Version originale arabe: تقرير موريتانيا ورئاسيات 2009
Violette DAGUERRE, née en 1955 au Liban, vit en France depuis 1976; elle est docteur en psychologie et l'a enseignée. Militante des droits de l’homme depuis un quart de siècle, elle préside la Commission arabe des droits humains, qu’elle a contribué à fonder. Elle a écrit des livres, et rédigé des rapports et des articles sur des thèmes différents dont l'immigration, le confessionnalisme, la démocratie et les droits de l'homme, les groupes vulnérables, le crime d'agression et le droit à la santé.
Introduction
Suite à sa victoire à l’élection, remportée dès le premier tour, avec plus de la moitié des suffrages exprimés, le Général Mohamed Ould Abdelaziz a été investi aujourd’hui Président de la Mauritanie, dans une cérémonie marquée par une présence arabe, africaine et européenne et un boycott des pôles de l’opposition. La question qui se pose dès lors : est-ce que la République islamique de Mauritanie, qui paraît être à la croisée des chemins, se dirige vers une transition démocratique effective et un processus qui mérite de lui accorder attention et même de l’imiter, ou bien connaîtra-t-elle, après avoir été isolée sur le plan international, une aggravation de sa situation et peut-être aussi de nouveaux coups d’Etat ?
En effet, la crise politique de longue durée d’ avant l’ élection présidentielle, n’a pas pris fin après l’annonce des résultats et la proclamation de la victoire de Mohamed Ould Abdelaziz devant huit autres candidats. Ces derniers, pour plus de la moitié d’entre eux, étaient entrés dans la compétition pour la première fois et représentaient différentes tendances politiques, ethniques, régionales et idéologiques. Les malheureux candidats ont contesté les résultats de ce qu’ils ont appelé une fraude électorale pendant le déroulement de l’opération et dès sa préparation, et ils ont déclaré que la rumeur du taux des 52 % qu’a obtenu le Général Abdelaziz circulait déjà pendant la campagne électorale. Ils ont également affirmé que la fraude et la manipulation ont eu lieu même si le Conseil constitutionnel a rejeté, comme on s’y attendait, les recours présentés 48 heures seulement après l’annonce des résultats par le Ministère de l’intérieur. Des composantes de l’opposition ont affirmé avoir présenté des preuves irréfutables sur des violations inacceptables, alors que d’autres ont signalé qu’elles ne s’adresseraient pas au Conseil, puisqu’elles ne le considèrent pas comme une autorité impartiale. Car ses prises de positions ont démontré qu’il ne s’est pas conformé à la neutralité dont il devait faire preuve, en refusant le report des élections à une date ultérieure au 18 juillet. Parmi les recours qui ont été présentés, une demande pour procéder à un nouveau dépouillement des voix, et aussi pour procéder à l’examen des bulletins de vote préparés par une société installée à Londres, société proposant des services de « production de feuilles sensibles et susceptibles de s’acclimater et de fondre ».
La campagne électorale s’est déroulée donc dans une sorte de consensus basé sur l’accord de Dakar, conclu à la faveur d’interventions étrangères. Il a servi comme cadre de règlement des différends entre les différents courants et forces politiques du pays, ayant connu des fractionnements et de fortes tensions pendant une dizaine de mois après le renversement par Ould Abdelaziz de son prédécesseur. Cet accord a été parrainé par un groupe international représenté, principalement, par le Président Abdoulaye Wade, l’Union Africaine, la Ligue arabe, l’Union Européenne et les Nations Unies. Or mis à part l’intérêt que portent à la Mauritanie ses pays voisins, en particulier la Libye, le Maroc, l’Algérie et le Sénégal, le pétrole découvert il y a quelques années, ainsi que les dossiers de l’émigration et du terrorisme, ont préoccupé au plus haut niveau les États occidentaux. Surtout la France qui s’efforce de restaurer une situation qui garantisse ses intérêts, sans laisser entrer dans la scène des acteurs qui pourraient représenter une quelconque menace. D’ailleurs, certains font le lien entre la série des coups d’État survenus en Mauritanie, le nouvel intérêt international pour ce pays, et la découverte depuis 2000 d’importants gisements de pétrole à l’intérieur de ses frontières.
