La diplomatie marocaine mise à nue par une fuite massive de documents : Scandales et révélations en cascade
Par Ali Oussi
Un rapport pondu par la direction des affaires américaines au niveau du
ministère des Affaires Etrangères, rend compte, pour sa part, d'une
entrevue, à tout le moins tendue, entre Mezouar et l'ambassadeur US au
Maroc, M. Dwight Bush (Docs 10 et 11). Dans ce dernier, sont également
perçues les tensions entre Washington et Rabat, mais aussi et surtout
l'obséquiosité marocaine même quand ses droits, censés être " légitimes
", " donnent l'air d'avoir été " ignorés ".
A simple titre d'exemple, citons ce très explicite passage : "
s'agissant de la nomination de Mme Kim Bolduc en tant que Représentant
Spécial du Secrétaire général des Nations Unies et Chef de la Minurso,
(…) Monsieur le Ministre (Mezouar. NDLR) a signalé à ce propos que le
Maroc avait fait part de sa demande légitime d'être consulté à l'avance
sur cette nomination, en précisant que, d'ailleurs, il avait été
consulté en amont sur les dix nominations précédentes (ce qui confirme
encore sa perte de vitesse et de crédibilité concernant le Sahara
Occidental) et qu'il est anormal qu'il n'ait (ici une grave faute
d'orthographe s'est glissée, ce qui est aberrant pour des diplomates
censés avoir fait les grandes écoles et jouir d'une parfaite maitrise de
plusieurs langues). On y lit " n'est " et non pas " n'ait ") pu s'en
enquérir qu'à travers la presse et dans les couloirs des Nations Unies
(très humiliant et inquiétant, n'est-ce pas ?), alors que l'Algérie et
les (blabla) RASD en avaient été en revanche informés auparavant ".
En dépit de ces critiques, Rabat ne s'empêchera pas de demander audience
à Kim Bolduc dont il remettait pourtant en cause la désignation à la
tête de la Minurso. Dans un autre document, relatif à Navy Pillay, on
voit à quel point Rabat cherche les points faibles de ses partenaires
afin de tenter de s'en servir et de les retourner en sa faveur (doc 13).
Sinon, à quoi aurait pu lui servir de joindre au " projet de dossier "
le CV détaillé de cette gente dame ?
Le document 14 (Doc 14), d'ailleurs, confirme ces intentions en
décrétant de manière quasi directe qu'il cherche à la mener en bateau,
un peu comme il avait " donne du grain à moudre " à Christopher Ross : "
souligner l'importance que le Maroc accorde à la visite de Mme Pillay
(ce qui est parfaitement faux, comme on l'a vu dans la partie datée de
la veille) et lui rendre hommage personnellement pour son leadership et à
l'ensemble du personnel du HCDH (Haut Commissariat aux Droits de
l'Homme) exerçant au siège et sur le terrain ".
Le document 15 (Doc 15), prélevé sur le même texte, focalise sur la
question des droits de l'homme dans les camps de réfugiés de Tindouf.
Mais, manque de pot, un très récent rapport rendu public par l'ONG Human
Rights Wasch a conclu que ces derniers étaient fort bien respectés, ce
qui est loin d'être le cas dans les territoires occupés marocains : "
exprimer les préoccupations du Maroc et de la communauté internationale
sur le drame des populations dans les camps de Tindouf, particulièrement
les violations graves relayées par les médias et ONG internationaux ".
Pétard mouillé. Hormis les médias marocains, dont le royaume interdit à
tout défenseur des droits de l'homme de mettre le pied dans les
territoires occupés, personne ne stigmatise les camps de réfugiés de
Tindouf, où ces mêmes défenseurs ont toujours été les bienvenus, et
libres d'aller et venir où bon leur semblait.
Les droits de l'homme, d'ailleurs, sont également bafoués sur le
territoire marocain, et ce sont les sujets de Mohamed VI, qui en sont
les victimes. En témoigne cet exemple (Doc 16) pris parmi bien d'autres.
Il s'agit du cas d'Ali Anouzla. Cela sans parler des tortures avérées,
si bien que Rabat a été contraint de promettre d'enquêter. (Doc 17).
Promesse faite uniquement dans le but d'apaiser les tensions, de faire
le dos rond, et de tenter de se faire oublier pour un temps.
Dans le compte-rendu des débats qui ont eu lieu au Conseil de sécurité,
Ross a " menacé " de passer à l'action si Rabat persiste de continuer à
rester ce poids mort en train de jouer à fond la politique du fait
accompli (Doc 18).
Un autre document, (Doc 19), explique que Rabat, qui n'a pas tenu les
engagements pris envers Washington et dont il a été question au tout
début de ces époustouflantes révélations, s'est fait très sérieusement
taper sur les doigts par l'ambassadrice US Rosemary Dicarlo lors d'un
entretien téléphonique.
Cette totale mise à nue de la diplomatie marocaine, devrait encourager
la communauté internationale, jusque-y compris la France, à cesser
d'être aussi complaisante avec la politique criminelle, ségrégationniste
et colonialiste du Maroc afin d'envisager contre lui des sanctions
économiques et militaires pour qu'il accepte enfin que se tienne le
référendum d'autodétermination du peuple sahraoui. Ainsi soit-il…
A.O.
La Tribune des Lecteurs, 28/10/2014
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