Envoyé spécial : abdou 30/3/2013
L’Afrique
du Nord semble promise à connaître, dans le très proche avenir, une
exploitation frénétique des hydrocarbures non conventionnels, huiles et
gaz de schistes. Des questions de plusieurs ordres se rattachent à cette
perspective :
• Au profit de qui se s’effectuera-t-elle ?
• Dans quelles conditions ?
• Avec quels risques induits ?
L’exploitation d’huile et de gaz de
schiste est déjà en cours en Amérique du Nord. A partir de ce qui est
connu de celle-ci, il est possible d’entrevoir des éléments de réponses à
ces questionnements. La détention et la maîtrise des technologies
spécifiques à cette exploitation n’ont pas suffi à assurer la
rentabilité économique des différents projets. Sans les aides et
subventions étatiques massives accordées par les États, personne
n’entendrait parler d’un quelconque « miracle » des hydrocarbures non
conventionnels. Ces aides sont une condition majeure de la prolifération
de l’exploitation des gaz de schistes.
L’autre condition de ce fameux « boom » tient aux capacités de résilience qu’ont ces sociétés par leur maîtrise des techniques de décontamination et de dépollution de l’environnement. Parce qu’il faut le rappeler, cette exploitation est polluante, ses impacts environnementaux, écologiques et climatiques sont immenses.
L’autre condition de ce fameux « boom » tient aux capacités de résilience qu’ont ces sociétés par leur maîtrise des techniques de décontamination et de dépollution de l’environnement. Parce qu’il faut le rappeler, cette exploitation est polluante, ses impacts environnementaux, écologiques et climatiques sont immenses.
C’est sur ces différents niveaux qu’il
faut essayer de projeter l’exploitation envisagée par l’Algérie, le
Maroc, la Tunisie et la Libye. Nous savons tous que nos pays ne
disposent pas des technologies propres à la valorisation de ces
hydrocarbures, que cette dépendance technologique s’étend aussi au
traitement des conséquences environnementales. C’est donc une option qui
va fortement solliciter les faibles ressources financières de nos pays
pour des emplois à la rentabilité improbable. Il nous faudra payer en
devises fortes les opérations d’exploitations – phase de pollution -,
puis concéder encore les mêmes paiements pour tenter de réparer les
dégâts – phase de dépollution -. Il est fort à parier qu’en bout de
processus nos états se retrouvent en situation d’endettement !
Au-delà de cette approche globale, il
faudrait s’arrêter sur un risque spécifique à l’Afrique du Nord. Un
risque qui engage lourdement notre responsabilité devant les générations
futures. Nous n’avons pas une conscience claire de ce qu’est notre«
désert », le Sahara. Ces étendues de sables et de rocailles cachent la
vie dans leurs entrailles : D’énormes réserves d’eau douces, ou à
faibles salinité. Ces eaux, qui forment les nappes phréatiques et
albiennes, se sont accumulées dans les strates géologiques pour former
le Système aquifère du Sahara septentrional (SASS) qui couvre une
superficie totale de plus d’un million de km2 : 700 000 km2 en Algérie,
80 000 km2 en Tunisie et 250 000 km2 en Libye.
Dans notre imaginaire, le Sahara est un
océan de sable où la vie est marginale, où ni l’homme, ni l’animal, ni
le végétal ne peut survivre. Un espace hostile où il est impossible de
s’établir, où il est permis de tout faire sans précaution, sans retenue.
C’est ce genre tartufferies qui ont été mobilisées par l’armée
française au service de son programme nucléaire. Elle y a mené ses
essais nucléaires de 1957 jusqu’en 1967. Des essais qui ont durablement
contaminé l’air et les sols sur de grandes étendues. Aujourd’hui, avec
ce projet d’exploitation de gaz de schiste, les majors et les
multinationales, avec la complicité des pouvoirs en place, s’apprêtent à
commettre un crime écologique et environnemental majeur :
L’irrémédiable pollution, plus que probable, des nappes phréatique et
albienne, ou plus exactement l’aquifère su Sahara septentrional.
Ces aquifères fossiles se sont
constitués il y a plus de 10 000 ans, lorsque la région était soumise à
un climat plus humide Pendant des dizaines de milliers d’années, les
pluies se sont infiltrées dans le sous-sol et accumulées dans
différentes couches géologiques. Des dizaines de milliers de milliards
de mètres cubes d’eau y sont piégés. Il suffira de quelques années, au
plus deux décennies, d’exploitation des hydrocarbures non conventionnels
pour détruire cette ressource, pour stériliser le Sahara.
Ces eaux servent déjà à nos populations,
notamment pour l’agriculture. Environ 80 % du volume d’eau prélevée à
partir de près de 9000 points d’eau, servent à cette activité. Il y a
une décennie, les prélèvements étaient estimés à 550 millions de m3/an
en Tunisie, 1 500 millions de m3/an en Algérie, et 450 millions de m3/an
en Libye. Ces quantités étaient appelées à progresser. Dans le même
temps, la recharge du SASS est au maximum, d’environ un milliard de
mètres cubes d’eau/an. Une quantité bien insuffisante pour compenser les
prélèvements.
L’eau c’est la vie, cela est bien connu ; mais à l’avenir, elle est promise à devenir une ressource stratégique majeure.
L’Algérie, d’après les projections,
devra forer un minimum de 10 000 puits de gaz de schiste pour produire
55 milliards de mètres cubes. Chaque puits est une prise de risque sur
tout ou une partie du SASS. Prendre ce risque sur les eaux des nappes du
Sahara est inacceptable. D’autant que le potentiel saharien en énergie
renouvelable est tributaire de la disponibilité de l’eau. Le Sahara
recelé un incommensurable potentiel solaire et éolien. Mais sans eau, ce
potentiel est chimérique. Les réserves aquifères du SASS sont
essentielles au maintien de la vie au Sahara, elles sont aussi
indispensables au développement d’une agriculture saharienne
prometteuse, et de filières d’énergies alternatives durables et
créatrices d’emplois pérennes.
En Algérie, la loi permettant
l’exploitation des hydrocarbures de schistes a été adoptée dans les
mêmes conditions où se préparent leurs exploitations en Tunisie, au
Maroc ou en Libye. Dans l’opacité et l’absence d’un débat public et
contradictoire.
Contributeurs: Mehdi et Mohand
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