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samedi 24 novembre 2012

"Un train de Vie exorbitant !"

Par Saïd Karaoui,  Bruxelles, 21/11/2012

            "Un train De Vie Exorbitant !" ou le Roi n'est pas nu !


 
Les Habits neufs de l'empereur (Vilhelm Pedersen)
Au Maroc on fait comme dans le conte «Les Habits neufs de l'empereur » du célèbre dramaturge et conteur de fées danois Hans Christian Andersen : « ... à l’instant critique, tout le monde voit bien que le Roi est nu, mais se comporte comme s’il était habillé de façon extraordinaire, pour ne pas révéler sa connaissance de cette nudité... »

La moralité de l’histoire est que, « l’évidence que personne n’ose dire », finit toujours par éclater au grand jour… Comme dans le conte d’Anderson lorsqu’un enfant osa dire la vérité à l'assistance en s’exclamant : « Mais il n’a pas d’habits du tout» !

Le second enseignement moral de l'histoire est que, quand il y a un problème, il faut en parler, même si on doit déranger les esprits, car autrement il gonfle, il gonfle, et quand il éclate, c'est trop tard….

Plus d'un demi-siècle après « l'indépendance » du Maroc, il est toujours interdit aux Marocains de contester les pouvoirs politiques du Roi et ses prérogatives économiques, ou discuter sur la place publique le budget de la Monarchie et du Palais Royal. (1)

Comme si, cette « indépendance » était un bien ou propriété privée, dont le droit de disposition et d’usage relevaient exclusivement d’une partie autre que Le nu-propriétaire qui ne peut en percevoir le fruit !

Par un cynisme qui frôle l’indécence, le Gouvernement « islamiste » de BenKirane, appelle les Marocains à serrer la ceinture à cause de la crise économique en augmentant le prix des matières de première nécessité pour les consommateurs marocains (sucre, farine, lait, carburants…), en accablant les contribuables de nouveaux impôts, et en affichant la volonté d’en poursuivre le recouvrement d'une manière impitoyable... Tout en faisant passer honteusement, en catimini comme s’il s’agissait d’une manigance ou un chuchotement secret qu’on doit passer sous silence, un budget au Roi (au-dessus des moyens des Marocains) dont la fortune représente à elle seule 6% du produit intérieur Brut du Maroc, et qui est le premier opérateur économique du pays, et parmi les Monarques les plus riches de la planète !(2)
Le budget du Palais Royal est l'un des plus élevés parmi les Régimes Monarchiques au Monde, et atteint, selon la loi de finance 2013, le chiffre de 2.576.769.000 de dirhams, payés annuellement par le trésor public aux frais du contribuable Marocain !

Cela revient aux Marocains à 7.028.293 DH (700 milles euros) par jour !

Une somme colossale pour un pays dont le déficit public dépasse les 6% annuellement, le chômage des jeunes atteint les 30%, le taux de pauvreté se situe entre 25 et 30 %, et tous les indicateurs économiques sont dans le rouge, et parmi les plus catastrophiques, car « chaque année nous battons des records de déficit commercial et nous sommes dans l’incapacité de couvrir les importations par les exportations » se lamente l’économiste Marocain Najib Akesbi (3)

Le plus choquant dans cette histoire, c'est qu'un dirigeant puisse mener un pareil train de vie, dans un tel contexte économique et social , et dans un pays pauvre , ou les gens travaillent un mois pour gagner 3000 dirhams, (moins de 300 euros) et ou le Smig est à 2200 dirhams ….(200 euros !)

La forme d’approbation de ce budget, pose par ailleurs la question de la séparation des pouvoirs et la sacralité du politique.
Ce budget passe le seuil du conseil des ministres (Présidé par le Roi) sans discussion. Il ne fait l’objet d’aucun débat au parlement qui se contente de l’enregistrer et l’approuver à l'unanimité !

Les organes de contrôle des dépenses publiques comme la cour des comptes, ou l’inspection générale des finances n’ont aucun pouvoir de contrôle des finances du Roi ou du Palais Royal.

Parallèlement à cette dépense généreuse pour le Palais Royal, le projet de finance 2013 prévoit :
- Une augmentation d’impôts avec de nouvelles mesures fiscales qui touchent les classes moyennes à hauteur de 38 %.
- L’abrogation (pur et simple) du décret de l’ancien gouvernement d’Abbas El Fassi de créer 4000 postes de travail pour les enchômagés.
- Le gel des salaires des fonctionnaires.
- La diminution de l’investissement public à hauteur de 39,26 milliard de dirhams, réservé pour honorer la dette publique de l’Etat Marocain contractée au FMI ou aux institutions bancaires étrangères comme le club de Paris.
 - La diminution de ce même investissement public en faveur des dépenses de gestion administratives (199,26 milliards de dirhams) pour des ministères ou administrations dites de souveraineté, qui engloutissent la majeure partie du budget aux dépend des secteurs sociaux.
- L’allègement fiscal à hauteur de 36,6 milliards de dirhams en faveur des grandes fortunes et grandes entreprises dont l’ONA propriété du Roi et la Famille Royale.

