Le pouvoir marocain mène une offensive contre les activistes, en particulier contre l’Association marocaine des droits humains (AMDH) et les jeunes du Mouvement du 20 Février (M20F) qui luttent pour la démocratisation du pays. En même temps, ce même pouvoir a engagé de lourdes attaques contre les travailleurs. L’AMDH-Belgique appelle à un rassemblement ce 1er novembre devant l’ambassade du Maroc à Bruxelles.
Depuis juillet dernier, une
quarantaine d'activités de l'Association marocaine des droits humains
(AMDH) ont été interdites, allant de sit-in, conférences, conférence de
presse à une caravane de solidarité avec les migrants africains et aux
camps d'été de formation. Ce harcèlement par le pouvoir n'est certes pas
nouveau, mais il s'est intensifié ces derniers mois.
Le 23 juillet 2014, suite à l’interdiction pour la section AMDH de la
ville de Tahla de tenir une conférence de presse, le pacha (haut
fonctionnaire chargé de l'administration) de la ville a avisé la section
d’« instructions émanant d’en haut lieu demandant d’interdire à l’AMDH
d’organiser ses activités dans les salles publiques et ce au niveau
national ».
Entre 2010 et 2014, une vingtaine de militants de l’AMDH ont été
poursuivis ou condamnés, outre des dizaines d'étudiants et de jeunes du
M20F (la version marocaine du Printemps arabe, qui lutte pour la
démocratisation du pays et contre les pouvoirs excessifs du roi Mohamed
VI).
D’autres organisations ont aussi été victimes de la main lourde du
pouvoir. Ainsi, le 13 septembre 2014, le siège de l’Association médicale
de réhabilitation des victimes de la torture (AMRVT) a été saccagé pour
la deuxième fois. Et, le 1er septembre dernier, la section marocaine
d’Amnesty International n’a pu organiser la 16e édition d’un camp de
jeunesse,.
L'impunité demeure la règle
Khadija Ryadi, ancienne présidente de l’AMDH, lauréate du prix 2013
de l’ONU pour la cause des Droits de l’homme, a dénoncé : « Le point le
plus important aujourd’hui, c’est que l’impunité règne au Maroc. C’est
elle qui autorise les violations graves des Droits de l’homme commises
par l’État, car ses responsables ne sont jamais poursuivis pour leurs
crimes. La justice marocaine n’est pas indépendante, elle est
instrumentalisée par le pouvoir et permet de blanchir ceux qui se
rendent coupables de violations des Droits de l’homme. Les détournements
de fonds publics, le pillage des ressources naturelles du Maroc par des
entreprises ou des individus sont des crimes mais ne sont jamais punis
et cela encourage d’autres à agir de même. »
Le pouvoir marocain aime à souligner les progrès en matière des
droits humains. Comparée aux « années de plomb » sous le roi Hassan II
(père du roi actuel), caractérisées par une répression sanglante, des
milliers de prisonniers politiques, des enlèvements, disparitions,
tortures, la situation est en effet meilleure, mais sans qu’on puisse
toutefois parler d’un changement fondamental : le roi est toujours
tout-puissant et au-dessus de la loi, la justice est aux ordres du
Palais, etc. En outre, ces dernières années, on constate un retour
croissant aux veilles pratiques. Le rapporteur spécial de l’ONU Juan
Mendez a dénoncé « l’usage de la torture systématique au Maroc pour les
cas impliquant des manifestants anti-gouvernementaux et ceux qui sont
accusés de terrorisme ».
Les auteurs de la répression sanglante pendant les « années de
plomb » n’ont jamais été poursuivis et beaucoup sont toujours en place.
L’impunité demeure la règle, encore aujourd'hui. Comble de cynisme: le
Maroc se prépare à accueillir le Forum mondial des droits de l’Homme en
novembre 2014...
Mais l’AMDH ne reste pas les bras croisés : le 15 octobre dernier, 87
sections locales de l’AMDH ont organisé des actions partout au Maroc
sous le slogan « Pour les droits et libertés nous militons, face à
l’agression du Makhzen nous résistons » (le Makhzen est le nom donné au
système organisé autour du Palais, le vrai pouvoir au Maroc). Le 2
novembre, une nouvelle marche est prévue.
Possibilité d’un large mouvement social
Ces attaques intensifiées se produisent au moment ou le gouvernement
marocain, dirigé par l’islamiste Benkiran (sous le patronage bien sûr du
Palais), annonce de graves attaques contre les droits des travailleurs,
surtout du secteur public.
