The
Responsibility of the UN Security Council in the Case of Western Sahara
Hans Corell, VO ici. Traduction en Français non officielle.
Par: Hans
Corell, ancien sous-secrétaire général adjoint aux affaires juridiques et
Conseiller juridique des Nations Unies, 24/2/2015
À la
demande du Conseil de sécurité des Nations Unies, j’ai produit le 29 janvier
2002 un avis juridique au Conseil relatif au Sahara Occidental. Je l’ai fait en
ma qualité de Conseiller juridique de l'ONU de l'époque. L'avis concerne la
légalité dans le contexte du droit international des mesures prises par les
autorités marocaines concernant l'offre et la signature de contrats avec des
sociétés étrangères pour l'exploration des ressources minérales au Sahara
Occidental. Ma conclusion était que, si des activités d'exploration et
d'exploitation devaient être entreprises au mépris des intérêts et des souhaits
du peuple du Sahara Occidental, elles le seraient en violation des principes du
droit international applicables aux activités sur les ressources minérales dans
les Territoires non autonomes.
C’était il
y a 13 ans. Depuis, j’ai suivi à distance l’évolution au Sahara Occidental,
notamment en raison de l’accord de pêche conclu entre l'Union européenne (UE)
et le Maroc en 2007 et des protocoles de cet accord. À mon avis cet accord
n’est pas conforme au droit international dans la mesure où il concerne le
Sahara Occidental.
Début
décembre 2014, j’ai été invité à participer à un atelier international sur
« L'approche de l'Union européenne envers le Sahara Occidental »,
organisé par l'Université de Bologne dans le cadre de la présidence italienne
de l'Union Européenne. Cela m'a fait à nouveau me pencher de plus près sur la
situation dans la région. Je me suis concentré en particulier sur la question
de savoir si la Mission des Nations Unies pour le Référendum au Sahara
Occidental (MINURSO), le Secrétaire général et son Envoyé personnel,
l'ambassadeur Christopher Ross, avait fait un quelconque progrès vers une
solution à la situation au Sahara Occidental. Dans ce contexte j’ai noté le
conflit évident entre la dernière résolution du Conseil de Sécurité sur le
Sahara Occidental et l'attitude affichée dans un discours à la nation prononcé
le 6 novembre 2014 par le roi Mohammed VI du Maroc. Cela m'a fait réaliser que
la situation était très préoccupante.
Dans cette
résolution (S/RES/2152/2014 du 29 avril 2014) le Conseil de sécurité "demande
aux parties de
poursuivre les négociations sous les auspices du Secrétaire général, sans
conditions préalables et de bonne foi, - - - en vue de parvenir à une solution
politique juste, durable et mutuellement acceptable qui pourvoie à
l’autodétermination du peuple du Sahara occidental dans le contexte
d’arrangements conformes aux buts et principes énoncés dans la Charte des
Nations Unies, et prend note du
rôle et des responsabilités des parties à cet égard".
Dans son
discours, le roi dit que la nation «célèbre fièrement le trente-neuvième
anniversaire de la Marche verte". [Note de la rédaction: La Marche verte a
été "en novembre 1975, une manifestation stratégique de masse coordonnée
par le gouvernement marocain, pour forcer l'Espagne à remettre au Maroc la
Province contestée du Sahara, province espagnole autonome et semi
métropolitaine."]. Le problème est que cet événement était probablement
une violation de l'article 49 de la Quatrième Convention de Genève, qui interdit
à une puissance occupante de déporter ou transférer des parties de sa propre
population civile dans le territoire qu'elle occupe. La citation suivante du
discours doit être soulignée en particulier :
« Je
dis Non à la tentative visant à modifier la nature de ce conflit régional en le
présentant comme une affaire de décolonisation. En effet, le Maroc dans son
Sahara, n’a jamais été une puissance d’occupation ou une puissance
administrante. Il exerce plutôt les attributs de sa souveraineté sur sa
terre »
Il est évident
que ce discours est totalement incompatible avec la résolution du Conseil. Il
contredit clairement l'avis consultatif de 1975 de la Cour internationale de
Justice dans l'affaire du Sahara Occidental (Sahara Occidental, avis
consultatif, rapport CIJ 1975, p. 12) dans laquelle la Cour n’a pas constaté
l’existence de liens juridiques de nature à modifier l’application de la
résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale de Nations Unies quant à la
décolonisation du Sahara Occidental et en particulier l’application du principe
d’autodétermination grâce à l’expression libre et authentique de la volonté des
populations du territoire.
Cela ramène
au premier plan la question de l’attitude à adopter maintenant par le Conseil
de sécurité face à la situation au Sahara Occidental.
