par le Comité Soutien Amdh Québec, 25/10/2012
Selon
les chiffres officiels, en juillet 2011, les Marocains ont voté à 98%
en faveur de la nouvelle Constitution. Une Loi fondamentale rédigée en
trois mois par une équipe choisie avec soin par le roi Mohamed VI. Elle
n’a été l’objet d’aucun débat public. Le discours royal du 9 mars en
avait tracé la feuille de route et convaincu de nombreux Marocains
optimistes de l’avènement d’un tournant démocratique sans précédent.
La
mobilisation d’une large partie des Marocains contre un contrat, qui
risque d’hypothéquer l’avenir de plusieurs générations, a montré que
l’unanimité voulue de rigueur n’était que de façade. C’est à l’ombre des
révoltes que connaît le monde arabe que ces Marocains ont continué à
scander, à cor et à cri, le besoin de vraies réformes politiques,
sociales et économiques. Le pouvoir a quant à lui choisi de gagner du
temps en pointant du doigt le malaise d’une évolution incertaine chez
les pays voisins. Il s’est servi des médias pour discréditer la seule
opposition au Maroc: le Mouvement du 20 février. Un mouvement social
populaire qui a montré sa capacité à organiser simultanément des
manifestations pacifiques dans plus de 140 villes et villages au Maroc.
Et ce, malgré les campagnes répressives d’intimidation du régime
autoritaire en place.
Un an après l’adoption de la Constitution,
force est de constater un ralentissement incontestable du progrès. Le
bulletin des indicateurs de développement affiche toujours des mauvaises
notes (amélioration du revenu, analphabétisme, emploi, justice, santé,
etc.) Sur le plan politique, malgré l’arrivée des islamistes au
gouvernement, la nature et le fonctionnement du pouvoir sont restés les
mêmes, et malgré l’idée fixe du maintien d’une paix sociale
hypothétique, l’éventualité d’une crise aigüe est toujours présente.
Dans
le domaine des droits humains, l’État marocain hésite toujours quant à
la ratification de nombreuses chartes et conventions, avec en tête la
Convention de Rome sur la Cour pénale internationale et les deux
protocoles relatifs au Pacte international relatif aux droits civils et
politiques. Bien que la nouvelle Constitution apporte quelques
améliorations au niveau des droits fondamentaux, le déficit sur le plan
des valeurs humanistes va continuer à remettre en cause sa compatibilité
avec les engagements pris:
- La primauté des conventions internationales des droits humains sera toujours fortement entravée dès que celles-ci entreront en conflit avec les constantes culturelles traditionnelles locales. La Constitution manque de clarté et n’offre pas de garanties quant à la mise en application de ces droits, et ce malgré les engagements.
- La Déclaration universelle des droits humains stipule que la liberté de culte doit être respectée par les États pour tous les citoyens. La ‘‘nouvelle’’ Constitution est un blocage de l’État de droit tant que le pouvoir religieux est instrumentalisé par le pouvoir politique.
- La ‘‘nouvelle’’ Constitution confirme, comme par le passé, un Roi suprême en possession de tous les pouvoirs. Les avancées démocratiques seront donc difficiles à réaliser à cause des contradictions et de la structure autoritariste toujours maintenues.
Sur
le terrain des applications, la mise en œuvre des engagements de l’État
brille par l’absence de volonté politique quant à la protection et le
respect des droits humains. Les attentes des ONG et autres associations
des droits humains sont d’ailleurs à bout de souffle. Le dernier rapport
de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) affirme une
régression manifeste des libertés et constate pour 2011 un nombre plus
élevé des violations des droits humains. Ce rapport permet de nous
renseigner sur les vraies orientations des autorités de l’État et les
directives appliquées par elles. Il permet également de contredire la
désinformation utilisée par les médias officiels qui informent l’opinion
publique nationale et internationale.
S’agissant de
l’exercice du droit d’expression dans des rassemblements ou des
manifestations pacifiques, contrairement aux conventions internationales
et à la législation locale, la violation de ce droit par les autorités
marocaines est devenue monnaie courante. La répression est soutenue par
tous les moyens directs et indirects, psychiques ou physiques. Les
autorités répressives n’hésitent nullement à porter atteinte au droit à
la vie et à la sécurité personnelle des hommes, femmes, enfants et
personnes âgées. Les atteintes les plus graves sont infligées aux
membres du Mouvement du 20 février dès leur arrestation par les
patrouilles de police, au cours de la garde à vue, dans les prisons et
même dans les hôpitaux.
Concernant la liberté de la presse
écrite ou audiovisuelle, le même rapport a relevé plusieurs violations à
l’exercice de ce droit: interdictions de publication, recours à
différents types d’intimidation à l’encontre des journalistes, sans
hésiter à prononcer des jugements injustes contre ces derniers et
suppression de tout avis qui s’opposerait au discours officiel dans les
émissions de radio et de télévision.
Finalement, les
revendications légitimes du Mouvement du 20 février pour la démocratie,
la liberté, la dignité, l’autonomie et l’intégrité de la justice, la fin
du despotisme et de la dépravation sont loin d’être exaucées. En effet,
les autorités marocaines usent de moyens répressifs utilisés à
l'encontre des actions pacifiques des masses populaires et n’hésitent
pas non plus à se servir du système judiciaire pour mettre en place des
procès fallacieux, où souvent les conditions élémentaires d’une justice
équitable sont absentes. Puisque de la manière de rendre justice découle
la confiance, il ne serait donc pas étonnant de voir une grande partie
des Marocains perdre toute confiance dans un pouvoir judiciaire affilié
et nébuleux.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire