- Écrit par Lakome, Salah Elayoubi, 1/4/2013
C'est un Président français sévèrement diminué politiquement qui
s'apprête à se rendre en visite d'Etat au Maroc, les 3 et 4 avril.
Battant des records d'impopularité, François Hollande n'a cessé,
depuis le début de son mandat, de chuter dans les sondages, où il a
encore perdu cinq points, cette semaine, pour s'établir à trente six
pour cent (36%) d'opinions favorables. Sa dernière prestation sur la
deuxième chaîne française, n'y a rien changé. Peu ou prou de ses
compatriotes ont été convaincus de sa capacité à relancer la machine de
la croissance et résoudre le problème du chômage. Trente deux pour cent
(32%) seulement, d'entre eux l'ont trouvé «convaincant» et trente pour
cent (30%) à le trouver «rassurant». En outre, neuf (9) chefs
d'entreprises français sur dix (10) interrogés, lors d'un sondage, ont
déclaré n'être pas confiants, dans un redressement prochain de
l'économie, tandis que l'INSEE prévoit une croissance quasi nulle, pour
l'économie française, au moins jusqu'à la fin du mois de juin.
Susceptibilité marocaine et « minauderie protocolaire »
C'est dans ce contexte de morosité qu'a lieu la visite de François
Hollande. Une visite très courte, au regard des enjeux et de la forte
délégation qui accompagnera le chef de l'Etat français. Elle tranche
nettement avec celles de ses prédécesseurs, Jacques Chirac ou Nicolas
Sarkozy, dont les liens avec ce pays du Maghreb, à l'instar de bon
nombre de politiciens français, débordent du cadre purement
diplomatique. Chirac avait ses habitudes au Palais des hôtes de Rabat et
à « La gazelle d'or », à Taroudant, avant que son état de santé, qui
s'est fortement dégradé, ne le contraigne à réduire tous ses
déplacements.
Nicolas Sarkozy a, quant à lui, fait l'acquisition d'un riad de luxe,
en guise de résidence secondaire, à Marrakech, peu avant son
élimination à la présidentielle française. Un rude coup pour le Maroc
qui avait misé à fond sur le candidat UMP.
Le président socialiste a choisi le haut de gamme des visites, à un
moment où la France à bout de souffle économique, se cherche un bol
d'air, en dynamisant les relations avec la rive sud de la méditerranée.
Les appels du pied et les panégyriques des responsables français à
l'endroit du Maroc se sont multipliés, au cours des mois qui ont suivi
les élections, d'autant que la première visite présidentielle aura été
pour l'Algérie, où François Hollande s'était déjà rendu en mars 2012,
alors qu'il n'était encore que candidat et promettait d'y revenir s'il
était élu.
Pour qui connaît la susceptibilité du protocole marocain, la priorité
donnée au frère ennemi était une égratignure. L'Elysée avait bien tenté
de donner des gages, en envoyant son premier ministre en visite, rien
n'y a fait. Comme il fallait s'y attendre, le palais ne s'est pas privé
de rendre la politesse, sous la forme d'une « minauderie protocolaire »
qui a choisi de faire passer l'hôte français, après le déplacement
africain de Mohamed VI, au Sénégal, en Côte d'ivoire et au Gabon. Un
déplacement dans le pré carré traditionnel marocain en Afrique qui ne
revêtait ni un caractère d'urgence, ni une importance vitale, sinon pour
les affaires personnelles du roi, dans les domaines des banques, des
mines, des télécommunications ou encore de l'immobilier. Un timing
soigneusement choisi, également, pour éviter au roi d'avoir à accueillir
Christopher Ross, l'Envoyé Personnel du Secrétaire Général de l'ONU
pour le Sahara, en tournée dans la région. Fait notable, la visite du
souverain marocain qui aurait du passer comme lettre à la poste, a eu à
pâtir d'une autre susceptibilité protocolaire du palais, « ennuyé » que
les gabonais aient annoncé la visite royale avant les médias officiels
marocains.
Le Maroc arrière-cour de l'économie française
Avec la quasi totalité des entreprises du Cac 40 représentées sur
place, des échanges commerciaux dépassant les vingt-deux (22) milliards
et plusieurs dizaines de milliards d'euros d'investissements, on peut
dire que le Maroc est l'arrière-cour ou le prolongement naturel du tissu
économique français.
Le Président qui compte prononcer un discours devant le parlement
marocain au cours d'une session extraordinaire, tiendra sans doute
compte de ce postulat et se gardera de franchir le Rubicon, en abordant
les sujets qui fâchent, tels que les droits de l'homme, que la France
préfère voir comme un verre à moitié plein, bien que le Maroc se
retrouve pointé du doigt de toutes parts pour la rudesse de sa
répression du « Mouvement du Vingt février » et les procès fabriqués
contre ses militants. Autre point noir et non des moindres, le pays du
couchant est également sur la sellette au Sahara occidental où ses
forces de sécurité, tous uniformes confondus, se livrent à une chasse
impitoyable aux indépendantistes. Des images volées circulent sur la
toile et montrent, en effet, des hommes sévèrement battus, à Laayoune,
par des policiers en civil et qui n'ont pas hésité à s'en prendre
également aux femmes sahraouies et à leur intimité, leur arrachant voile
et vêtements et les menaçant de viol collectif.
La grogne en embuscade
Comme un mauvais présage, la visite du représentant français dans la
capitale économique marocaine démarre dans la colère et la détestation
populaire, les autorités de la ville ayant jugé nécessaire de
délocaliser au stade El Abdi, d'une capacité de quinze mille (15.000)
places dans la ville d'El Jadida, distante de plus de cent kilomètres,
le match qui devait opposer le Raja de Casablanca, aux koweitiens d'Al
Arabi, au stade Mohamed V, d'une capacité de soixante mille (67.000)
places, mercredi à vingt heures.
Beaucoup plus préoccupant pour la vitrine du Maroc, cette visite
intervient dans un contexte où l'agitation sociale reprend, de plus
belle, au moment où le gouvernement Benkirane semble avoir atteint ses
limites, face à l'ampleur de la tâche et à l'omnipotence du Palais. Les
promesses de justice sociale, de lutte contre la corruption,
d'indépendance de la justice sont restées lettre morte.
Transparency International a classé pour l'année 2012 le Maroc au
quatre-vingt huitième (88) rang sur cent soixante-seize (176) pays, avec
un indice de perception de la corruption (IPC) de trente sept (37) sur
cent (100). Les autres indices flirtent toujours avec la médiocrité
comme celui de la compétitivité défini par le Forum économique mondial
qui classe notre pays en soixante-dixième (70) position sur cent
quarante deux (142) pays. L'indépendance du système judiciaire fait
pire, le royaume se classant, selon le Forum économique mondial, à la
quatre-vingtième (80) place sur cent quarante deux (142) pour
2011-2012.
Le chômage des jeunes diplômés et la crise économique qui touche
également le royaume entretiennent un fond diffus de grogne sociale qui
menace de mettre, à tout moment, le feu aux poudres. La forme sporadique
de grèves, de sit-ins et de manifestations, semble reprendre de la
vigueur, après le moment de grâce ayant suivi les élections qui ont
porté le PJD au pouvoir et Benkirane à la chefferie du gouvernement. La
manifestation unitaire syndicale qui a eu lieu ce dimanche 31 mars à
Rabat, a regroupé un arc-en-ciel d'organisations, de mouvements et de
partis politiques vent debout contre les mesures d'austérité appliquées
par le gouvernement marocain. Le nombre des manifestants témoigne de
l'ampleur des revendications et de la détestation croissante des
méthodes d'un Benkirane personnellement conspué par la foule.
Plutôt les affaires que les droits de l'homme
Sur tout cela, François Hollande fermera sans doute les yeux,
préférant parler économie. Les soixante-dix patrons français qui font le
déplacement en même temps que le Président, tenteront de refaire le
retard accumulé par l'Hexagone sur l'Espagne qui lui a pris la moitié
des parts du marché marocain. La dizaine d'accords prévus porteront sur
l'agro-alimentaire, mais surtout sur les énergies renouvelables. La
France, qui compte réaliser le TGV, tant décrié par la société civile
marocaine, ne cache pas son ambition de remporter la deuxième tranche de
la centrale solaire de Ouarzazate, et de réaliser et gérer le plus
grand parc éolien à Tarfaya, d'une puissance de trois cents (300)
mégawatts, pour un coût de cinq cents millions (500.000.000) d'euros.
Enfin, Paris qui ne peut se permettre de s'aliéner ses propres
écologistes, lorgne avec un intérêt non dissimulé, sur le programme
marocain de plus en plus contesté, comme un fait du Prince, de la
prospection et de l'exploitation éventuelle du gaz de schiste, une
source d'énergie dont on sait qu'elle pourrait polluer irrémédiablement,
la nappe phréatique dans un pays qui manque souvent cruellement d'eau.
