Par Ahmed Snoussi, Demain, 3/12/2014
Il y a quelques années, le Parlement marocain organisa une « journée
d’études » sur la problématique de la culture du cannabis (kif) dans le
Nord du Maroc. Les partis politiques marocains ainsi que des experts,
nationaux et internationaux, furent invités à proposer des solutions
pour remédier à ce fléau qui fait du Maroc l’un des premiers
exportateurs de drogue douce dans le monde.
Et c’est ce que fit ce beau monde. Tout au long de cette journée, les
experts égrenèrent une série de propositions qui furent prises au
sérieux par les législateurs marocains qui, bien entendu !, jurèrent de
tout faire pour les prendre en considération et les mettre en
application.
La « journée d’études » s’acheva avec un sentiment de « mission accomplie ». A joint prochain ! se saluèrent les participants au conclave.
Mais le lendemain de ce mémorable et fructueux jour, les
parlementaires retournèrent à leur longue et ronflante sieste et
oublièrent totalement les recommandations qu’ils avaient applaudies
auparavant.
En fait, le Makhzen s’était approprié de cette « journée d’études »
pour donner, en direction de l’étranger, inquiet de la production
toujours en hausse de la culture de cannabis, la sensation qu’il était
conscient de la nocivité de ce fléau et qu’il cherchait à le combattre.
Dans cette même logique, il y a quelques jours s’est ouvert à Marrakech le Forum mondial des droits de l’homme.
Et encore une fois, le régime a profité de l’occasion non pas pour
améliorer les droits de l’homme des Marocains, mais plutôt pour retaper
sa propre image.
L’idée est de faire de ce faux-rum, organisé par le très officiel Conseil national des droits de l’homme
(CNDH), un leurre dont le but est de faire oublier pour un week-end que
le Maroc viole systématiquement et de manière réitérée les libertés
fondamentales, que la torture est toujours là, que le droit
d’association n’existe que dans les textes, que la liberté d’expression
est un vain mot et que la justice se couche toujours devant les
instructions venues d’en haut.
Et c’est ainsi que pendant ces quelques jours de « fête », le Makhzen
a pu mettre en avant ses « réformes » et ses « acquis » en cherchant à
vendre l’image d’un pays stable alors que la seule stabilité réelle au
Maroc c’est la crise et l’injustice. Il a fait étalage des « libertés »
obtenues par les Marocains alors que la seule vraie liberté qui existe
est la sienne. Particulièrement quand il s’agit de manier la matraque,
de fermer des journaux, d’emprisonner journalistes et rapeurs, de
réprimer les manifestations des associations de droits de l’homme et
d’interdire à vie les artistes.
A Marrakech, les annonces publicitaires que l’on voit exhibées
sur les panneaux publicitaires des grandes avenues et qui vantent la
tenue du Forum mondial ne sont que des slogans mensongers. Une contrefaçon caractérisée
qui ne semble pas intéresser la police ou la justice, les seules
institutions habilitées à sévir contre les bonimenteurs.
Au contraire, dans la ville ocre, les forces d’intervention rapide se
sont montrées promptes au moment de bâtonner une manifestation
d’aveugles venus réclamer leurs droits et qui qui n’ont obtenu que le droit à une répression aveugle.
On aurait souhaité que ces forces d’intervention rapide aient fait
montre du même empressement au moment de secourir les victimes des
inondations du sud du Maroc dont les victimes ont dû attendre plusieurs jours
avant de bénéficier du droit au secours.
C’est ça notre cher Maroc. Ces inondations n’ont pas empêché notre pays de subir une sécheresse endémique de droits de l’homme.
Alors un forum mondial des droits de l’homme au Maroc, pourquoi pas ?
Mais pourquoi ne pas organiser également un forum mondial sur la glace
au Sahara ?
Les participants à cette grande supercherie vont repartir chez eux,
mais nous, Marocains, qui allons rester, nous devrions méditer la
devise d’Etienne de la Boétie qui disait : « Soyez résolus à ne plus servir, et vous serez libres ».
Ahmed Snoussi
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