La France était en fait dans les coulisses de la politique mauritanienne et ne le nie pas. Elle se vante même de remettre de l’ordre. MM. Balkany et Bourgi, des proches du Président Sarkozy et de la cellule France-Afrique de l’Élysée, œuvraient, plus particulièrement, pour éviter l’isolement international d’Ould Abdelaziz, préparer sa réception à Paris, et exercer des pressions sur l’opposition afin qu’elle participe aux élections, et ce en dépit de leur préparation hâtive et de l’impact de cette précipitation sur les résultats. Bref, la légitimation du coup d’État contre l’ancien président. L’Union Européenne a pour sa part pris une position différente, en insistant sur une enquête portant sur ces rumeurs de fraude, et sur la nécessité pour les autorités mauritaniennes de reconnaître ces faits, conformément aux lois nationales et aux usages internationaux.
Quant à la commission électorale indépendante, qui a représenté à parts égales les partis proches du gouvernement et l’opposition dans une toute première expérience électorale, elle a vu son président démissionner après l’annonce des résultats et les allégations de fraude. Ces élections ont connu en fait une rude concurrence entre des candidats n’ayant pas de véritables programmes ni de références idéologiques et politiques. Et en l’absence de consensus entre les forces de l’opposition même au niveau intellectuel et idéologique, ainsi que la contribution de certaines d’entre elles à son effritement malgré un accord autour de quelques personnalités. Tout comme les sables du désert, la scène politique mauritanienne semble être en mouvement, se caractérisant par le nomadisme, sur un fond de système tribal relativement flexible et qui ne s’impose pas comme un acteur politique. Et ce, malgré un fort alignement tribal des forces soutenant les candidats sur la tribu des Ould Bessbaa d’un côté, et celles des Samassid et Id Ouali, de l’autre. En dépit de la crise politique qui a secoué le pays depuis le coup d’État de Mohamed Ould Abdelaziz contre Sidi Ould Cheikh Abdallah, la société mauritanienne paraît, globalement, conciliante. Ce qui pourrait expliquer l’absence d’affrontements sanglants, à l’image de ceux survenus en Iran, par exemple, lors d’élections dont l’impartialité a été remise en cause.
La société mauritanienne va-t-elle pour autant accepter des résultats déjà contestés et une victoire au premier tour, qui a constitué une surprise pour beaucoup, et qui laissera des interrogations en suspension ? Ou bien les attraits du pouvoir et l’intérêt pour des postes bien placés et les privilèges afférents sauront, une fois proposés, disperser les alliances et affaiblir les oppositions dans un pays dont 64 % de la population sont analphabètes et les deux tiers vivent en dessous du seuil de pauvreté ?
Sous le titre : « Est-ce que le 16ème coup d’État est en gestation ? », nous lisons dans le quotidien « Assaraj » du 14 juillet 2009, que parmi les raisons de s’inquiéter pour la stabilité du pays, « l’élection de Ould Abdelaziz est un problème et son échec est un autre, et entre les deux il y a bien d’autres problèmes.. ».
Durant ces dernières années, la Mauritanie a su donner d’elle une image d’un pays capable d’assurer la transition démocratique, à tel point que beaucoup d’intellectuels arabes n’ont pas tari d’éloges pour le pays des poètes. Image qui n’est pas forcément celle que connaissent ses ressortissants, surtout ceux qui suivent de près l’évolution de leur pays et s’interrogent sur l’avenir de leur progéniture. Les désirs et les projections font nécessairement partie de la construction imaginaire et des rêves de ceux qui vivent dans des pays connaissant des régimes qui les enferment dans une chape de plomb, avec son lot de problèmes politiques et crises successives, états d’urgence et lois d’exception.. Sinon comment expliquer que l’ancien président Ely Ould Mohamed Val, en qui beaucoup ont vu la concrétisation de la possibilité d’une transition démocratique dans un pays du Tiers monde, soit arrivé au premier tour, bien loin (avec 3 % seulement) derrière Ould Abdel Aziz, auquel personne ne prédisait une telle popularité en si peu de temps passé au pouvoir - même en restant en arrière-plan et en tant que faiseur des présidents comme on en laissait courir le bruit- ou après Massoud Ould Belkheir (16 %) ou Ahmed Ould Daddah (13 %) ?
