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dimanche 14 février 2010

MAROC • Le cauchemar des enfants d’islamistes

Ils ont en commun de vivre dans un bidonville et d’avoir un père incarcéré pour terrorisme. Humiliés et rejetés par la société, ils vivent avec la haine chevillée au corps.
Par Hicham Bennani, Le Journal hebdomadaire,11/2/2010
Les enfants du bidonville des carrières Thomas, en périphérie de Casablanca, vivent dans des conditions précaires. Mais, pour certains, la vie est plus dure que pour d’autres. En ce lieu qu’on appelle Kariane Toma, un grand nombre de présumés terroristes ont été arrêtés par la police, après les attentats de Casablanca du 16 mai 2003.
Selma Mouhim avait 5 ans lorsque son père, Abdelhak, a été arrêté à son domicile, puis condamné à trente ans de prison ferme. “Je m’en souviens comme si c’était hier”, témoigne la jeune fille aujourd’hui âgée de 12 ans. “Une vingtaine d’hommes en civil ont pénétré par la force dans la maison. En nous injuriant, ils nous ont demandé où était mon père. L’un d’eux m’a violemment frappée à la jambe.” 
Selma a continué de se rendre à l’école. “Les premiers mois, mes camarades m’insultaient et me traitaient de fille de terroriste, raconte-t-elle. Une institutrice m’a aussi reproché de porter le voile. On me disait : ‘Comment se fait-il que tu aies de très bonnes notes alors que tu es fille de terroriste ? Tu ne le mérites pas !’ Lorsque je rentre à la maison, je me réfugie dans le travail et je pleure. Je veux que l’innocence de mon père soit reconnue par la justice.”
Pour acheter leurs livres et leur matériel scolaire, les enfants de ceux qui ont été incarcérés après les attentats de Casablanca font avec les moyens du bord, car leurs familles ne perçoivent aucune aide. Et personne n’a le droit de leur porter assistance. “Nous sommes surveillés en permanence, les voisins sont solidaires, mais on leur passerait les menottes s’ils nous donnaient quoi que ce soit”, assure Khamissa Rtimi, sœur d’Abderazak Karaoui, condamné à trente ans de prison ferme. Sous prétexte que ces enfants sont “fils de terroristes”, ils ne bénéficient pas des mêmes avantages, déplore aussi Khamissa Rtimi. “Avant les attentats, la préfecture nous convoquait régulièrement pour nous donner de la nourriture, assure-­t-elle. Mais, depuis les condamnations, nous n’en bénéficions plus alors que nous faisons partie des habitants des bidonvilles les plus défavorisés du pays.” Naïma Karaoui habite aussi à Kariane Toma. Elle est l’épouse d’Abderazak Karaoui, qui purge sa peine à la prison de Kénitra. Cette femme de 50 ans est mère de sept enfants. L’un d’eux, Othman, 22 ans, a arrêté ses études. “Une enseignante le traitait d’enfant de terroriste. Il était pénalisé dans ses notes et ne supportait pas le regard de ses camarades”, raconte-t-elle.
“A l’entrée de la prison, une de mes filles a été dénudée dans une petite pièce et fouillée, assure Khamissa Rtimi. Les enfants sont traumatisés par la police. Ils ne peuvent pas voir un policier sans changer de trottoir.” 
“Un petit garçon dont je ne vous dirai pas le nom nous a dit : ‘Quand je serai grand, ma mission sera de tuer les policiers pour me venger !’” atteste Naïma Najari, mère d’Abdel­aziz Chafai, condamné à trente ans de prison. “Nos enfants ne peuvent que devenir des voyous, des terroristes et maudire l’Etat, vu ce que l’on nous inflige”, conclut Naïma Karaoui.
Rachid Mesli, directeur juridique du Forum Al-Karama, association de défense des droits de l’homme dans les pays arabes installée à Genève, partage cet avis. D’après lui, la situation concernant les enfants dont les pères sont incarcérés pour des liens avec des organisations terroristes serait la même dans tout le monde arabe. “Lorsque le principal soutien de famille est arrêté et détenu, les familles sont systématiquement marginalisées. Cela a des conséquences sur la situation matérielle de ces familles et engendre de graves problèmes pour la société”, constate Rachid Mesli, qui explique qu’une fois devenus adultes les enfants suivent les traces de leur père. Pour Fatiha Mejjati, veuve de Karim Mejjati, soupçonné d’être l’un des organisateurs des attentats de Madrid, tous ces enfants restés sans père sont de véritables “bombes à ­retardement”.

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