rejetées.
Pour le moment, il existe donc un réel problème dans l’application et l'interprétation du texte. La non-limitation d’un âge minimum de mariage des mineurs dans les cas exceptionnels, ainsi que les contraintes sociales et économiques, notamment la pauvreté, sont autant de facteurs qui influent sur la décision des juges.


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