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vendredi 29 mai 2015

Maroc : Tracasseries contre un journaliste satirique


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Le gouvernement marocain tenterait-il d’empêcher un journaliste de lancer deux nouveaux journaux satiriques en le privant de ses papiers ? C’est ce qu’affirme Ali Lmrabet, journaliste marocain, dans le collimateur du régime depuis de nombreuses années. Dans les médias français, son témoignage, publié dans la section « invités » du site Mediapart, n’intéresse personne.

« Ces gens-là sont capables de me faire devenir un sans-papier marocain dans le seul but de m’empêcher de relancer mes journaux« . De qui parle donc Ali Lmrabet, contacté cet après-midi par @si ? Du gouvernement marocain, qui en 2005, l’avait déjà condamné à l’interdiction de la profession de journaliste au Maroc pendant dix ans et qui, aujourd’hui, refuse de lui délivrer un certificat de résidence qui lui permettrait de relancer deux journaux satiriques.
L’histoire commence, ou plutôt recommence, le 11 avril 2015. Ce jour-là, le journaliste annonce son retour. « Aujourd’hui se termine ma peine. Je vais maintenant relancer mes journaux, avec d’autres noms» . Pour succéder à Demain Magazine et Doumane, deux journaux satiriques, le premier en français, le second en arabe, le journaliste avait même déjà un nom : Après-demain, sur les conseils avisés de Cabu, dessinateur de Charlie Hebdoassassiné le 7 janvier dernier par les frères Kouachi. Seul problème : pour lancer ses journaux, Lmrabet a besoin d’un passeport valable, et le sien expire le 24 juin 2015.
Le journaliste se rend donc au commissariat afin de demander un certificat de résidence, document indispensable à la demande d’un nouveau passeport. Il l’obtient rapidement mais le lendemain le commissaire le rappelle : « Il faut me rendre ce certificat. Sinon, je suis foutu. On m’a menacé de graves sanctions disciplinaires« . Motif invoqué ? « Votre belle-mère a déclaré verbalement que vous n’habitez pas sur place ». Réponse du journaliste, qui rend dans la foulée son certificat à la police en présence d’un avocat et d’un huissier de justice : « Ils ont prêté des propos à ma belle-mère qu’elle n’avait jamais tenus, pour justifier le fait de ne pas me délivrer de certificat de résidence« . Et depuis ? L’association marocaine des droits humains a écrit au chef du gouvernement marocain, au ministre de l’intérieur, au ministre de la justice, au délégué interministériel aux droits de l’homme et au président du Conseil national des droits de l’homme au Maroc, mais pas de réponse.
Huit mois de prison ferme et deux grèves de la faim
Ce n’est pas la première fois qu’Ali Lmrabet est dans le viseur du gouvernement marocain. En 2003, le journaliste avait été condamné à quatre ans de prison ferme (la peine avait été ramenée à trois ans après appel) après avoir publié un article sur le budget royal, prétendant qu’il était vingt-sept fois supérieur à son homologue espagnol. Une peine qui avait inspiré à Charb, dessinateur de Charlie Hebdo, le dessin suivant :
Charb Lmrabet
Le journaliste sort finalement de prison après huit mois et deux grèves de la faim, après avoir été gracié par le roi Mohammed VI sans l’avoir demandé.
En 2005, le journaliste est à nouveau condamné, mais cette fois-ci à dix ans d’interdiction d’exercer sa profession. Raison invoquée ? Avoir déclaré, dans un journal qui n’est pas le sien, que les réfugiés sahraouis des camps de réfugiés de Tindouf, en Algérie, étaient des « réfugiés » et non des « séquestrés du Front Polisario » comme préfère l’entendre le gouvernement marocain.
Afin d’alerter les médias français sur sa situation, le journaliste a publié, le 15 mai dernier, un texte dans la partie « invités » du site Mediapart. Comment explique-t-il que, près de quinze jours plus tard, aucun média français n’ait repris son témoignage (alors qu’à l’étranger, le site américain Newsweek s’est penché sur le sujet) ? « On s’intéresserait beaucoup plus à moi si j’étais algérien, c’est beaucoup plus facile pour la presse française, au regard des bonnes relations de son gouvernement avec le roi du Maroc, de taper sur l’Algérie que sur le Maroc« , estime le journaliste.

Robin Andraca
Source : Arrêt sur images
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