Rapide tour d’horizon
Pour clarifier quelque peu les contours de l’image de ce pays qui parait assez vague chez la plupart de ceux qui s’y intéressent, il nous faut brosser un rapide tour d’horizon de sa constitution (en nous appuyant sur les écrits de Mohamed Lemine Ould El Kettab, qu’il en soit remercié). La capitale Nouakchott, qui paraît aujourd’hui encombrée d’immeubles et de véhicules, n’était il y a un demi-siècle qu’un endroit parsemé d’une poignée de constructions sur le long de la route transafricaine principale n° 1 qui reliait Dakar à Alger. L’édifice principal était à cette époque-là un garage de réparation des camions qui assuraient le transport de marchandises sur cet axe routier. Et ce jusqu’au jour de 1959 où fut décidé le transfert de la capitale de la Mauritanie de Saint-Louis du Sénégal vers ce village devenu le Nouakchott d’aujourd’hui. Quelques bâtiments devaient être construits rapidement pour abriter la présidence de la République, l’Assemblée nationale et quelques ministères, avant la proclamation de la naissance de la République islamique de Mauritanie le 28 novembre 1960. Faute de locaux appropriés, les premières séances du conseil des ministres ont dû se tenir sous des tentes ; et pour relier ce pays au monde un petit aéroport devait voir le jour.
La Mauritanie, qui compte 2.8 millions d’habitants, sur une superficie de 1.030.700 km² dont 750 km de côtes, est riche en pétrole découvert récemment, de quelques minerais comme le fer ou le phosphate et des plus précieux comme l’or ou le diamant. Sa population vit des produits agricoles comme les céréales et les produits maraîchers, ainsi que de l’élevage d’animaux et de la pêche fluviale et maritime, où des centaines de milliers de tonnes de poissons sont vendus et exportés annuellement. Nouadhibou est tout particulièrement connue par sa grande variété de poissons, menacés pourtant d’épuisement du fait de l’usage de méthodes non appropriées et d’une pêche intensive. Cette wilaya est aussi connue des touristes pour ses belles plages et ses sites naturels ainsi que ses îles. Mais elle doit en même temps faire face à la rareté de l’eau potable et à l’impressionnante hausse du coût de la vie, tout comme d’autres wilayas qui doivent lutter contre la sécheresse, les invasions de criquets ou l’avancée galopante du désert.
Beaucoup reste à faire pour un pays assez étendu et très pauvre. Et ce, en dépit des transferts d’argent effectués par les Mauritaniens de l’étranger, et des fonds servant à la construction de routes, écoles, mosquées et dispensaires ; et malgré la présence de coopératives agricoles et artisanales et les projets des mécènes ou les actions des pays étrangers et des organisations humanitaires qui s’emploient dans des projets de forage de puits, d’électrification des centres urbains, de mise sur pied de projets à caractère social, d’aide au développement, d’alphabétisation et d’amélioration de la vie de la population. La Mauritanie connaît une situation très contraignante pour la majorité de sa population, et à laquelle échappe une petite minorité qui détient de grosses fortunes et parfois le pouvoir en même temps, et dilapide des devises dans des vacances à l’étranger au lieu de les faire fructifier dans le développement du pays. En dépit des grandes réformes économiques entreprises depuis 1986 et des dettes épongées, beaucoup reste à entreprendre pour faire décoller ce pays dont le revenu annuel moyen par tête d’habitant n’a pas atteint les 500 dollars US. Combativité, compétitivité, assiduité et persévérance sont des qualités qui demandent à être cultivées pour contrer la pauvreté et l’analphabétisme, construire les infrastructures et sédentariser les communautés. Pour stabiliser des populations portées au nomadisme et à la vie d’errance surtout dans les villages souffrant de conditions de vie déplorables, avec un taux de chômage dépassant, selon les chiffres officiels, les 22 %. Mais aussi les risques d’une émigration clandestine, encouragée par la faiblesse des contrôles aux frontières et les lois sur la migration et la nationalité dans lesquelles certains voient une menace pour l’équilibre démographique mauritanien.
En outre, malgré son interdiction légale, l’esclavage subsiste sous certaines formes dans la Mauritanie d’aujourd’hui, tandis que survivent les incitations au mariage précoce des filles et leur gavage forcé pour hâter leur croissance, la polygamie, les pratiques d’excision et tout ce qui compromet leur scolarisation et expose leur maternité aux dangers et leur vie maritale au divorce. Ceci malgré le fait que cette société semble donner plus de poids et d’autorité à la femme, dépassant le seuil de sa maison.
