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mercredi 29 octobre 2014

Une grève générale, le 29 octobre comme un clin d’œil !

Syndicats

Conférence des syndicats UMT-CDT-FDT
C’est le 29 octobre que les syndicats Union Marocaine du Travail (UMT), Confédération Démocratique du Travail ( CDT) et Fédération Démocratique du travail (CMT) ont choisi comme date pour mener leur grève générale contre la politique du gouvernement dirigé par les islamistes du Parti de la Justice et du Développement (PJD) et accusé de faire cavalier seul. Hasard du calendrier ou choix délibéré, le 29 octobre est jour de deuil pour les marocains. Ils y commémorent l’enlèvement de Mehdi Ben Barka en 1965, devant la Brasserie Lipp. Le célèbre opposant disparaîtra sans laisser de traces, présumé assassiné dans une villa  de la banlieue française par le Général Oufkir, assisté de barbouzes français. Nombreuse est la littérature consacrée à cette tragédie. Il est une autre victime dont le nom revient hanter les 29 octobre: Houcine Manouzi, disparu en 1972 et dont la famille, après avoir combattu le colonialisme, s’est trouvée confrontée à la dictature à laquelle elle a payé un très lourd tribut.
  • Le Commandant Brahim Manouzi, victime d’une exécution extra judiciaire, sur ordre du Général Oufkir, le 13 juillet 1971, et dont le corps n’a jamais été restitué à la famille.
  • Moujahid Kacem Manouzi, mort sous la torture à Derb Moulay Chérif, au mois de septembre 1970, et dont le cadavre n’a  jamais pas été rendu à la famille.
  • Le docteur Omar Manouzi, que les tortures ont précipité dans  la folie.
Le calvaire de Houcine Manouzi
Houcine Manouzi milite dans les rangs de l’Union Nationale des Forces Populaires (UNFP), lorsqu’en 1971, il est accusé d’activités subversives et de complot contre la sûreté de l’Etat. Il est condamné à mort par contumace. Enlevé en Tunisie où il se trouve le 29 octobre 1972,  il est transféré au Maroc dans le coffre d’une voiture à plaques diplomatiques. Il passera par le tristement célèbre Point Fixe numéro 2 (PF2), ou « Dar Mokri », puis par Point Fixe numéro 3 (PF3), lieux de détention et de torture, placés sous la responsabilité  de la Direction Générale des Etudes et de la Documentation (DGED).
Ali Bourequat, dans son récit intitulé, « Dix huit ans de solitude », raconte comment Houcine, son co-détenu, fut l’un des inspirateurs de l’évasion du 12 juillet 1975, en compagnie de quelques uns des militaires impliqués dans le putsh de Skhirat de juillet 1971,  le lieutenant-colonel Mohamed Ababou, le capitaine Mohamed  Chellat, l’aspirant Ahmed M’zireg, et l’adjudant-chef  Harrouch Akka. Au nombre des évadés, Ali Bourequat et ses deux frères Midhat et Bayazid seront repris, dès le lendemain, dans un verger de pruniers, au Sud de Rabat, en compagnie des militaires. Chellat qui avait refusé de suivre le groupe sera repris à Rabat à l’aube du 13 juillet. La cavale de Akka durera onze jours. Houcine Manouzi, lui, sera repris, à Aïn Aouda, alors que,  passager d’un vélomoteur, il tentait d’éviter les barrages mis en place pour l’appréhender. Il ne réapparaîtra plus jamais.