 
Et bien entendu le projet du gouvernement prévoit d’autres mesures impopulaires, entre autres : s’attaquer à certains acquis sociaux comme la caisse de compensation, la caisse des retraites, ou le droit de grève afin de museler les syndicats et les travailleurs.

Selon un récent Rapport de la banque mondiale(4) consacré au climat d’affaires au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le Maroc se classe à la 97ème place, loin derrière la Tunisie pays du Maghreb, classée au 50ème rang… À l’échelle du développement humain, le Maroc occupe la 130è place parmi les pays du monde...

Par des louanges dont le but est d’entrainer l’adhésion et le sentiment d’obligation, ou la volonté de respecter les traditions ; par une forme de fleurs de rhétorique (ou bluff) chantés sur tous les tons, et répétés inlassablement par une classe politique discréditée, corrompue et impopulaire, ou des médias serviles, complaisants et obéissants, on s’efforce d’inculquer dans les esprits l’image fallacieuse d’une Monarchie au-dessus de la mêlée, au- dessus des classes, neutre, représentative et au service de tous les citoyens Marocains, comme s’il s’agissait d’une monarchie en dehors des classes sociales et en dehors de l’histoire !!

Une manœuvre à peine voilée pour brouiller les cartes et protéger hypocritement (ou ne pas découvrir) le véritable détenteur du pouvoir et perpétuer ainsi une forme de gouvernement politique dont le bilan est désastreux pour les Marocains depuis l’indépendance formelle en 1956.

C’est également un procédé technique de la part de la monarchie pour ne pas rendre des comptes sur l’exercice du pouvoir :
 - Lorsqu’il s’agit d’inaugurer un projet social (une école ou un puits dans un lointain village du pays), c’est le Roi en personne qui se met en valeur...
- Mais lorsqu’il s’agit de prendre des décisions impopulaires, ou lorsqu’il est question d’échecs politiques, c’est le gouvernement qui est responsable !

Or c’est un secret de polichinelle que les choix et décisions stratégiques ainsi que toutes les orientations politiques qui engagent le pays et ses générations futurs sont pris dans un cercle fermé composé du Roi et ses conseillers, et le gouvernement n’a rien à y redire ! Par la grâce d’une constitution taillée sur mesure, le Roi peut bloquer tout projet gouvernemental qui ne lui plaît pas.Il peut même congédier uniment et sur le champ le gouvernement et le parlement réunis !
Le coût du Roi met en lumière une place qui excède la mesure ordinaire de l’institution de la Monarchie dans l’échiquier Politique Marocain, en plus de la confiscation de tout débat public quant à ses prérogatives et son pouvoir sans limites… 
Par une présence démesurée, par l’accaparement de tous les leviers du pouvoir, et par sa volonté d’écumer tous les grands chemins sans rien laisser, ou en laissant des miettes, la Monarchie écrase le paysage politique marocain. Elle n’est pas neutre, mais au service de ses propres intérêts, d’une classe sociale bien déterminée, au service d’intérêts étrangers -politiques et économiques- et des multinationales occidentales et notamment françaises, aux dépens des Marocains !

Elle est au cœur de l’enjeu politique, et le Roi est le premier responsable de ce qui se passe au Maroc étant lui-même le véritable détenteur de tous les pouvoirs.

La Monarchie Marocaine est l’exemple typique d’une « démocratie » ou « démocrature » de Façade, où la non transparence se cache derrière le manteau déguisé d’une légitimité historique et religieuse (à la fois, insuffisante et contestable) pour justifier un pouvoir politique et économique devenu de plus en plus exorbitant pour les Marocains.


Publié par APSO avec l'autorisation de l'auteur
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(1) Répression sauvage du setting pacifique du Mouvement du 20 février organisée à Rabat capitale du Maroc ce dimanche 18 novembre 2012 - Jour de « l’indépendance » du Maroc ! Pour protester contre l’énorme budget accordé au Roi dans le projet de loi de finance de 2013
(2) Daniel Salvatore Schiffer - http://blogs.mediapart.fr/blog/daniel-salvatore-schiffer/100212/la-dictature-au-maroc-silence-censure-emprisonne-torture-
(3) http://www.luxeradio.ma-indicateurs-statistiques-comment-se-porte-l/’economie-marocaine?html 5 avril 2012
(4) Rapport Doing business 2013 AfricanManager, publié le 4-10-20

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