L’élection présidentielle
Alors que la plupart des observateurs parlaient d’élections déroulées dans la transparence et l'équité, peu nombreux sont ceux qui ont évoqué un ensemble d'irrégularités dans le déroulement du processus électoral. Par exemple la partialité de certains fonctionnaires impliqués dans les opérations électorales, la non-autorisation à des inscrits sur les listes électorales établies après les accords de Dakar de participer aux élections, la faiblesse de l'appareil administratif chargé des élections, les irrégularités dans les listes électorales, l'ignorance par de nombreux présidents de bureaux de vote de la réglementation et de la procédure électorales, etc. Ceux qui ont prétendu que ces manquements ne sauraient motiver la remise en question des élections, ont prétexté qu'elles ont été plus transparentes que les élections libanaises qui les ont précédées par exemple, que la corruption n'a pas été aussi flagrante, ou que les deux parties en lice ont autant participé au déroulement du processus électoral.
En revanche, des voix de l'intérieur de la Mauritanie ont regretté ”les espoirs déçus du peuple et la violation du climat qui a régné après l'accord de Dakar”, ou ”la corruption et l'achat des voix et le trafic des résultats”, de même que ”les irrégularités dans les listes établies, où la moitié seulement des inscrits lors de l'accord de Dakar l'ont été de fait”. Evoqués aussi ”les résultats à pourcentage presque égal dans les différentes wilayas qui ont voté pour Abdelaziz” ou ”les bulletins conçus de façon telle que le signe « B » devant être apposé par le votant était inscrit de la même manière hors du bureau du vote”, ou encore ”d’un taux de vote pour Abdelaziz exagérément gonflé même là où il n’y a pas eu de votes pour lui”.
De son côté, un enregistrement vidéo diffusé par le parti d'Ahmed Ould Daddah sur son site montre une opération de trafic énorme des cartes d'identité et des listes électorales. Des témoins nous ont parlé de faux électeurs ayant voté à la place des vrais lorsque ceux-ci se sont rendus aux bureaux pour élire leur candidat.
Nous avons, quant à nous, noté le 18/07/09 la présence massive de militaires à l'intérieur même des bureaux de vote, au prétexte de garantir l'ordre public. Ils étaient parfois trop proches non seulement des électeurs, mais aussi des observateurs. Certains ont voté avec leur uniforme et sans carte de vote, alors que cette carte était exigée des votants civils. Ceux qui ne l’avaient pas devaient revenir en sa possession après l’avoir extrait des listes affichées sur l’internet, ceci afin de permettre l’identification des numéros affichés sur la carte d’identité et la carte électorale. Et alors que certains bureaux étaient fort exigeants d’autres ont été plus permissifs, jusqu’à ne pas exiger de certaines personnes de signer les listes d’émargement après leur vote, ou ne pas veiller à la bonne correspondance des chiffres affichés sur les deux cartes du votant. Cela dépendait apparemment des humeurs et des appartenances politiques des présidents de bureaux, des colorations politiques des quartiers où se trouvaient les bureaux de vote, ou aussi des moments de la journée et de l’affluence des votants.
S'il est admis que cet échantillon ne saurait valoir pour le reste (sur un total de 2400 bureaux de vote qui ont géré 60% des 1 183 447 inscrits) il est sûr par contre qu'une observation de quelques minutes par bureau ne peut représenter qu'une simple photographie du moment, ne permettant pas de prétendre confirmer ou d’infirmer à coup sûr les résultats des élections. C’est sans prendre en considération tout ce qui les a précédées depuis des mois ou ce qui les a accompagnées dans la rue ou dans les coulisses. Il faut reconnaître aussi que la présence d'observateurs pousse à une certaine modification du comportement, le faussant, tout comme la personnalité de l’observateur, sa culture et ses choix politiques marquent de leur sceau l'observation. Outre le fait que l'observateur ne peut tout saisir et ne s’arrête généralement que sur certains faits parfois de forme plus que de fond et sur leur répétition.
Pour toutes ces raisons, nous sommes appelés à relativiser nos conclusions sur un prétendu processus électoral véritablement ”démocratique”, et ce même dans les pays avancés et où il y a indépendance, multipartisme, programmes électoraux ou transition démocratique. Les électeurs sont susceptibles là aussi d’être manipulés par la mobilisation des sommes d’argent mises à la disposition des candidats, interférant ainsi sur les résultats par le biais de la propagande et du tapage médiatique ou de l’usage d’autres cartes maîtresses capables de les influencer dans un sens ou un autre. Des spécialistes dans le domaine opèrent à différents niveaux notamment psychologique pour orienter les résultats. Et c’est généralement au détriment de l’électeur qui peut déchanter tôt ou tard en constatant que son vote n’a pas servi à sanctionner les moins bons et à donner leur chance à ceux qu'il croyait défendre le mieux ses intérêts. Surtout lorsque la bascule opère en défaveur de celui qui aurait du être le gagnant au vu de son bilan.