Rien de spectaculaire, ni de particulier ne sortira donc de la visite
présidentielle, sous les auspices de la crise économique la plus grave
que le monde ait eu à affronter depuis 1929, sinon à confirmer, une fois
de plus, que la France reste une fidèle adepte de la Realpolitik. Et
qu'elle soit de droite ou de gauche, elle affectionne de parler
plutôt affaires que droits de l'homme !
https://fr.lakome.com/index.php/chroniques/593-francois-hollande-au-maroc-plutot-les-affaires-que-les-droits-de-l-homme
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L'Élysée qui ne s'attend pas beaucoup à la signature de nouveaux contrats commerciaux, met le Mali à la tête des priorités de cette rencontre, plutôt protocolaire, entre Mohammed VI et Hollande.
Il semble que l'intervention française au Nord du Mali sera la première priorité française lors de la visite du président François Hollande à Rabat et Casablanca. En effet, considérant que leur mission est quasi-accomplie, il est maintenant question, pour les Français, de remettre le relais aux armées africaines qui devraient s'occuper de mettre fin à l'instabilité que connaît le Nord Mali. Le Maroc, qui a nié tout envoi d'hommes sur le terrain de la guerre, y jouera-t-il un rôle ?
Sur un autre volet, selon des journalistes français, les responsables de l'Élysée (des conseillers du président) avaient sous-entendu, lors d'un briefing ayant rassemblé une quarantaine de journalistes la semaine dernière, que la visite ne comportera aucun gros enjeu commercial.
Le président français qui sera accompagné d'une soixantaine de chefs d'entreprises « ne compte pas trop sur la signature de nouveaux contrats. Son objectif est de consolider ceux déjà réalisés, à leur tête le projet du TGV ». En effet, en plus de la SNCF, Alstom et colas Rail, trois autres compagnies françaises d'ingénierie seront là et feront certainement un point avec les autorités marocaines sur l'état d'avancée de la Ligne grande vitesse qui reliera Tanger à Rabat, et qui coûtera au Maroc, à terme, quelque 3 milliards d'euros.
Selon un journaliste français ayant assisté au briefing, « il semble qu'ils n'ont rien à proposer sur la question du Sahara, qui avait l'air de les fatiguer d'ailleurs ». Ce journaliste rapporte que lui et ses collègues avaient eu le fou rire quand l'un des responsables de l'Élysée avait commis une bourde en parlant de « Sahara oriental ».
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Hollande au Maroc. Une visite sans véritables enjeux
- Écrit par Lakome, 1/4/2013
L'Élysée qui ne s'attend pas beaucoup à la signature de nouveaux contrats commerciaux, met le Mali à la tête des priorités de cette rencontre, plutôt protocolaire, entre Mohammed VI et Hollande.
Il semble que l'intervention française au Nord du Mali sera la première priorité française lors de la visite du président François Hollande à Rabat et Casablanca. En effet, considérant que leur mission est quasi-accomplie, il est maintenant question, pour les Français, de remettre le relais aux armées africaines qui devraient s'occuper de mettre fin à l'instabilité que connaît le Nord Mali. Le Maroc, qui a nié tout envoi d'hommes sur le terrain de la guerre, y jouera-t-il un rôle ?
Sur un autre volet, selon des journalistes français, les responsables de l'Élysée (des conseillers du président) avaient sous-entendu, lors d'un briefing ayant rassemblé une quarantaine de journalistes la semaine dernière, que la visite ne comportera aucun gros enjeu commercial.
Le président français qui sera accompagné d'une soixantaine de chefs d'entreprises « ne compte pas trop sur la signature de nouveaux contrats. Son objectif est de consolider ceux déjà réalisés, à leur tête le projet du TGV ». En effet, en plus de la SNCF, Alstom et colas Rail, trois autres compagnies françaises d'ingénierie seront là et feront certainement un point avec les autorités marocaines sur l'état d'avancée de la Ligne grande vitesse qui reliera Tanger à Rabat, et qui coûtera au Maroc, à terme, quelque 3 milliards d'euros.
Selon un journaliste français ayant assisté au briefing, « il semble qu'ils n'ont rien à proposer sur la question du Sahara, qui avait l'air de les fatiguer d'ailleurs ». Ce journaliste rapporte que lui et ses collègues avaient eu le fou rire quand l'un des responsables de l'Élysée avait commis une bourde en parlant de « Sahara oriental ».
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