En ce qui
concerne les ressources naturelles du Sahara Occidental, le Conseil ne peut
tout simplement pas laisser perdurer la situation actuelle. En effet, l'accord
de pêche entre l'UE et le Maroc est une question très grave, puisqu’il ne
contient pas un mot - en dehors de l’énigmatique "souveraineté ou
juridiction" de l'article 2 (a) - sur le fait que «la juridiction» du
Maroc dans les eaux du Sahara Occidental est limitée par les règles
internationales sur l'autodétermination. À la place, l'accord et ses protocoles
sont remplis de références aux "zones de pêche marocaines".
Pour être
légal, un accord de cette nature devrait contenir une référence explicite à la
zone de pêche au large des côtes du Sahara Occidental, définie par des coordonnées.
Le régime de délivrance des permis de pêche dans cette zone devrait être
complètement séparé du régime qui s’applique dans la zone de pêche marocaine.
En outre, les revenus générés par les permis de la zone du Sahara Occidental
devraient être versés non pas au trésor public du Maroc ou équivalent, mais sur
un compte séparé qui peut être vérifié indépendamment par des représentants du
peuple du Sahara Occidental afin qu'ils puissent s’assurer que les revenus sont
utilisés uniquement en conformité avec les besoins et les intérêts de leur
peuple.
Dans ce
contexte, le Conseil doit examiner la légalité de l'accord de pêche UE-Maroc.
La façon appropriée pour recevoir une réponse qui fait autorité à cette
question est pour le Conseil de demander à la Cour internationale de Justice de
donner un avis consultatif sur la question conformément à l'article 96 de la
Charte des Nations Unies. Si le Conseil est incapable de s’unir derrière une
telle action, l'Assemblée générale pourrait prendre l'initiative.
Ce qui est
dit à propos de la pêche s’applique également à d'autres ressources naturelles
au Sahara Occidental, tels que les phosphates, le pétrole ou le gaz, ou
d'autres ressources, qu'elles soient renouvelables ou non renouvelables. Ainsi,
le Conseil de sécurité doit adopter une résolution fixant clairement les
conditions de l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles du
Sahara Occidental qui respectent les résolutions de l'Assemblée Générale
adoptées au point de l'ordre du jour «Application de la Déclaration sur
l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux » et d'autres
résolutions pertinentes traitant des activités étrangères économiques et autres
qui entravent la mise en œuvre de cette Déclaration.
Le dernier
événement en matière de ressources naturelles est un contrat entre le Maroc et
deux sociétés, Kosmos et Glencore, relatif à l'exploration et l'exploitation
pétrolières dans la région de Cap Boujdour au large des côtes du Sahara
Occidental. Je peux lire sur le web que les deux compagnies soutiennent que ces
contrats sont en conformité avec mon avis juridique de 2002. Hélas, il n’en est
rien. Signer un accord dans lequel le Maroc nomme le Sahara Occidental
"les provinces du sud du Royaume du Maroc" est en soit en contradiction
avec la responsabilité sociale des entreprises et les principes protéger,
respecter et réparer.
Dans son
dernier rapport sur la situation concernant le Sahara Occidental, en date du 10
avril 2014, le Secrétaire Général fait observer que, « Le Sahara occidental
figurant dans la liste des territoires non autonomes depuis 1963, les efforts
entrepris par l’ONU grâce à mon Envoyé personnel, à mon Représentant spécial et
à la MINURSO resteront extrêmement utiles jusqu’à l’instauration du statut
définitif ». « Si, malgré cela, il n’y a aucun progrès avant avril
2015, le moment sera venu d’inviter les membres du Conseil à examiner
complètement le cadre qu’il a fixé en avril 2007 pour le processus de
négociation. »
La question
est donc de savoir comment le Conseil doit maintenant aborder la question
principale, soit la question de permettre l'autodétermination du peuple du
Sahara Occidental. Ce processus dure maintenant depuis des décennies, et il est
évident que la négociation actuelle est devenue une mascarade qui touche à sa
fin. Comment cela doit être mis en place est une question politique que le
Conseil doit tout simplement traiter. De toute façon, toute solution doit être
en conformité avec le droit international. Dans ce processus, le Conseil doit
maintenant examiner des options plus radicales que celles appliquées
précédemment, parmi elles les trois suivantes.
Une option,
transformer la MINURSO en une opération similaire à l'Administration
Transitoire des Nations Unies au Timor Oriental (ATNUTO), qui a été dotée de la
responsabilité globale de l'administration du Timor Oriental et habilitée à
exercer tous les pouvoirs législatif et exécutif, y compris l'administration de
la justice.
