Rabat, capitale du Maroc. |
Bousculé, mais relativement épargné par les
soulèvements du monde
arabe, le Maroc n'en est pas moins aujourd'hui menacé par une grave
crise économique et sociale.
Des notes alarmistes sont parties ces
dernières semaines des chancelleries étrangères. L'une d'elle souligne "l'impatience, voire l'exaspération, (...)
dans la population, dont une grande partie souffre de déficits sociaux
prononcés en matière d'habitat, d'accès à la santé, de protection
sociale, de pouvoir d'achat...". Et d'ajouter : "La question de l'emploi des jeunes est ici, comme dans les autres pays de la région, une véritable bombe à retardement." Selon la Banque mondiale, le taux de chômage des jeunes atteindrait 30 %
Touché de plein fouet par la crise de la zone euro, le Maroc subit
une nette dégradation de son économie. Jeudi 11 octobre, l'agence de
notation Standard & Poor's a modifié en "négative" la
perspective de la note de la dette à long terme du pays (BBB-),
indiquant qu'elle pourrait l'abaisser si le royaume ne réduisait pas ses
déficits et s'inquiétant également de possibles troubles sociaux. "Si
le chômage reste obstinément élevé, si le coût de la vie monte en
flèche, ou si les réformes politiques déçoivent les attentes de la
population, il y a un risque de troubles durables et à grande échelle", note l'agence.
Le 8 octobre, invité du Forum mondial de la démocratie qui s'est tenu
à Strasbourg, le premier ministre marocain, Abdelillah Benkirane, s'est
fait l'écho des difficultés que son gouvernement rencontre. "Chez
vous, les gens forts ont beaucoup, et les autres un peu. Chez nous, les
gens forts ont tout, presque plus que les vôtres, mais ceux qui n'ont
rien, ils n'ont rien, a-t-il déclaré. Quand il n'y a pas d'équilibre, ça finit par exploser."
Interpellant les Européens, le chef du gouvernement islamiste marocain les a exhortés à se comporter en "partenaires honorables". "Chaque fois qu'il y a un petit son de cloche de grève, vous repartez, a-t-il lancé. Si
vous êtes venus chez nous quand ça marchait bien, nous serions très
confortés de vous voir rester avec nous, même si ça marche très mal !"
En quête d'investissements, le roi Mohammed VI devrait lui-même se
rendre sous peu dans les monarchies du Golfe, au Koweït, mais aussi en
Arabie saoudite, dans les Emirats arabes unis, ou au Qatar. Le Maroc
souhaite réduire son déficit à 4,8 % du PIB en 2013 contre 6,1 % en
2011, mais les perspectives de croissance (inférieure à 3 % en 2012) ont
été revues à la baisse et, pour faire face à l'urgence, le gouvernement
a débloqué, fin septembre, une enveloppe de 90 millions d'euros pour
subventionner le prix du pain, quelques semaines après avoir dû démentir
des rumeurs d'augmentation. Au même moment, la Banque mondiale a lancé
un programme d'appui de 300 millions de dollars (230 millions d'euros)
en faveur d'un projet visant à réduire la pauvreté au Maroc.
Êtes-vous pleinement heureux ? A cette question, sept Marocains sur
dix ont répondu "non", selon une étude inédite rendue publique le 1er octobre par le Haut Commissariat au plan (HCP), un organisme officiel. "Près de deux Marocains occupés sur trois sont peu, ou pas, satisfaits de leur revenu du travail", relève cette étude. Un taux d'insatisfaction qui monte à 74 % en milieu rural.
Près d'un an après leur victoire électorale, en novembre 2011, les
islamistes du Parti justice et développement (PJD), qui dirige désormais
et pour la première fois le gouvernement, sont ainsi confrontés à une
situation délicate. Engagés dans une sorte de cohabitation plus ou moins
sereine avec le Palais, ils doivent faire face à des critiques
grandissantes sur l'immobilisme de l'Etat en matière de réformes
sociales et de lutte contre la corruption.
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