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Un vulgaire sac plastique pour tout linceul et une benne à ordure, en guise de fourgon mortuaire pour les victimes des inondations

Ce qui avait commencé début novembre, comme une mascarade avec les prières rogatoires, a désormais pris des allures de tragédie nationale. C'est comme si une colère céleste avait frappé le pays, histoire de punir les siens, de l'hypocrisie blasphématoire de ses dirigeants. Et une fois de plus le Makhzen n'a pas été en-deçà de l'incurie, de l'indifférence et de la cruauté qui ont fait sa réputation. A la fois si prompt à fondre sur le petit peuple, lorsqu'il s'agit de le réprimer et aux abonnés absents, lorsqu'il s'agit de lui porter secours.

On l'aura compris, il n'y aura donc eu ni déploiement de moyens matériels, ni mobilisation de l'armée, ni deuil national, ni compensations envisagées pour les pauvres parmi les pauvres. Le bilan est effroyable. Il se compte en dizaines de morts, en centaines, sinon en milliers de sans-abris et en millions de dirhams de dégâts, mais semble glisser sur nos responsables qui, en quelques jours ont donné la pleine mesure du peu de cas qu'ils font de la vie des marocains et un aperçu de leur incompétence coupable. Jugez plutôt:

Aux premières heures de la catastrophe, alors que le désastre battait son plein et que ses compatriotes perdaient la vie par dizaines, le cabinet royal annonçait l'intention de  Mohammed VI de se  rendre en Chine, avant qu'un refroidissement, compliqué semble-t-il d'une bronchite, n'épargne à celui-ci le vent d’indignation que promettait de susciter ce voyage à un tel moment.  Puis, sans transition, c’est vers le Libéria et la Sierra Leone que le roi s’est tourné, faisant acheminer vers ces deux pays, douze tonnes de médicaments et de produits médicaux. Et mise à part une pathétique prise en charge de l'enterrement de quelques victimes, avec force publicité, le roi s'est plutôt fait discret, à l’échelle nationale,  faisant la preuve qu'il ne suffit pas de se revendiquer d'une monarchie exécutive, pour se montrer à la hauteur de ses ambitions. On attendait du chef suprême des armées qu'il ordonne la mise sur pied d'une opération de vaste envergure, afin de porter secours aux sinistrés. Au lieu des prières rogatoires hypocrites, ordonnées jusqu'aux coins les plus reculés du royaume, c'est une alerte générale qui aurait du être lancée.

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A l'heure du premier bilan, on peut légitimement s'interroger sur l'ampleur des premières vagues d’eau, aux allures de tsunamis qui ont submergé le sud du pays, avec pour théâtres, les lits des oueds, les vallées et les régions voisines des grands barrages. Tout porte à croire que ces derniers ont largement contribué à alourdir le bilan des inondations, soit qu'ils aient débordé ou que l'on ait procédé à des lâchers d'eau, afin de les soulager de la pression hydrique. Dans l'un ou l'autre des scénarios, pourquoi les populations n'ont-elles pas été averties de la dangerosité du phénomène auquel elles allaient être confrontées ? Pourquoi, compte tenu des prévisions météorologiques, n'a-t-on pas procédé à ces lâchers d'eau préventifs, bien avant la tempête ? Autant de questions qui resteront sans réponse, tant que Mohammed VI n'ordonnera pas une enquête, afin de déterminer les responsabilités.

Du côté du gouvernement, même silence chez nos ministres, conscients que leurs pouvoirs, leurs prérogatives et jusqu'à leur empathie ostentatoire, sont réduits à la portion congrue et s'arrêtent où commencent ceux du roi. Pas un seul ne diligentera d'enquête, ni ne chaussera ses bottes, pour aller s'enquérir de la situation, réconforter les sinistrés, prendre note des travaux de remise en état, du relogement des sans-abris et des compensations pour les pertes subies. Tout au plus, quelques uns ont-ils lancé des alertes sur leur page Facebook. Initiative pitoyable et ne prêtant nullement à conséquence, au vu du faible taux de connexion dans le Maroc inutile. D'autres, comme Najib Boulif, ministre chargé des Transports, simuleront, comme de coutume, un coup de gueule avec ce truisme navrant, concernant l'obsolescence de plus d'un millier de ponts marocains.

A dérouler le film de la tragédie qui frappe le pays, un irrépressible dégoût vous soulève le cœur. On comprend un  peu mieux pourquoi tant de marocains n'ont qu'un seul rêve, celui de fuir le pays qui les a vu naître, à la recherche de leur dignité perdue.
"N'a pas de patrie, celui qui vit et meurt sans dignité", dirait l'adage. Car c'est bien de dignité qu'il est question avant tout, lorsque votre semblable est ballotté, tel un fétu de paille, sur le toit d'un camion, des heures durant, avant de sombrer corps et âmes ou qu'il assiste impuissant à la disparition de tous les membres de sa famille, puis au convoyage de leur dépouille, dans une benne à ordures. C’est encore de dignité qu’il s’agit lorsque votre propre armée évacue les touristes étrangers et vous abandonne, livré à la furie des éléments.


Enfin, c'est aussi de dignité dont il est question, lorsque le pays qui prétend grandir les âmes, organise un forum mondial des droits de l'homme, alors qu'il ignore souverainement,  l'Article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui stipule que "Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne". Tout le contraire de ce qui se déroule depuis bientôt un mois, dans le Sud marocain.

salahelayoubi | 30 novembre 2014 à 7:44 |
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