Notre but n’est pas de critiquer ou d’encenser l’un quelconque des candidats, mais de dire qu’il nous a semblé que la préparation des élections en Mauritanie s’est déroulée au pas de charge et en imposant le fait accompli. En plus, durant la période écoulée, les acteurs politiques ont témoigné de peu d'attachement et de conscience de l'État de droit et de la légalité électorale. Un certain nombre des partis et de membres de l'élite politique ont démontré un relatif égoïsme et une courte vue en ce qui concerne l'éviction du Président Ould Al Cheikh Abdallah par l'occupation du Palais présidentiel. Cet épisode a sans doute laissé des conséquences dans l'esprit des gens qui ont constaté le silence de personnalités politiques d'envergure sur un acte illégal à tout point de vue constitutionnel. Ce qui a fait que les partis politiques ont abordé la campagne électorale en rangs dispersés et en position de faiblesse, sans un candidat fédérateur et capable de contrecarrer la propagande officielle à la gloire du Général, qui était candidat à l’élection depuis son accession au pouvoir.
Conclusion
Nous concluons en confirmant que l'élection ne s'est pas déroulée dans des conditions normales de transparence et de légalité, malgré tout ce qui a été dit et ce qui peut être dit, et que les urnes n'ont pas exprimé la volonté du peuple. Ce qui risque d’être interprété comme pouvant mettre de l'huile sur le feu et rouvrir des blessures appelées à se refermer afin de préserver l'avenir. C’est un point de vue qui doit être examiné au même titre que les autres et trouver sa légitimité dans le cadre de la liberté d'expression et de la discussion démocratique critique, pacifique et constructive. Il n'est absolument pas question de jouer le rôle d'un observateur « qui n'a rien vu » et de légitimer la politique de l'autruche. Ce qui ne pourrait déboucher à long terme que sur des conflits et des tensions qui engendreraient à leur tour des violences étouffées par la répression sanglante.
Se résoudre à tourner la page avant de clarifier les choses et d’aller au fond des choses ne serait pas la bonne méthode pour celui qui entreprendrait de construire l'avenir sur des bases saines et solides. La peur de ramer à contre-courant ou la volonté de privilégier les intérêts propres ou collectifs du moment ne saurait empêcher la construction d'une opinion alternative au discours dominant. La vérité est toujours révolutionnaire, et l'on ne pourrait pas faire abstraction d’une partie du paysage. Surtout à une époque dominée par un ordre mondial barbare et des intérêts économiques transnationaux qui travaillent parfois dans l'ombre en vue de disloquer les sociétés et de multiplier les divisions, afin de faire main basse sur les potentialités des peuples et de ravir leurs volontés.
Ce qui est véritablement de première nécessité pour la construction de la démocratie, du pluralisme et des droits de l'homme en Mauritanie, c'est de dire toute la vérité au-delà de toute motivation partisane. Et si la démocratie débouche sur le progrès dont ce pays a le plus besoin pour vaincre l'ignorance, la pauvreté et le sous-développement, il ne saurait être question de progrès sans démocratie dans une société dominée encore par des valeurs tribales, souffrant de faiblesse dans la conscience civique; et ce, malgré la présence de nombreux courants politiques et de partis qui ont fleuri durant les dernières années.
Si nous espérions la formation d'un gouvernement d'unité nationale et la constitution d'un accord national général pouvant éviter les conflits et les tensions, il serait à craindre à bon droit que l'opposition ne fasse valoir ses conditions et ne se contente pas de certains portefeuilles ministériels. De même le Président proclamé refuse lui aussi cette option unitaire, se fondant sur une victoire électorale majoritaire obtenue auprès du peuple mauritanien. N'allons-nous pas dans ces conditions vers le renouvellement du spectacle qui a vu l'affrontement avec la police, les manifestations de rue et la revendication de réexamen des résultats électoraux avec toutes les tensions que cela crée? Ou bien le Président élu va-t-il tenter de calmer des esprits au lieu de mener la guerre à ses adversaires pour se concentrer sur le développement du pays, la lutte contre la corruption et le terrorisme comme il l'a affirmé, ainsi que la mise en oeuvre de son programme de restriction budgétaire, d'amélioration du revenu des couches pauvres, de lutte contre le chômage, pour affronter de nombreux défis dans un contexte régional et international particulièrement difficile?
Bien des promesses peuvent s'évanouir une fois que l'on est bien établi au pouvoir, mais gardons une note d'espoir et ne jouons pas les oiseaux de malheur prématurément.
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