Alifpost, 28/8/2014
Pourquoi la Presse de Pavlov veut faire du directeur de la DST Hammouchi El Houssine Majdoubi le Sissi du Maroc ?
Photo montage du général Sissi et le directeur de la DST Hammouchi
El Houssine Majdoubi Bahida -
16 مارس، 2014
Abdellatif Hammouchi est-il devenu le Abdelfattah Sissi du Maroc ?
La question peut sembler étrange, voire absurde, en raison de la
différence entre les contextes politiques Marocain et Egyptien, et aussi
parce que le premier dirige un organe sécuritaire alors que le second
est d’abord un militaire.
Cependant, les deux hommes ont
un point commun, qui est le traitement par les médias de l’un et de
l’autre. En effet, après les événements survenus en Egypte début juillet
2013, et le renversement du président Mohammed Morsi, certains médias
égyptiens ont commencé, et de la façon la plus stupide, à présenter le
général Abdelfattah Sissi comme un sauveur de l’Egypte qui lui a évité
une catastrophe historique. Ces médias ont rapidement brossé une image
de l’homme proche de la sacralité, n’hésitant pas à évoquer sa relation
filiale avec le Prophète Mohammed. Toute critique de Sissi est devenue,
pour ces médias, l’équivalent d’un crime ou d’un sacrilège.
Un processus similaire se
produit en ce moment au Maroc avec le directeur de la DST, Abdellatif
Hammouchi, après la décision de la justice française de le convoquer
pour un interrogatoire dans le cadre des plaintes pour torture. Les
médias marocains se sont divisés en deux catégories : la première expose
objectivement les faits et en rappelle le contexte général. Elle
n’essaie nullement de duper l’opinion publique. La deuxième, par contre,
n’hésite pas à tromper le lecteur et à avancer des versions et des
données fictives.
Si chaque organe de presse
fait de son mieux pour approcher la vérité et la réalité, à sa manière,
certains sites numériques s’acharnent contre la ligne éditoriale des
autres, pour la simple raison qu’ils ne voient pas les choses de la même
manière. Curieusement, ces sites se dressent comme un seul homme, en
même temps, et usent du même style et fournissent les mêmes arguments,
afin d’accuser de participation à un complot contre l’unité de la nation
(rien que ça) toute personne qui, en abordant l’affaire Hammouchi,
s’éloigne un tant soit peu de la version officielle. Toute réflexion en
dehors de la doxa de l’Etat est rapidement cataloguée dans la rubrique
de la haute trahison. Cela montre à quel point le Big Brother de
ces sites est peu professionnel et franchement incompétent, car s’il
l’était, les partisans du Polisario n’auraient pas réussi à accomplir
tout ce qu’ils ont accompli dans les villes du Sahara.
Les gesticulations de ces
médias de la diffamation et de l’insulte ne changeront rien aux faits,
qui sont têtus. Le dossier Hammouchi pas clos en France et l’Etat
français s’interdit de s’immiscer dans le travail de la justice, qui est
indépendante, comme l’a clairement annoncé le ministre français des
Affaires étrangères Laurent Fabius il y a deux semaines. Aucun
responsable français n’a parlé de dossier clos. Prétendre le contraire,
c’est faire preuve de mensonge et d’hypocrisie.
Est-ce que ces
médias cherchent à créer de toutes pièces l’image d’un héros national
appelé Hammouchi, à l’image de Sissi ? Apparemment oui. En effet, car au
Maroc rien n’est plus facile que de critiquer les ministres, les
leaders de partis politiques, et de critiquer le Chef du Gouvernement,
voire de l’injurier sans trop de crainte. On peut même critiquer le roi
Mohammed VI, mais dès qu’un article aborde l’affaire Hammouchi,
certains médias se précipitent non pas pour apporter la contradiction
argumentée, mais proférer les pires insultes, puisant dans un arsenal
d’injures qui fait pâlir celui de l’époque d’Oufkir, de Dlimi et de
Basri. Ces derniers, tous despotes qu’ils étaient, savaient garder un minimum d’honneur. Le Maroc Officiel et des services S est-il en train d’inventer « la presse de Pavlov » ?
Cette stratégie médiatique
est foncièrement stupide parce que le Maroc est très différent de
l’Egypte. Au Maroc, où les actions de militantisme sincère et courageux
ne manquent pas, la sacralisation des personnes n’est plus tolérée par
la société. Même la personne du monarque n’est plus sacrée depuis que la
Constitution de 2011 s’est contentée de mentionner le respect qui lui
est dû. Tout citoyen Marocain a le droit de discuter des affaires du
pays depuis l’institution royale à la plus banale des autres
institutions. C’est un leurre que de vouloir placer la DST et ses
responsables au-dessus de la critique ou de leur conférer une quelconque
immunité.
Il y a de fortes présomptions
que ces médias ne font qu’exécuter des ordres émanant de certains
responsables en haut de l’appareil étatique, puisque certains articles
qui blanchissent Hammouchi et le glorifient accusent en même temps le prince Moulay Hicham
de déstabiliser le Maroc et de financer des médias hostiles, sans que
la justice ne se saisisse de l’affaire pour ouvrir une enquête. Alors
que la loi prévoit le devoir de respect aux princes, la
justice demeure paradoxalement muette alors qu’un prince est l’objet
d’accusations graves et n´est pas objet de critiques, parce que
intellectuellement, la presse de Pavlov et le Big Brother sont
incapables. Ce silence de l’appareil judiciaire confirme que cette
presse est bel et bien Pavlovienne.
La stratégie serait encore
plus stupide si d’aventure il s’avérait un jour que ce sont des
responsables au sein de l’Etat qui manigancent pour tresser des lauriers
à Hammouchi. En effet, l’expérience a démontré que tout processus de
glorification est suivi d’une avalanche d’erreurs et de fautes, dont le
citoyen paie le prix par la suite. La faute serait encore plus lourde
s´il se confirme un jours que c’est le directeur de la DST qui orchestre
lui-même cette campagne médiatique, au moment où le Maroc a grandement
besoin d’une véritable stratégie médiatique pour le dossier du Sahara,
où les tenants du référendum font de plus en plus entendre leur voix
dans le monde.
L’hypothétique mais
probable instrumentalisation de quelques médias sans crédibilité, en
vue de répliquer de manière peu éthique aux journalistes qui publient
des analyses qui peuvent fâcher, est une attitude peu glorieuse. De
même, user et abuser de l’accusation de trahison, qui est l’arme des
perdants, n’est qu’une perte de temps et d’énergie. Par
contre, la vraie trahison consiste à persister à vouloir masquer ses
propres turpitudes, en sacrifiant la morale et en utilisant les moyens
de l’Etat, c’est-à-dire des citoyens, au lieu de défendre réellement les
causes stratégiques qui engagent le destin du pays.
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