Du « plus beau pays du monde », au « paradis de la stabilité»
Ecrit par Ali Anouzla
Interprété par Salah Elayoubi
Ali Anouzla |
Selon le dernier rapport de l’Agence européenne « Frontex »,
chargée de la surveillance des frontières de l’Union européenne, le
Maroc occupe la deuxième place, après la Syrie, des pays dont les
citoyens ont tenté de franchir illégalement les frontières de l’Union
européenne, au cours de l’année 2013 et du premier semestre 2014.
Selon le rapport, ce sont vingt six mille deux cent cinquante
(26.250) de nos compatriotes qui sont concernés, contre vingt six mille
trois cent cinquante cinq (26.355), côté syrien, sur le total des cent
sept mille (107.000) migrants clandestins. Soit la moitié de ceux qui
sont partis à l’assaut de l’espace «Schengen».
Autre précision, de taille, les chiffres en question ne reflètent que
les tentatives infructueuses d’infiltration, vers le vieux continent.
Si les Syriens fuient un pays ravagé par la guerre, les exactions et
les destructions, à la recherche d’un havre de paix, le nombre de
marocains qui en sont à imaginer toutes sortes de stratagèmes pour
quitter leur pays, pose question. Au « Top ten » du hit parade des
exportateurs d’immigrants illégaux, on compte également l’Algérie, au sixième rang, ou encore l’Afghanistan, l’Albanie, la Russie, l’Ukraine, le Pakistan ou l’Erythrée.
Le rapport révèle également qu’après avoir occupé, par le passé, une
place prépondérante, le nombre des tunisiens connaît une tendance à la
baisse, sinon une disparition pure et simple, du classement en question
et ce, malgré les conditions difficiles dans lesquelles se fait la
transition politique.
Le rapport ajoute que l’Europe est confrontée à la vague la plus
importante d’immigration clandestine, depuis celle qui avait fait suite
au chaos et au relâchement engendrés, en 2011, par le « Printemps arabe », dans plusieurs pays du sud et de l’Est de la Méditerranée.
Tout pourtant, aurait pu laisser espérer une baisse des clandestins marocains. Notre pays est souvent cité en modèle de « révolution tranquille»
et de « transition » dans la «stabilité». Mais à quel prix ? Les
événements de 2011 avaient entraîné une révision de la constitution,
l’arrivée au pouvoir des islamistes du PJD, et
le maintien de la «stabilité», sans que celle-ci n’ait eu le moindre
effet sur le quotidien misérable de ceux qui ne rêvent que d’émigration.
Une réalité qui n’est sans doute pas étrangère au discours de Mohammed
VI du 30 Juillet, dans lequel il évoquait, pour la première fois, les
inégalités sociales, avec cette surprenante question: « où sont passées les richesses du Maroc ? Et pourquoi n’ont-elles pas bénéficié aux plus pauvres ? ».
De son propre aveu, le monarque, reconnaîtra, quelques jours plus tard,
lors du discours du 20 août que le modèle marocain de stabilité, n’aura
profité qu’aux plus riches, justifiant du même coup, l’explosion du
nombre de ceux qui tentent, à tout prix, de fuir « le paradis de la
stabilité », qu’il s’agisse de rallier le continent européen ou encore
les rangs de l’Etat Islamique en Irak et en Syrie (EIIS),
une organisation dont plusieurs sources s’accordent à dire que ses
recrues marocaines seraient les plus importantes, après le contingent
saoudien. Selon plusieurs médias marocains, au second rang des
motivations des Djihadistes marocains, en Syrie, après l’idéologie
islamiste, viennent « le salaire et les trophées de guerre ! »
Il ne fait aucun doute que ce sont les plus pauvres qui paient le
plus lourd tribut à la crise économique, avec en corollaire, l’explosion
de l’émigration clandestine, au cours de ces quinze (15) dernières
années. Abdelilah Benkirane, reconnaissait en
2013, devant les parlementaires, que le chiffre de nos migrants
clandestins était passé, en quelques années, de un million sept cent
mille (1.700.000) à plus de quatre millions cinq cent mille (4.500.000).
Selon un sondage d’opinion sur l’immigration, mené par la « Zurich Insurance Group »,
plus de quarante pour cent (40%) de nos compatriotes, souhaitent
émigrer, principalement pour raisons économiques. A titre de
comparaison, la Tunisie, est citée en modèle de restauration de la
confiance auprès de ses citoyens, au contraire du Maroc qui se vante de
« réformer dans la stabilité », mais qui semble avoir largement échoué à
dissuader les siens de se transformer en aventuriers, loin de leur
patrie.
Face au modèle tunisien, fondé par Habib Bourguiba,
d’un état social, qui cherche à se construire un modèle de démocratie
post révolutionnaire, le Maroc qui se présente comme le chantre des
libertés, fait en réalité, figure d’état autoritaire, dont les
injustices frappent durement les plus pauvres.
Parler de stabilité, n’a dès lors, plus aucun sens. Et quand, de
surcroît, celle-ci, se fait au détriment des misérables, elle fait
alors le lit des plus grandes catastrophes !
Lien vers l’article original en arabe ici :
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