Une autre
option, commander à l'Espagne de reprendre sa responsabilité en tant que
Puissance administrante au Sahara Occidental, une responsabilité que l'Espagne
a abandonné en février 1976. Dans l'article 73 de la Charte des Nations Unies,
cette responsabilité, qui englobe le développement de l'autonomie, est
considérée comme une «mission sacrée». Précisément parce que l'Espagne a
abandonné cette «mission sacrée» cette option, bien que légale, pourrait n’être
pas recommandable. S’ajoute un autre dilemme au contexte, c’est que l'Espagne
est maintenant un membre du Conseil.
Le problème
avec ces deux options est qu'elles nécessitent l'organisation d'un référendum
dans lequel le peuple du Sahara Occidental peut exercer son droit à
l'autodétermination. Cela signifie que le processus d'identification qui a été
un problème constant au cours des années restera une complication majeure.
Compte tenu
du fait que la question du Sahara Occidental est à l'ordre du jour des Nations
Unies pour les quatre décennies, la solution peut être une troisième option
plus radicale, à savoir que le Conseil de Sécurité reconnaisse le Sahara
Occidental en tant qu'État souverain. Cette option serait acceptable d'un point
de vue juridique. Elle ne priverait pas le peuple du Sahara Occidental de
chercher une autre solution à son autodétermination à l'avenir, s’il le
souhaite.
Cependant,
d'un point de vue de la sécurité, cette option comporte plusieurs problèmes qui
doivent être abordés. Tout d'abord, elle nécessite un effort majeur pour
soutenir le renforcement des capacités d'autonomie gouvernementale. Sinon,
l'option peut aboutir à la création d'un État défaillant, ce qui entraînerait
de risques graves, notamment compte tenu de la situation de sécurité dans
certains pays voisins de la région. Une solution pourrait être alors que le
Conseil donne effet à sa décision à une date de peut-être cinq années après,
tout en confiant à la MINURSO un mandat similaire à celui donné à l'ATNUTO.
En faisant
ces suggestions, je dois souligner que j’agis à titre personnel seulement et en
toute neutralité (voir la citation ci-dessous). Je n’ai de contacts avec aucun
des côtés du conflit. Comme je l'ai dit lors d'une conférence à Pretoria en
2008 sur la légalité de l'exploration et de l'exploitation des ressources
naturelles au Sahara Occidental, organisée par le Ministère des Affaires
étrangères et l'Université de Pretoria, je n’ai d’autre intérêt dans cette
affaire que celui de l’État de droit, et que les États membres des Nations
Unies respectent les règles que l'Organisation a elle-même établies. Les
suggestions sont basées sur mes nombreuses années d’expériences en tant que
juge et conseiller juridique dans mon pays (Suède) et plus tard pendant dix ans
comme conseiller juridique de l'ONU. Ils constituent simplement une expression
de mon parti pris pour le droit au meilleur de ma compréhension.
Ceux qui
servent aujourd'hui les Nations Unies devraient garder à l'esprit la règle
fixée par le Secrétaire général des Nations Unies Dag Hammarskjöld. Dans son
célèbre discours d'Oxford en 1961, où il analyse les fonctions d'un fonctionnaire
international, il fait référence aux règles que les juges doivent appliquer,
puis continue :
"Si le fonctionnaire international se sait libre de
telles influences personnelles dans ses actions et qu’il est guidé uniquement
par des objectifs communs et des règles fixées pour et par l'Organisation qu'il
sert et par les principes de droit reconnus, alors il a accompli son devoir et
il peut faire face à la critique qui, malgré tout, sera inévitable. Comme je
l'ai dit, il s’agit finalement d’une question d'intégrité, et si l'intégrité
dans le sens du respect du droit et du respect de la vérité doit l’amener dans
une situation de conflit avec tel ou tel intérêt, alors ce conflit est un signe
de sa neutralité et non de son échec à observer la neutralité, c’est en
conformité et non pas en conflit avec ses devoirs de fonctionnaire
international."
La raison
pour laquelle je soulève maintenant la question du Sahara Occidental est que la
situation est telle que le Conseil de sécurité risque de devenir inefficace
dans l'accomplissement de son mandat. En vertu de la Charte des Nations Unies,
le Conseil a l'obligation légale de prendre des mesures dans des situations
comme la présente. Cette obligation découle de l'article 24 - la disposition
dans laquelle le Conseil est chargé de la responsabilité principale du maintien
de la paix et la sécurité internationales.
Il y a eu
dans le passé, de graves lacunes à ce sujet, dont les cas où les membres
permanents du Conseil ont même violé la Charte des Nations Unies. L'Ukraine est le dernier
exemple . Cette incapacité à respecter et à défendre la primauté
du droit au niveau international doit simplement cesser. L'autorité des Nations
Unies doit être soutenue, et le Conseil doit être le guide. Il est donc
impératif que le Conseil, dans le traitement de la question du Sahara
Occidental, agisse maintenant avec autorité, détermination et en conséquence,
en conformité avec le droit.
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