Association de Défense des Droits de l’Homme au Maroc
ASDHOM 79, rue des Suisses 92000 Nanterre, 24/2/2015
Le conseil d’administration
de l’ASDHOM, réuni le 22 février 2015 à Paris,s’est préoccupé de la
recrudescence inquiétante des atteintes aux droits humains au Maroc. Au-delà
des mouvements que mènent les détenus politiques pour améliorer leurs
conditions de détention et les arrestations qui seront traités dans le point
régulier de l’ASDHOM, dans le cadre de sa campagne de parrainage, le Conseil
d’Administration tient à faire la déclaration suivante :
L’intrusion violente dans
les locaux de l’AMDH à Rabat par une
trentaine de policiers en civil, sans
mandat, en dit long sur la poursuite de l’acharnement des autorités contre
cette composante militante et active de la société civile marocaine. Les
policiers ont molesté Rabia Bouzidi, membre de la commission administrative de
l’AMDH, qui leur a fait courageusement face en refusant de leur fournir les
clefs du local, avant de procéder au saccage des portes. Le but de l’opération
était de mettre la main sur deux journalistes français, pris en filature et
surveillés depuis leur arrivée au Maroc. Jean-Louis Perez et Pierre Chautard,
journalistes d’investigation de l’Agence Premières Lignes, avaient demandé
l’autorisation de filmer pour réaliser un documentaire sur l’économie marocaine
pour le compte de la chaîne de télévision France3. N’ayant pas eu de réponse à
leur demande, ils ont décidé de se rendre au Maroc pour effectuer des
entretiens en privé sur le sujet. Tout leur matériel a été confisqué.
Dépossédés même de leurs portables, ils ont été expulsés vers la France. Cette
pratique est loin d’être une exception, puisqu’il y a quelques semaines une
équipe de France 24 se sont vu confisquer
leurs enregistrements d’entretiens avec des humoristes sur la liberté
d’expression artistique au Maroc.
L’invasion des locaux de
l’AMDH est le prolongement des intimidations faites lors du discours du 15
juillet 2014 du ministre de l’Intérieur devant le Parlement marocain où il a
chargé les organisations de défense des droits de l’Homme au Maroc en les
traitant d’agents de l’étranger. L’AMDH s’est vue interdire pratiquement toutes
ses activités. Les autorités sont allées jusqu’à la menacer de lui retirer son
statut d’utilité publique et lui reprochent d’accueillir dans son siège des
réunions et conférences d’associations non autorisées comme c’est le cas de «
Freedom Now » qui milite pour la liberté de la presse. Les autorités marocaines
s’obstinent à ne pas permettre aux journalistes de mener en toute indépendance
leurs investigations sur la réalité sociale, économique et politique du Maroc.
C’est justement ce que
viennent de dénoncer les organisations de défense de la liberté de la presse
telle que celle du Prix Albert Londres. Dans son communiqué du 20 février
relatif à l’expulsion manu militari des deux journalistes français, cette
association qui récompense les meilleurs reportages journalistiques a décidé
d’annuler l’édition qui était prévue au mois de mai à Tanger pour protester
contre cette expulsion. Elle trouve que « les conditions –précaires- de la
liberté de la presse dans le Royaume sont de notoriété publique » et que « le
Prix Albert Londres ne peut pas laisser planer le doute d’une quelconque
indulgence pour des pratiques contraires à son éthique, encore moins d’une
connivence avec des autorités qui ordonnent ou laissent faire ».
Ces atteintes aux droits
humains se multiplient au lendemain de la tenue à Marrakech du Forum Mondial
des Droits de l’Homme, où les officines officielles tel que le CNDH se sont
mobilisées pour essayer de berner l’opinion internationale et de lui faire
croire que le Maroc a tourné la page des années de plomb.
Le gouvernement français loin de se préoccuper de cette
situation, s’est empressé de donner des signes dits d’amitié en décidant de
décorer un dignitaire de ce pouvoir répressif en remettant l’insigne d’officier
de légion pour Abdellatif Hammouchi.
Abdellatif Hammouchi, n’est
autre que le patron de la DGST, le contre-espionnage marocain. C’est contre
lui, rappelons-le, que trois plaintes ont été déposées en France. Deux pour «
complicité de torture », déposées par l’Action des Chrétiens pour l’Abolition
de la Torture (ACAT) au nom du citoyen franco-marocain, cinéaste de son état,
Adil Lamtalsi, et de Naâma Asfari, défenseur des droits de l’Homme sahraoui
incarcéré à Salé. Et une troisième pour « torture », déposée par le jeune
champion du monde de boxe thaïe, Zakaria Moumni. Un épisode de brouille
diplomatique conduisant le Maroc à suspendre toute collaboration judiciaire
avec la France est survenu au moment où un juge français a essayé, il y a un
an, de remettre une convocation à Abdellatif Hammouchi quand il était à Paris.
Le gouvernement français en
se déshonorant ainsi, espère retrouver la collaboration policière avec le
Maroc, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ravivée par les
lâches actes commis contre les journalistes de Charlie Hebdo et les clients de
supermarché cacher à Paris en janvier. Est-ce pour ces mêmes raisons d’Etat que
les autorités du Maroc et de la France ont évité de dénoncer ou de s’inquiéter
des menaces de mort proférées via les réseaux sociaux à l’encontre de la journaliste marocaine
collaboratrice à Charlie Hebdo, Zineb El Rhazoui, et de son compagnon ?
Cette décoration est un
affront aux victimes de la torture et à la justice. L’exécutif français commet
une grave erreur en se rendant complice de l’État marocain dans sa protection
d’un présumé tortionnaire. Tout est fait pour que Abdellatif Hammouchi ne soit
pas inquiété par la justice, mais d’un autre côté, l’Etat marocain
contre-attaque en déposant plainte contre les victimes Zakaria Moumni, Adil
Lamtalsi et son soutien l’ACAT. Des convocations à se présenter devant un juge
à Rabat, le 24 février 2015, leur ont été adressées.
Cette affaire est non sans
nous rappeler, malheureusement et toute proportion gardée, la tristement
célèbre affaire Ben Barka. Cela fait bientôt cinquante ans que cette affaire se
perd entre les arcanes de la justice à cause, justement, de ces complicités des États qui ne veulent pas que la justice et la vérité se fassent.
L’ASDHOM rappelle à l’État
marocain qu’il vient de signer, au sortir du Forum mondial des droits de
l’Homme de Marrakech, le protocole facultatif contre la torture et qu’il a
aussi déposé auprès du secrétaire général de l’ONU les instruments pour mettre
en place un mécanisme national de protection (MNP). Cet engagement l’oblige à
protéger ses citoyens de la torture et non d’encourager l’impunité en protégeant
des présumés responsables de torture ou de crimes.
L’ASDHOM rappelle également
à l’État français qu’il est soumis au devoir de la séparation des pouvoirs.
Il doit protéger les victimes en leur facilitant l’accès à la justice et non
entraver cette dernière en accordant des honneurs à des présumés responsables
de crime. L’ASDHOM se félicite que des ONG telles que la LDH, la FIDH, le
REMDH, le MRAP et l’ACAT, entre autres, se soient indignées de l’octroi de
cette légion d’honneur en parlant de « déshonneur ».
Le Conseil
d’Administration, fidèle aux engagements incessants de l’ASDHOM depuis sa création en 1984
pour la défense des droits humains universels,appelle tous les adhérents
à se mobiliser pour réussir l’assemblée générale
élective du 14 mars 2015.
Le
Conseil d’administration de l’ASDHOM,Paris, le 22 février 2015
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