Mohammed VI, Alias « le roi des pauvres», fait désormais
partie du cercle des monarques les plus riches du monde. Il doit ce
statut à un mariage contre nature entre pouvoir et affaires.
Pour le quinzième anniversaire de son intronisation, Mohammed VI a prononcé un discours dans lequel il s’est interrogé «où sont passées les richesses du Maroc ? Et à qui ont-elles profité ?! »
Ali Anouzla |
A peine la question était-elle posée qu’elle a enflammé les réseaux
sociaux, avec un flot ininterrompu de réponses où l’ironie le disputait
au sarcasme et à l’hilarité. Pour la plupart des commentateurs, une
seule réponse s’impose : « Le roi des pauvres les a volées ! », en clin d’œil au surnom décerné au souverain, par la presse française, au lendemain de son accession au pouvoir, en 1999.
Pour la première fois, Mohammed VI reconnaissait publiquement,
l’ampleur des disparités sociales, résultant d’une répartition
inéquitable des richesses et avouait l’existence de « signes de pauvreté, de fragilité sociale et de graves inégalités parmi les Marocains. »
A l’accroissement de la pauvreté et du chômage, est venu s’ajouter
une spécificité du règne de Mohammed VI, la montée en flèche des
inégalités. Dans son dernier rapport sur le développement humain, publié
en 2014, l’ONU, classe le Maroc au cent vingt-neuvième (129°) rang, derrière des pays comme la Palestine et l’Irak, deux pays ravagés par la guerre et les attentats. Des résultats, dont le journal électronique « Lakome », disait en 2013 qu’ils suscitent des interrogations sur l’Initiative Nationale du Développement Humain (INDH)
créée il y a huit (8) et qui a coûté, à ce jour, pas moins de onze (11)
milliards de Dirhams, soit un milliard trois cent millions
(1.300.000.000) de Dollars américains.
«Le roi des pauvres»
Suprême paradoxe du règne de Mohammed VI, après avoir été intronisé « Roi des pauvres »,
ce dernier est devenu, en quelques années, l’un des monarques plus
riches au monde. Sa fortune a, en effet, explosé de cinq cents pour cent
(500%), passant de cinq cents (500) millions de Dollars, à son
intronisation, selon le journal Marianne, à deux milliards et demi (2.500.000.000) de Dollars, en 2013, selon le magazine Forbes.
« Poeple with money », la revue financière, a classé le locataire du « Bienheureux Méchouar », le palais royal de Rabat, au sommet de sa liste des « rois les plus riches »,
avec un revenu annuel estimé à cent vingt-huit millions (128.000.000)
de Dollars. Le magazine a attribué cette augmentation exponentielle des
revenus de l’intéressé, à son implication directe dans plusieurs
projets d’investissement.
Toutefois, aucun de ces magazines n’a fait mention du détail qui tue:
Mohammed VI coûte bien plus cher à son peuple que d’autres chefs
d’Etats de pays plus riches que le Maroc.
La monarchie la plus coûteuse du monde
La fortune de Mohammed VI suscite colère et indignation. En l’absence
de statistiques pointues la concernant, certains marocains prennent
pour argent comptant, les chiffres publiés. D’autres au contraire, en
doutent et avancent que la fortune réelle est bien plus conséquente que
ce qu’on veut bien publier.
Un chiffre cependant, fait l’unanimité, celui du budget de la
monarchie. Il tient une place à part dans la loi de finance du pays.
Le gouvernement dirigé par les islamistes du Parti de la Justice et du Développement (PJD),
dont on sait qu’il avait plaidé pour l’austérité, afin de compenser les
effets de la crise économique mondiale, sur le Maroc, n’a pas hésité à
gratifier d’un million (1.000.000) de dollars d’augmentation, le budget
2014 du palais royal, faisant passer ce dernier à deux milliard cinq
cent quatre-vingt cinq millions et quatre cent quarante sept mille
(2.585.447.000) Dirhams soit environ trois cent neuf millions
(309.000.000) de Dollars, comme le spécifie la rubrique « Sa Majesté le Roi » de la loi de finance marocaine. Un chiffre qui inclut la rubrique «Frais du Souverain »
d’un montant de soixante et un millions (61.000.000) de Dollars. Des
chiffres dévolus à un seul homme et qui échappent à toute reddition des
comptes. A titre de comparaison, le budget de la monarchie marocaine,
représente cinq fois celui de la Grande-Bretagne, un pays au moins vingt
(20) fois plus riche que le Maroc. Ce à quoi il faut ajouter que cinq
(5) millions de marocains survivent avec moins de dix (10) Dirhams, soit
moins de un Dollar dix-neuf (1,19) par jour, dans un pays où le salaire
minimum est de moins de cinquante-cinq (55) Dirhams, soit six Dollars
cinquante-huit (6,58) par jour.