Parmi ces attaques, le rehaussement de l'âge de la retraite de 60 à
65 ans d’ici 2020, la hausse du montant des cotisations et un nouveau
système de calcul de la retraite sur les 8 dernières années et non le
dernier salaire perçu. Selon les syndicats, cela conduirait à une baisse
de 25 à 30 % du montant des retraites. Le plan prévoit également le gel
des salaires des fonctionnaires. En outre, les tarifs du carburant, de
l'eau, de l’électricité ont été augmentés. Pour le seul mois d'août
2014, le prix de l'eau a augmenté de 12 %, celui de l'électricité de 6
%.
Le gouvernement s’attaque également aux droits syndicaux, avec notamment un service minimum dans les secteurs stratégiques.
Jusqu’à présent, la solidarité des syndicats avec le M20F est restée
au stade des mots, mais cela pourrait changer. Si les deux se
rejoignent, cela pourrait donner un cocktail explosif pour le régime
avec, d’un côté, des revendications socio-économiques et, de l’autre,
des revendications politiques. Le 23 septembre dernier, une partie des
syndicats a déjà organisé une grève générale dans la fonction publique,
largement suivie. Ce 29 octobre, les syndicats remettent ça.
Appel à un rassemblement
en soutien aux
organisations de droits humains au Maroc le 1er novembre
devant
l’ambassade du Maroc
à Bruxelles.
Rassemblement à 15 heures
devant l’ambassade du Maroc à Bruxelles
située au 29, Boulevard Saint Michel,
1040 Bruxelles (Etterbeek).
https://www.facebook.com/groups/amdhbelgique/Libération pour Wafaa Charaf !
Le 20 octobre dernier, la Cour d'Appel de Tanger a condamné la jeune militante Wafaa Charaf (26 ans) à deux ans de prison ferme.
Wafaa est active au sein de la jeunesse du parti marxiste la Voix
démocratique (Annahj Addimocrati), et est également membre de l’AMDH et
du M20F.
Tanger dispose d’une zone franche qui confère de nombreux avantages
aux entreprises qui s’y installent (exonération de charges fiscales et
sociales), surtout des multinationales, comme par exemple Renault. Mais
la zone franche est aussi un lieu de non-droit pour les travailleurs. Le
27 avril dernier, Wafaa avait participé à un rassemblement de soutien à
des ouvriers de la multinationale américaine Greif (numéro un mondial
de l’emballage industriel), licenciés après la création d’une section
syndicale. À l’issue de ce rassemblement, la militante était embarquée
par des inconnus qui l’ont brutalisée, questionnée sur ses activités,
avant de l’abandonner couverte de blessures au bord d’une route, en
pleine nuit, à une quinzaine de kilomètres de la ville. Elle avait
décidé de porter plainte pour enlèvement, séquestration et menaces.
Mais plutôt que de mener à l'identification de ses agresseurs, cela a
eu pour effet qu’elle a elle-même été arrêtée le 9 juillet, et
condamnée le 11 août en première instance à un an de prison ferme et à
une amende équivalente à 5000 euros pour « allégations mensongères de
torture ». Le procès a été qualifié d’ « inéquitable » et de
« politique » par la Ligue des droits de l’Homme (LDH).
Lors de l’audience en appel du 20 octobre, des camarades de Wafaa ont
organisé un sit-in devant les locaux du tribunal sous le slogan : « Ils
généralisent la répression, alors généralisons la solidarité ».
Lors du procès, des ouvrières licenciées sont venues soutenir Wafaa.
Fatima Khayati a déclaré : « Elle était notre plus précieux soutien,
notre porte-voix. Payés 2300 dirhams (environ 200 euros), nous étions
méprisés, maltraités. Nous voulions simplement faire respecter nos
droits, améliorer nos conditions de travail. Mais, lorsque nous nous
sommes syndiqués, la réaction des patrons a été sauvage. » Une autre
ouvrière licenciée, Khadija Amaouche, acquiesce : « C’est une
multinationale puissante, il est difficile de s’y attaquer. Wafaa s’est
montrée solidaire de notre lutte de bout en bout. » (L’Humanité, 24/09)
À la stupeur générale, le juge a doublé la peine à deux ans ferme !
Soutenez Wafaa Charaf en lui écrivant :
Wafaa CharafNumero 92694Prison civile de TangerAvenue Moulay Rachid90000 Tanger
Maroc
www.solidaires.org
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Maroc
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