L'autre France
- Écrit par Aboubakr Jamai, 3/4/2013
Que vous dire de la visite de Hollande au Maroc? Qu'elle nous
ennuyait au double sens de lasser et embêter. Que nous allions encore
nous entendre dire que le Maroc est sur le bon chemin sous la conduite
d'une monarchie visionnaire. Qu'on allait nous fourguer quelque contrat
juteux pour les entreprises françaises et ruineux pour le Maroc, à
l'image de ce véritable crime économique qu'est le TGV. Et ça allait
vous tartiner de la prose verbeuse à n'en plus pouvoir. Dépêche
nord-coréenne de la MAP, éditoriaux enflammés du Matin du Sahara et
analyses pharisiennes de l'Economiste. La routine.
Il
faut dire qu'on avait presque repris espoir. On s'était dit qu'après
l'ignominieuse gestion de la révolution Tunisienne, qu'après que des
centaines de milliers de marocains ont défilé pour demander plus de
respect de dignité, elles avaient compris, ces élites françaises.
Compris que Marrakech ce n'était pas que des Riads luxueux, les jardins
de la Mamounia et un festival de cinéma. Qu'elles finiraient d'avoir
honte de jouer les idiots utiles et (souvent) rémunérés de nos
potentats.
Et puis plus rien. Ou pire, le laïcisme anti/Islam qui a longtemps
servi de justification au soutien aux régimes autoritaires a refait
surface. La gestation douloureuse des démocraties tunisiennes et
égyptiennes lui a redonné de l'énergie. L'autoritarisme de la monarchie
alaouite avec sa mafia économique et son appareil sécuritaire
tortionnaire redevenait respectable. Il avait domestiqué ses islamistes à
moindre frais.
Et puis, il y a eu les affaires Bettencourt et Cahuzac. Et on s'est
rappelé pourquoi on n'arrivait pas à la haïr cette France. Il a fallu la
moustache sentencieuse d'Edwy Plenel et la diligence obtuse du juge
Gentil pour qu'on se souvienne que l'expression « démocratie française »
n'est pas un oxymore. Une presse qui révèle, une justice qui enquête et
met en cause les puissants quand il le faut. Ça a réveillé des
souvenirs. Celui de cet autre juge, Patrick Ramael, qui a montré
infiniment plus de respect envers les citoyens marocains en poursuivant
son enquête sur l'affaire Benbarka, que les politicards qui ont tenté de
le faire taire. De cet auteur, Gilles Perault, qui a révélé la
monarchie marocaine sous un jour que beaucoup refusaient de voir. On
s'est souvenus de ces journalistes, ces juges, ces militants des droits
de l'homme, de tous ceux qui font qu'on n'arrive pas à désespérer de
cette France-là.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire