par Claudio Fava, il manifesto, 5/11/2009. Traduit par Fausto Giudice
Le tribunal de Milan qui jugeait les auteurs et complices de l’enlèvement, par la CIA, de l’imam égyptien Abou Omar, en février 2003, a rendu son verdict : les 26 agents de la CIA, jugés par contumace, ont été condamnés à des peines de 5 à 8 ans de prison, leur chef Jeff Castelli a été acquitté pour immunité diplomatique. Deux agents des services de renseignement militaires italiens, le SISMI, ont été condamnés à 3 ans de prison, tandis que l’ex-chef du SISMI, Nicolò Pollari, et son adjoint Marco Mancini ont bénéficié d’un non-lieu. Voici le commentaire de l’ex-eurodéputé Claudio Fava, qui présida une commission d’enquête du Parlement européen sur les « transferts extraordinaires de la CIA ».
La sentence était prévisible. Très italienne dans sa réticence polie, comme le furent les sentences sur le sénateur Giulio Andreotti (« c’est vrai, c’était un ami des mafieux, mais trop de temps est passé: tout est prescrit et nous restons amis comme avant).
Pourtant, c'est une sentence exemplaire : par ce qu’elle confirme et ce qu’elle admet. Elle confirme que l'imam de Milan a été enlevé par la CIA dans l'un des premières «extraordinary restitutions» (transferts extraordinaires) rocambolesques auxquelles les services usaméricains se sont exercés de manière répétées après le 11 Septembre . la condamnation de tous les agents de la CIA et la grâce accordée à leur chef pour son immunité diplomatique alléguée scellent trois ans d'enquête rigoureuse et rapide menée par le Procureur Spataro et ses services. Mais à côté de cette confirmation il y a un aveu: si Pollari et Mancini s’en sortent avec un non-lieu, ils doivent remercier tous les gouvernements qui se sont succédés dans notre pays. Bien plus : Pollari doit remercier formellement Silvio Berlusconi, Romano Prodi et Francesco Rutelli, qui, plus que d'autres, se sont personnellement engagés de faire prévaloir, sur la vérité, l’omertà d'un faux secret d'État.
Les ombres sur cette histoire sont particulièrement gênantes parce qu'elles ne racontent pas seulement un enlèvement maladroit, mais révèlent une conception dévastatrice de la lutte contre le terrorisme. Au nom de cette conception les services usaméricains et européens se sont mis en tête de dégrader les droits fondamentaux au rang de question secondaire, de jouet pour âmes candides, d’’oripeau. C’est pour cela qu’Abou Omar a été enlevé: pour soustraire un terroriste présumé aux garanties et aux principes de la justice ordinaire. Et le SISMI, en acceptant d'offrir sa collaboration servile, a balayé en quelques instants des siècles de culture et de civilisation juridique. Sur cette horreur, sur le prix politique payé, et sur les faveurs obtenues s’est ensuite abattu le couperet du secret d'État.
Nous vivons dans un pays qui a été trop souvent été offensé par ses secrets indicibles, dépossédé de toute vérité, obligé de garder le silence, de faire semblant, de ne pas comprendre. Mais jamais on n’avait trouvé, sur le besoin de nier les faits, une si parfaite harmonie entre tous les partis politiques. Comme sur la scène d'une tragédie grecque, les protagonistes ne sont plus les partis, mais le pouvoir. Ceux qui défendent l'indéfendable Pollari, défendent eux-mêmes, le privilège de mentir, de se considérer legibus solutus*. Pour une fois, n'est pas de Berlusconi que nous devons parler, mais de cette nation. Heureuse de ne pas savoir, heureuse de ne pas juger. Convaincue désormais que pour exorciser la réalité il suffit de changer de canal.
Pourtant, c'est une sentence exemplaire : par ce qu’elle confirme et ce qu’elle admet. Elle confirme que l'imam de Milan a été enlevé par la CIA dans l'un des premières «extraordinary restitutions» (transferts extraordinaires) rocambolesques auxquelles les services usaméricains se sont exercés de manière répétées après le 11 Septembre . la condamnation de tous les agents de la CIA et la grâce accordée à leur chef pour son immunité diplomatique alléguée scellent trois ans d'enquête rigoureuse et rapide menée par le Procureur Spataro et ses services. Mais à côté de cette confirmation il y a un aveu: si Pollari et Mancini s’en sortent avec un non-lieu, ils doivent remercier tous les gouvernements qui se sont succédés dans notre pays. Bien plus : Pollari doit remercier formellement Silvio Berlusconi, Romano Prodi et Francesco Rutelli, qui, plus que d'autres, se sont personnellement engagés de faire prévaloir, sur la vérité, l’omertà d'un faux secret d'État.
Les ombres sur cette histoire sont particulièrement gênantes parce qu'elles ne racontent pas seulement un enlèvement maladroit, mais révèlent une conception dévastatrice de la lutte contre le terrorisme. Au nom de cette conception les services usaméricains et européens se sont mis en tête de dégrader les droits fondamentaux au rang de question secondaire, de jouet pour âmes candides, d’’oripeau. C’est pour cela qu’Abou Omar a été enlevé: pour soustraire un terroriste présumé aux garanties et aux principes de la justice ordinaire. Et le SISMI, en acceptant d'offrir sa collaboration servile, a balayé en quelques instants des siècles de culture et de civilisation juridique. Sur cette horreur, sur le prix politique payé, et sur les faveurs obtenues s’est ensuite abattu le couperet du secret d'État.
Nous vivons dans un pays qui a été trop souvent été offensé par ses secrets indicibles, dépossédé de toute vérité, obligé de garder le silence, de faire semblant, de ne pas comprendre. Mais jamais on n’avait trouvé, sur le besoin de nier les faits, une si parfaite harmonie entre tous les partis politiques. Comme sur la scène d'une tragédie grecque, les protagonistes ne sont plus les partis, mais le pouvoir. Ceux qui défendent l'indéfendable Pollari, défendent eux-mêmes, le privilège de mentir, de se considérer legibus solutus*. Pour une fois, n'est pas de Berlusconi que nous devons parler, mais de cette nation. Heureuse de ne pas savoir, heureuse de ne pas juger. Convaincue désormais que pour exorciser la réalité il suffit de changer de canal.
* Princeps legibus solutus : le prince échappe à la loi, il est au-dessus d’elle.[NdT]
Source : il manifesto-Ombre italiane
Article original publié le 5/11/2009
Sur l’auteur
Fausto Giudice est membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, le transducteur et la source.
URL de cet article sur Tlaxcala : http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=9205&lg=fr
Article original publié le 5/11/2009
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