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mercredi 4 novembre 2009

Intervention de la famille Ben Barka au rassemblement à Paris

Intervention de la famille de Mehdi Ben Barka
au rassemblement du 29 octobre 2009 à Paris

Par Saad Ben Barka, 29/10/2009

Remerciements à toutes celles et à tous ceux, nombreux, d’être fidèles à ce rendez-vous pour la vérité, la justice et la mémoire.
Si, année après année, nous nous retrouvons ici à Paris, et aussi à Rabat, au Maroc, dans le cadre de la « journée du disparu », c’est pour exprimer avec force :
- notre exigence que toute la lumière soit faite sur l’enlèvement et l’assassinat de Mehdi Ben Barka, il y a 44 ans, après qu’il ait été interpelé ici-même par deux policiers.
- notre dénonciation de la complicité des deux états marocain et français à continuer à protéger les auteurs et les complices de ce crime odieux, à empêcher certains témoins de s’exprimer devant la justice, usant et abusant de la raison d’Etats pour faire obstacle à l’action de la justice et pour bafouer le droit de ma famille à toute la vérité.
- notre détermination aux côtés des familles de victimes de la disparition forcée au Maroc et du mouvement des droits humains pour faire toute la lumière sur les violations passées et présentes, déterminer les responsabilités et combattre l’impunité.
- notre résolution à continuer de rendre hommage à Mehdi Ben Barka, à son action militante et à sa contribution à la lutte des peuples pour leur bien-être et leur progrès.
Aujourd’hui, plus que jamais, notre mobilisation doit être toujours plus forte pour répondre à toutes les attaques portées à la vérité, à la justice et à la mémoire.
Il y a quelques semaines, nous avons assisté à cette lamentable mascarade des mandats d’arrêts à l’encontre de responsables sécuritaires et d’anciens agents marocains. Ces mandats lancés par le juge Ramaël depuis déjà deux ans, ont été débloqués puis à nouveau bloqués par la même autorité en l’espace de 48 heures. Ce fut la manifestation la plus brutale et la plus cynique de la raison d’Etats que nous subissons depuis 44 ans.
Cette fois-ci, la décision du blocage a été française et, ne nous leurrons pas, elle n’a pu provenir que des plus hautes autorités de l’Etat.
En d’autres occasions, le blocage venait des autorités judiciaires et sécuritaires marocaines. Ainsi, les Commissions Rogatoires Internationales du juge d’instruction français pour pouvoir enquêter au Maroc sont toujours sans effet depuis 2005.
Il y a un évident partage des rôles entre les 2 Etats pour empêcher que toute la lumière soit faite et que toutes les responsabilités soient établies dans ce crime d’Etats dans lequel leurs services policiers et de renseignement sont largement impliqués, dans lequel un ministre de l’intérieur a été condamné.
Jusqu’à quand les raisons d’Etats et les complicités des 2 États continueront-elles à entraver l’action de la justice ?
Jusqu’à quand les raisons d’Etas et les complicités des 2 États continueront-elles d’ignorer et de bafouer notre légitime exigence de vérité ?
Combien de temps faudra-t-il encore attendre pour que la France et le Maroc s’honorent en lavant ce que Maurice Clavel appelait « la tache au front » ?
Nous sommes en droit d’avoir des inquiétudes quand à la réalité de la volonté politique des deux Etats à aider à la manifestation de la vérité dans une affaire d’une haute signification symbolique des relations entre la France et le Maroc.
Le blocage des mandats d’arrêt par le Parquet de Paris, appliquant une décision politique prise au plus haut niveau de l’Etat ne préfigure-t-elle pas ce qui pourrait arriver lorsqu’auront disparu les juges d’instruction du paysage judiciaire français ?
