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mardi 15 décembre 2009

Trois poids, trois mesures

Par L'Expression Edition OnLine - 14 /12/ 2009

«Quelle différence cela fait-il aux morts, aux orphelins et aux sans-abri que la destruction aveugle ait été amenée au nom du totalitarisme ou au nom sacré de la liberté et de la démocratie?» «Il y a beaucoup de causes pour lesquelles je suis prêt à mourir mais aucune cause pour laquelle je suis prêt à tuer.»
Le Mahatma Gandhi
Barack Obama a reçu officiellement, ce 10 décembre 2009 à Oslo, son prix Nobel de la paix. Empêtré dans deux conflits en Irak et en Afghanistan, il est néanmoins distingué par l’académie norvégienne du prix Nobel. C’est, dit-on, une héroïque infirmière militaire britannique, qui convainquit Alfred Nobel de créer un prix de la paix pour compenser le mal fait par la dynamite dont il était l’inventeur. Or, parmi les lauréats qui ont reçu le prix depuis sa création, en 1901, quelques-uns ne s’étaient pas montrés particulièrement rétifs à l’utilisation militaire des explosifs. À commencer par le président américain Théodore Roosevelt, prix Nobel en 1906 qui, en dépit de son aimable sobriquet de «Teddy», était un militariste avéré, de même que certains en vrac: l’Egyptien Anouar al-Sadate, l’Israélien Menahem Begin, le Palestinien Yasser Arafat, l’Américain Henry Kissinger, ou encore le Vietnamien Le Duc Tho, qui devait, lui, prudemment le décliner. Avec 21 prix Nobel de la Paix à ce jour, les Etats-Unis détiennent le record du genre, devant le Royaume-Uni et la France. Mais de Jimmy Carter à Barack Obama, Washington aura initié nombre d’opérations militaires dans le monde entier, parfois comme en Irak, sans motifs justifiables a posteriori. Les archives du comité Nobel s’ouvrant au bout de 50 ans, on connaît maintenant les finalistes auxquels le prix a échappé dans la dernière évaluation. Ainsi Adolph Hitler a-t-il été proposé en 1939, Mussolini en 1935 et Staline par deux fois, en 1945 et 1948.(…)
Le Nobel de la paix au pays de la guerre.
Relevant l’ironie qu’un président d’un pays «au milieu de deux guerres» reçoive le Nobel de la paix, le démocrate a souligné «la dure vérité qui veut que les conflits armés ne seront pas éradiqués de notre vivant». «Dire vouloir la paix ne suffit pas à l’obtenir», a asséné le président américain, ancien professeur de droit . (…)
Obama a défendu le concept de «guerre juste». Il se prend pour saint Thomas qui, dans «La Somme Théologique», définit les principes d’une guerre juste: «Si la paix est l’objectif, la guerre est parfois justifiée», a-t-il insisté. «Avec le sang de nos citoyens nous avons œuvré à un monde plus juste de l’Allemagne à la Corée. Nous avons amené la démocratie dans les Balkans. Nous n’agissons pas par intérêt mais nous voulons un avenir meilleur pour nos enfants.» «Même confronté à un adversaire qui ne respecte aucune règle, les Etats-Unis doivent rester la référence en matière de respect du droit dans la conduite de la guerre.» (…)
On l’aura compris: Obama étend sa guerre juste à l’Afghanistan et au Pakistan. «Il y a une semaine, écrit Barry Grey dans son discours de l’Ecole militaire de West Point, le président Obama cherchait à présenter son escalade de la guerre en Afghanistan comme un prélude à un retrait rapide des troupes américaines. Il est de plus en plus clair aujourd’hui que ce discours n’était rien de moins qu’un exercice visant à tromper la population. (…)
Pourquoi Gandhi n’a jamais eu le Nobel?
«À vrai dire, on ne sait ce qui doit le plus surprendre: l’attribution d’une si prestigieuse distinction à Barack Obama, la mise en scène grotesque qui l’accompagne, ou encore la méthode utilisée pour corrompre le jury et détourner ce prix de sa vocation initiale. (...) Ainsi, Barack Obama aurait été le plus méritant des militants de la paix en 2008 et n’aurait commis aucune atteinte majeure au droit international en 2009. Sans parler des personnes toujours détenues à Guantanamo et Bagram, ni des Afghans et des Irakiens confrontés à une occupation étrangère, qu’en pensent les Honduriens écrasés par une dictature militaire ou les Pakistanais dont le pays est devenu la nouvelle cible de l’Empire?» Il faut lire l’article de Thierry Meyssan pour comprendre les liens de l’administration avec le Comité Nobel, on ne sera pas alors surpris de cette attribution comme l’est Obama qui a beaucoup travaillé au Ghana avec le président du Comité Nobel...
Que penser alors de la politique de Obama si l’on se réfère à la non-violence de Gandhi qui a perturbé l’Occident au point de ne pas lui attribuer le prix Nobel? «Dès que nous perdons la base morale, écrit Gandhi, nous cessons d’être religieux.» «Les paroles de Mahomet sont un trésor de sagesse, pas seulement pour les musulmans mais pour l’humanité entière.» «Je suis hindouiste, je suis aussi un chrétien, un musulman, un bouddhiste et un juif.» (…)
Gandhi pouvait admirer les avancées technologiques et le bien-être économique que donnait la civilisation occidentale moderne, mais pointait également ses lacunes et les nouveaux risques et besoins qu’elle apportait à l’individu.(…). Pour lui, ce type de civilisation est sans issue: «Cette civilisation est telle que l’on a juste à être patient et elle s’autodétruira.» (…)

Si le conflit du Sahara occidental intéressait l’Occident, si Aminatou Haïdar était chrétienne, toutes les foudres du monde s’abattraient sur le royaume chérifien. La militante des droits de l’homme, qui eut plusieurs distinctions, a été persécutée et réprimée par les autorités marocaines à plusieurs reprises. En 1987, alors âgée de 21 ans, elle a participé à une manifestation dont le but était de demander l’organisation d’un référendum pour l’indépendance du Sahara. Elle a alors été mise en détention dans la prison pour une durée de 4 ans. En 2005, elle a été condamnée par la justice marocaine à un séjour de 7 mois dans une prison à Laâyoune. Pour les indépendantistes du Polisario, cette femme de 42 ans est «la Gandhi sahraouie». Une chose est sûre: Aminatou Haïdar, refoulée sans ménagement le 13 novembre de l’aéroport de Laâyoune - ville où elle habite avec ses deux enfants - en direction des îles Canaries, et, depuis, déclarée persona non grata au Maroc, est une militante déterminée.(...) La militante sahraouie est très affaiblie par ses 25 jours de grève de la faim. Elle a réaffirmé jeudi sa «revendication» de rentrer au Sahara occidental, «morte ou vivante, avec ou sans passeport», lors d’une conférence de presse à l’aéroport de Lanzarote. A l’occasion de la Journée internationale des droits de l’Homme, elle a lancé «un appel urgent en faveur des droits de mon peuple, en faveur du peuple sahraoui». Mme Haïdar «ne peut être laissée mourir à petit feu sur un territoire européen», écrit Mohamed Abdelaziz dans une lettre adressée à M.Sarkozy. En 2008, l’Afsc, (Américain Friends Service Committee) a proposé sa nomination au prix Nobel de la paix.
La lutte du peuple saharaoui est complètement escamotée au point de demeurer un conflit oublié. Il est à craindre que la militante meure et l’Occident portera à la fois dans cette mort injuste pour la paix et plus largement, une responsabilité quant aux souffrances du peuple sahraoui depuis 1975.

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