Evasion et exécutions extra-judiciaires collectives
L’extrait saisissant d’horreur, du récit de Bourequat, sur la suite que le régime marocain a cru devoir donner à cette affaire, pourrait constituer un sérieux indice sur le sort qui aurait été réservé à Houcine.
Il écrit :
« Le 17 juillet au soir, grand remue-ménage dans la cour.
Des dizaines d’individus parlent en même temps.
Soudain, un coup de feu claque. Je me lève d’un bond, me plaquant contre la lucarne. Je scrute la cour par le petit trou de vis.
Un homme vient d’être abattu. Il est grand, corpulent. Je reconnais sa djellaba. C’est Moulay Ali Fahim.
La cour, gardée par des gendarmes en treillis, qui ont pris position en face de la salle de douches, est encore une fois pleine de monde, comme le jour de notre capture. J’aperçois le colonel Dlimi, le colonel Benslimane, commandant la gendarmerie, le général Moulay Hafid,  Houcine Jamil,  les commissaires Ben Mansour et Ben Cherif, qui m’ont torturé deux ans plus tôt, le capitaine Fadoul et plusieurs hommes, en civil , mais armés.
 Ils attendent la prochaine exécution.
On amène dans la cour le colonel Ababou. Il a un baillon sur la bouche, un bandeau sur les yeux et des menottes dans le dos. Aassou, un des gardes, le soutient. Il l’entraîne vers le terre-plein situé devant les toilettes, le force à s’agenouiller. Un colosse, vêtu d’une chemise et d’un pantalon, s’avance vers lui, un revolver à la main, et lui tire une balle dans la nuque.  Ababou est projeté en avant. Deux autres gardes, Hamou Ben Othmane et Ahi Agherbi, se précipitent, traînent le cadavre un peu plus loin.
On amène ensuite le capitaine Chellat et l’aspirant M’Zireg.
Chellat, résigné, se laisse conduire et meurt, sans une plainte.
M’Zireg, lui, se débat comme un lion, hurle à travers son bâillon. fl faudra trois hommes pour le maîtriser, l’allonger sur le ventre et le maintenir, le temps de lui tirer une balle dans la nuque.
Deux gardes s’approchent alors de ma cellule. J’ai juste le temps de reculer pour ne pas être aperçu. Je me couche en chien de fusil sur ma couverture, face au mur.
J’entends un dernier coup de feu, puis la voix de Dlimi, qui crie
- « Lâche-moi, lâche-moi ! Regarde ma chemise: elle est toute tachée du sang de Rachid ! »

Rachid est le prénom d’un des deux gardes que les militaires ligotèrent, le soir de l’évasion. »
parents de houcine manouzi
Les parents de Houcine Manouzi, lors du dixième Congrès National de l’AMDH le 22 avril 2013, au théâtre Mohamed V
Selon Ali Bourequat, Houcine Manouzi s’était emparé d’une arme de poing, lors de l’évasion. On peut aisément imaginer quel aura été le sort du malheureux, d’autant que, condamné à la peine capitale, le régime aura, sans doute, préféré faire appliquer la sentence, plutôt que courir le risque d’une nouvelle évasion.
A-t-il été exécuté plus tôt, sans que Bourequat n’en ait été témoin ? A-t-il été exécuté ailleurs. Au PF4, par exemple ? Seuls les protagonistes de cette affaire, pourraient apporter des réponses aux questions que continue de se poser la famille Manouzi.
De cette sinistre affaire, l’avocat de la famille a, un jour, eu ces mots, où l’ironie le dispute à l’interpellation des consciences de la prétendue nouvelle ère :
« Quand j’ai pris en charge le dossier Manouzi, j’étais un débutant avec quatre ans de carrière derrière moi. Aujourd’hui, il ne me reste plus que quatre ans pour prendre ma retraite. Ce serait bien de mettre le mot fin à ce dossier ».
Comble de l’ignominie, En 1994, la Direction de la Surveillance du Territoire (DST)  informait la famille que Houcine était encore vivant,  lui conseillant vivement, d’éviter toutes déclarations dans la presse, si elle voulait le revoir. Puis, le 16 août 2001, les autorités remettaient aux parents, un certificat de décès, ne portant aucun cachet et datant le décès au 17 juillet 1975, alors que plusieurs amis et co-détenus prétendent avoir vu Houcine, en vie, après cette date.
Trente-neuf ans après le début de cette affaire, le pouvoir marocain continue de compter  des criminels dans  ses rangs. Certains sont disparus,  de leur belle mort, pendant que d’autres, tapis dans l’ombre, continuent d’officier, comme si de rien n’était, alors que la justice internationale les recherche.
Comme un clin d’oeil à l’histoire de notre pays, à la grève promettent de se joindre les islamistes d’Al Adl Wal Ihssane, l’Union Générale des Travailleurs Marocains (UGTM) et plus de vingt (20) organisations marocaines des droits de l’homme. Une grève qui promet d’être largement suivie comme une magnifique commémoration de ce satané 29 octobre.

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