Au Maroc, le CCDH est loin d’avoir rempli tous ses engagements envers les familles de victimes de disparition forcée, conformément aux conclusions de l’IER qu’il est chargé d’appliquer. A titre d’exemple, le sort des 66 disparus dont les dossiers étaient en suspens (parmi lesquels Hocine El Manouzi) n’est toujours pas connu, certains tests ADN mettent des mois pour être réalisés, laissant des familles dans l’incertitude et dans l’impossibilité de donner une sépulture digne à leurs disparus, les excuses officielles et publiques de l’Etat marocain se font attendre, etc .... Dans le dossier de « l’Affaire Ben Barka », le président du CCDH ne souhaite qu’une chose : se dégager totalement des obligations qu’il s’est lui-même fixées.
De plus, les dernières atteintes graves à la liberté d’expression, notamment par les procès à répétition contre la presse indépendante pour l’étouffer, sont autant de signaux très alarmants sur la dégradation de l’état des droits humains dénoncée par les ONG marocaines et internationales. Je voudrais ici exprimer toute ma solidarité avec les journalistes et militants associatifs et syndicaux poursuivis et condamnés dans le cadre de procès iniques.
Que dire de ce qui nous est présenté régulièrement comme des « révélations » allant élucider le mystère de l’Affaire Ben Barka ?
Les dernières déclarations publiées juste une semaine après le scandale des mandats d’arrêt bloqués ne peuvent que nous laisser très dubitatifs sur les véritables motivations de leurs auteurs.
Ainsi, après 25 années, cette personne se rappelle soudain posséder des documents estampillés « secret » et « confidentiel » qui seraient censés résoudre l’énigme de la disparition de mon père. Les premières vérifications ont vite remis les choses à leur place : ce n’est qu’une nouvelle version parmi tant d’autres.
Par contre, ce que nous apprennent ces documents relève également de la raison d’Etats qui sévit sur tous les aspects de l’Affaire : la gendarmerie avait mené des enquêtes parallèles à celles du juge d’instruction de l’époque (M. Zollinger), à son insu et sans l’informer des résultats.
On peut poser la question : Y aurait-il ailleurs d’autres documents qui, eux, nous apporteraient vraiment du nouveau ?
Au-delà de l’aspect « dissimulation », on peut s’interroger également sur ce que peut induire ce genre d’information, qui nous rappelle l’épisode Boukhari et sa cuve d’acide.
La conclusion qu’on est censé en tirer est la suivante : puisque le corps a disparu (dissout dans de l’acide ou incinéré) il n’y a donc plus rien à chercher.
Il est temps que cela cesse !
Il est temps que le juge d’instruction puisse accéder à tous les documents relatifs à ce crime qui seraient encore dans tous les services français, sans attendre que tel ou tel témoin les rende publics, au hasard des prises de conscience ou des opportunités médiatiques.
Ce qui est troublant est que ces informations interviennent chaque fois au moment où la justice s’approche d’éléments sensibles qui pourraient vraiment nous rapprocher de la vérité : Boukhari s’était manifesté quand la présence des truands français au Maroc était confirmée et que le juge d’instruction français demandait des fouilles dans le PF3, lieu de détention secret des services spéciaux marocains. Les dernières pseudo-révélations sont rendues publiques lorsque s’est posé de manière pressante le problème du témoignage-clé de personnes détenant réellement des éléments de vérité.
Ce combat pour la vérité s’accompagne en permanence d’un combat pour la préservation de la mémoire.
Aussi bien l’image de Mehdi Ben Barka que sa pensée et son action politique ont été constamment la cible de ses adversaires et ennemis politiques.
Parce que la raison des états impliqués dans le crime n’a pas pu empêcher la poursuite du combat judiciaire pour la vérité, on s’attaque directement à la victime, essayant de salir sa mémoire, l’accusant créant la confusion dans l’esprit du public.
C’est pourquoi le combat pour la vérité, la justice et la mémoire continue. Nous le menons avec ma famille, notre avocat Me Maurice Buttin et avec vous, associations, syndicats, partis et aussi citoyens dont le soutien est aussi précieux pour nous qu’il est dérangeant pour ceux qui voudraient bien enterrer définitivement ce dossier.

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