Malala Yousufzai est un symbole de la lutte contre l’extrémisme
islamiste au Pakistan. Elle a également lutté pour les droits des
enfants et le droit des filles à l'éducation. Pour faire taire cette
adolescente, le mouvement des talibans pakistanais (TTP) a tenté de
l’assassiner. Mais au lieu de s'attirer les faveurs de la population des
zones tribales du Nord-Ouest du pays, il a suscité, à son corps
défendant, la sympathie populaire à l'endroit de sa jeune victime.
À l’instar de ce qui se passe dans le reste du Pakistan, la situation
dans les zones tribales est instable. La guerre en Afghanistan depuis
2001, l’installation de membres du réseau terroriste international
Al-Qaïda dans des zones tribales difficiles d’accès et le programme
d’assassinats ciblés, à l’aide de drones américain, de dirigeants
jihadistes des deux côtés de la frontière, l'incurie du gouvernement
d'Islamabad et la corruption endémique localement n’ont rien arrangé à
cette situation. Les alliés d’Al-Qaïda au sein du Tehrik-e-Taliban
Pakistan (TTP, Mouvement des talibans du Pakistan) ont cherché à mettre à
profit cette situation pour imposer par la force leur agenda
ultraconservateur à des populations des zones tombées sous leur férule.
Et à faire taire toute voix qui oserait leur résister.
Une rose lumineuse dans le désert taliban à Swat
Malala Yousufzai est une adolescente pakistanaise de la ville de Mingora (province de Swat). Elle est née en 1998.
Elle s’est fait connaître dans son pays et à travers le monde en 2009,
alors qu’elle n’avait que 11 ans! À l’époque, elle publiait un blog,
''Le Journal d'une écolière pakistanaise'', hébergé sur le site en
ourdou de la BBC, sous un pseudonyme: Gul Makai. Elle y décrivait les
violences commises par le TTP dans la vallée de Swat pour faire taire
leurs opposants et empêcher les petites filles d’aller à l’école. Également, elle y plaidait en faveur des droits des filles à
l’éducation.
En guise de reconnaissance de son combat pacifique en faveur des droits
de la personne dans sa région, le gouvernement pakistanais lui a
décerné en 2011 la plus haute distinction civile du pays: le ''Prix
national pour la paix''. Elle est son premier récipiendaire. L’aura de
cette figure de proue du droit des enfants a traversé les frontières de
son pays au point où on a proposé son nom à la fondation hollandaise
Kids Rights pour figurer sur la liste des enfants candidats à son ''Prix
international des enfants pour la paix''. Même si elle n’a pas remporté
ce prix, le fait de figurer sur cette liste est en soi une
reconnaissance internationale de l’importance de son combat pacifique en
faveur des droits des enfants.
Tentative d’assassinat de la jeune icône nationale
Le 9 octobre, le TTP a mis ses menaces de mort à exécution. Des assaillants talibans ont essayé d’assassiner l’adolescente.
Pour justifier son geste terroriste, le TTP a tenté de dresser d’elle
un portrait des plus négatifs dans un pays comme le Pakistan où le
sentiment antiaméricain est très répandu. À en croire son porte-parole,
Ehsanullah Ehsan, elle aurait «un esprit laïc, pro-Occident,
anti-Talibans» et pour ne rien arranger à son affaire, toujours selon M.
Ehsan, elle disait que le président américain «était son idole» (Cf.
dépêche de l’AFP, 9 octobre 2012). Mais, depuis quand le fait d'exprimer
une opinion n'allant pas dans le sens voulu, côté TTP, donnait à
celui-ci le droit d'éliminer le ''fautif''?
Mais cette tentative grossière de communication a tourné court. Au lieu
d’obtenir l’assentiment de la population à son geste extrême, le TTP
s’est attiré la colère de larges secteurs de la population à Swat et
ailleurs au Pakistan. C'est pourquoi plusieurs manifestations se sont
déroulées spontanément dans plusieurs villes pour dénoncer le TTP et
prier pour la survie de la victime. Aussi, plusieurs réseaux sociaux ont
vu le jour en signe de solidarité avec la jeune bloggeuse, dont un a
l'appui de 47 235 fans.
Le président Asif Ali Zardari ainsi que le chef d’état-major des forces
armées, le général Ashfaq Parvez Kayani, ont eux aussi condamné la
tentative d’assassinat. Aussi, une cinquantaine d’Oulémas (savants
religieux) ont considéré le geste taliban comme non-islamique. Ce qui
revient à lui retirer toute caution religieuse.
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Qu’elle survive avec ou sans séquelles, la vie de Malala ne sera plus
la même. Aussi, le quotidien de la famille Yousufzai sera
irrémédiablement bouleversé. Dans un pays comme le Pakistan,
l’adolescente ne sera en sécurité nulle part. En cas de rétablissement,
le mieux qu’elle puisse faire à court terme est de se réfugier à
l’étranger, loin du Pakistan, le temps de digérer le choc de l'agression
et poursuivre ses études. Quitte à retourner plus tard dans son pays
pour participer à son développement.
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