Un budget « sacré » et « occulte »
Pour ajouter à l’indignation, le budget royal ne fait l’objet
d’aucune discussion, ni en coulisses, ni lors des commissions
préparatoires, ni en séance plénière, faisant des deux chambres
législatives de simples outils d’enregistrement dès lors qu’il s’agit de
la monarchie. Pour illustrer le propos, en novembre 2013, le budget du
palais a été voté par la Chambre des représentants en huit (8) minutes
et il n’aura fallu que deux (2) minutes à la Chambre des Conseillers, la
deuxième chambre, pour en faire de même. Et comme il est désormais la
coutume, l’adoption du budget s’accompagne d’applaudissements et d’un
retentissant : « Dieu bénisse le roi et lui prête longue vie !»
On l’aura compris, la sacralisation de la monarchie interdit toute
discussion de son budget et les parlementaires préfèrent jouer la chaise
vide, lors du vote de celui-ci.
En 2012, Printemps arabe oblige, un groupe d’activistes avait bien
essayé de protester contre l’énormité du budget concerné et son opacité,
en se réunissant devant l’enceinte du parlement à Rabat. La violence
avec laquelle la manifestation fut dispersée fut telle, qu’elle a
dissuadé quiconque de contester, à ce jour, cette autre « sacralité ».
- « Nous en sommes encore à la préhistoire en matière de
transparence des finances publiques lorsqu’il s’agit du budget de la
monarchie ! » Commente, désabusé l’économiste Najib Aqesbi.
Sujets, «Sponsors» et «clients» en même temps
La constitution de 2011, conçue en pleine tourmente activiste, avait
retiré le terme «sacré» dans sa description de la personne du roi. Mais
dans la réalité, les décisions royales ne sont sujettes ni à discussion,
ni à contestation et le chef de l’État conserve sa mainmise sur les
pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Il est également le chef
des armées, des services de sécurité, des institutions religieuses et
des chaînes publiques d’information. Enfin, premier investisseur, il
contrôle au moyen de ses innombrables projets, le monde des affaires et
de la finance.
Le roi le plus coûteux du monde, est aussi le plus nanti de ses
homologues, en raison du mariage incestueux du pouvoir, aux affaires et à
la finance. Il est à la tête de la plus grande compagnie du pays, la Société Nationale d’Investissements; (SNI)
dont les champs d’activités vont de la banque, aux produits de première
nécessité, en passant par les assurances, la communication,
l’immobilier, les mines, les énergies renouvelables, l’agriculture,
l’hôtellerie, la distribution et la commercialisation. Au point que les
sujets royaux sont également les clients qui participent à décupler sa
fortune. Catherine Graciet et Eric Laurent, auteurs du « Roi prédateur » paru en 2012, décrivent très bien cette dérive de celui qu’ils appellent « le roi des bonnes affaires » :
- « C’est ainsi que le gouvernement et l’administration
marocaine octroient de plus en plus de passe-droits aux entreprises de
Mohammed VI, quand trente-deux millions de marocains ne sont plus
seulement les sujets du souverain mais aussi ses clients : électricité,
téléphonie, alimentation, etc., tous s’approvisionnent auprès de ses
sociétés. Une forme habile et insidieuse de ce que d’aucuns nomment le «
nouvel impôt royal ». Un système économique non pas « étatisé » mais en
quelque sorte « royalisé ». Le Maroc est bel
et bien devenu un cas unique. La plupart des dirigeants pillent leur
pays en confisquant à leur peuple les richesses. Au Maroc c’est le
peuple qui, chaque jour que Dieu fait, enrichit le roi en achetant les
produits de ses entreprises. »
Pour qui sonne le glas?
Lors de son dernier discours, le roi s’est interrogé où avaient bien pu passer les richesses du Maroc. Mohamed Sassi,
universitaire et politicien de gauche a, en guise de réponse, exigé du
roi qu’il renonce à ses privilèges, expliquant qu’il s’agissait là « d’un devoir moral, dicté par la démocratie », avant d’ajouter :
- « Si vous deviez refuser de renoncer à ces privilèges,
sachez que toute réforme que vous pourriez entreprendre, loin de
conduire à une catharsis et au progrès, ne résoudra aucun problèmes de
fond, pas plus qu’elle ne servira d’exemple aux autres institutions du
pays et à ses décideurs ! »
Un appel qui se sera perdu, emporté encore une fois, comme tant
d’autres, par le vent. Depuis son accession au trône, Mohammed VI n’a
jamais accepté de renoncer à la moindre parcelle des pouvoirs
exorbitants qu’il détient, pas plus qu’il n’a accepté de rendre une
partie de son immense fortune. Même les rares concessions politiques ont
du lui être arrachées par la pression de la rue. Et quand bien même, le
monarque tire la sonnette d’alarme, à propos des inégalités que l’on
sait, il n’en est pas moins, le premier responsable, celui pour qui,
pourrait bien sonner demain le glas.
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Et en version arabe ici :
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