Depuis quelques semaines un internaute se dissimulant sous l’identité de chris_coleman24 noie Twitter (https://twitter.com/chris_coleman24)
d’une foule de documents sensibles, de l’administration marocaine,
portant sur les trois dernières années. Les câbles concernent
notamment Ahmed Charai, patron de média
marocain, impliqué dans des opérations de lobbying en Europe et aux
Etats-Unis, au profit de la marocanité du Sahara. D’autres appartiennent
au Ministère des affaires étrangères. Et depuis le 27 octobre, ce sont
des documents de l’administration de la défense nationale ou de la Direction Générale des Etudes et de la Documentation (DGED)
qui se retrouvent sur la place publique. La plupart des courriers de
notre diplomatie, concernent l’affaire du Sahara, alors que ceux de la
défense portent sur le projet de création d’une usine de munitions au
Maroc.
Les fuites dévoilent la stratégie de lobbying marocain et laissent
apparaître des versements portant sur des centaines de milliers de
dollars, au profit d’un certain nombre de personnalités, dont Ahmed
Charai, le Think Tank républicain, Center for the National Interest, Richard Miniter, journaliste au New-York Post et d’autres. Les correspondances de la diplomatie marocaine, donnent même à penser que le Maroc aurait réussi à corrompre Navanethem Pilay, la Haut commissaire aux droits de l’homme à l’ONU ou son administration.
On ignore pour le moment, l’identité exacte du ou des responsables de
ces fuites et leurs véritables motivations, mais le fait que les
documents portent principalement sur la question du Sahara, donne à
penser qu’il pourrait s’agir d’un sympathisant de la cause
indépendantiste. Le principal intéressé se présentant lui-même, comme
membre du Polisario. On ignore également si
l’intéressé aurait piraté le système informatique des départements en
question ou s’il s’agit d’un fonctionnaire, agissant pour le compte de
tiers, ce qui relèverait de l’espionnage.
Plusieurs pistes s’offrent également aux enquêteurs. Elles vont de la
simple négligence à la piste crapuleuse impliquant un informaticien, en
passant par une attaque des services de renseignements de l’Algérie
opposée au Maroc dans la question du Sahara et avec lequel les
relations se sont brutalement détériorées, ces derniers jours, après
l’érection par le Maroc, d’un mur à la frontière algéro-marocaine fermée
depuis août 1994, date de l’attentat du café l’Argana à Marrakech
que les marocains imputent aux renseignements algériens. Le 18 octobre
dernier, le tir d’un militaire algérien avait grièvement blessé un
ressortissant marocain, faisant grimper un peu plus la tension qui
prévaut entre les deux voisins.
La piste française est également prise très au sérieux. Les relations
entre les deux pays sont allées de Charybde en Scylla, après la
tentative infructueuse de la justice française d’interroger Abdellatif Hammouchi, patron de la Direction Générale de la Surveillance du Territoire, (DGST)
pour des faits de torture, lors de son bref séjour parisien, en février
2014. Les deux pays n’ont cessé, depuis lors, d’échanger les mesures
coercitives. Le Maroc gelant sa coopération judiciaire avec l’Hexagone
et ce dernier marginalisant notre pays, lors du sommet sur le
terrorisme, avant de le placer dans sa liste des pays menacés de
terrorisme et d’inviter les touristes français à éviter de s’y rendre.
A cette heure, pas plus le gouvernement Benkirane, dépassé, comme de
coutume, par les affaires dites de souveraineté nationale, que le
Palais, principal acteur de la diplomatie et des armées, ne communiquent
sur ces fuites dont on ne connaît pas encore l’ampleur et qui
promettent d’avoir une suite. Le Palais qui semble pour le moment,
épargné, s’inquiète des développements de cette affaire qui ne pouvait
plus mal tomber, au moment où Christopher Ross doit remettre au Conseil
de sécurité, sa copie sur le Sahara, sur fond de blocage de sa mission
par les autorités marocaines.
Les heures qui viennent promettent de nouvelles révélations qui
pourraient toucher d’autres sites sensibles tels que le ministère de
l’intérieur ou le Palais royal. A moins que d’ici là, les services de
sécurité marocains ne mettent le grappin sur celui qu’on surnomme déjà
le « Snowden marocain ».
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