Par M-J F , Solidmar, 17/4/2013
La première fois que je me promenais
dans une ville du Maroc, sans doute pendant le ramadan, je m’étonnais du grand
nombre de mendiantes assises dans la rue, accompagnées de « leur » bébé
misérablement vêtu, parfois couché, trop sage, dans un carton sur quelques
chiffons… Touchée par cette misère, alors que je préparais une pièce à mettre dans une sébile, l’ami
marocain qui m’accompagnait s’est mis à
rire. « Ne te laisse pas apitoyer, ce que tu vois là fait partie d’un
commerce très lucratif. Un bébé est une valeur sûre, et celles qui exploitent
ce filon sont sans doute bien plus riches que toi. Ce qui ne veut pas dire que
la misère n’existe pas au Maroc, au contraire, elle ne cesse de grandir, mais
en général elle est discrète et digne, et n’a rien à voir avec ces mises en
scène misérabilistes »
Le roman de Mahi Binebine part de cette réalité qui
n’est pas fictive, document minutieux du Maroc des quartiers dits populaires,
des cireurs de chaussures, des prostituées, des conteurs, des mendiantes vraies
ou fausses…
C’est à
travers « P’tit Pain » dont on apprendra vers la fin qu’il s’appelle
Minoun, que Mahi Binebine raconte avec émotion et humour cette fable d’un
garçon empêché par sa mère de grandir pour continuer à « rapporter ».
Heureusement les mamans marocaines ne sont pas toutes à l’image de cette mère
prédatrice qui pour faire perdurer sa « poule aux œufs d’or » utilise
les moyens les plus ignobles. « P’tit Pain » ne doit pas grandir,
parler, marcher, réfléchir, penser… Ce ne serait pas bon pour le business…
« J’avais
douze ans et en paraissais trois », raconte-t-il, trimballé par son frère
Tachfine dans une poussette bricolée, pour faire pitié…
Mais, en dépit de l’acharnement de cette mère indigne, deux rencontres transforment la
vie de P’tit pain : en cachette un riche Européen, lui apprend à lire et
lui ouvre grande la porte de la culture, et Mounia, l’adorable naine contorsionniste
l’aide à grandir et lui fait découvrir l’amour. Le corps et l’intelligence de
Minoun se libèrent et se développent de manière prodigieuse pour
rattraper tout ce temps de vie gaspillée.
Bien plus
tard, il retrouve Mère … « Je m’avançais vers elle et la soulevai comme un
enfant malade …En me penchant pour lui baiser le front, je sentis une vague
pression sur mon cou. Un petit cri d’oiseau s’échappa de ses lèvres quand elle
ferma les yeux »
Ce garçon
maintenu par force nain pitoyable, dans un état de dépendance totale pour être mieux
exploité, qui devient libre, grand, intelligent, cultivé ne pourrait-il pas
s’appeler…peuple marocain dans cette belle fable pleine d’espoir ?
Bonjour,
RépondreSupprimerJe viens de découvrir ce blog dérniérement et je le trouve intéressant, en ce qui concerne ce 'review' , je vais acheter le roman afin de mieux le découvrir, et puis pour finir, je voudrais partager un 'review' que je viens de publier sur mon blog et je voudrais savoir votre avis sur le roman Britannique Flying Tagines and Magic Lobsters: http://www.marocaine.me/2014/07/le-maroc-aux-yeux-des-etrangers-flying.html
Merci