Par la rédaction, 20/11/2012
Romancier, nouvelliste et surtout scénariste et
dramaturge, Ricardo Montserrat est un artiste engagé voir humaniste. Il
était présent à Ouarzazate dans le cadre de la caravane des mineurs
marocains du Nord Pas de Calais pour y présenter son roman « Mauvaise
Mine » consacré à l’histoire des anciens mineurs marocains. Artiste
militant en faveur des exclus, il partage son regard et son expérience
dans ce domaine.
Almaouja.com - Comment cette dimension humaniste est née en vous en tant qu’artiste ?
Ricardo Montserrat - Je suis né dans une famille engagée depuis
plusieurs générations. Mon grand père maternel a été condamné à un an de
prison en 1913 pour avoir refusé de faire la guerre au rif marocain.
Mes propres parents sont des catalans engagés. Quant à mon père, il
était dans la résistance en France, arrêté puis envoyé en Allemagne.
Mais moi j’ai choisi un autre moyen face à la violence de la guerre,
particulièrement celle de la guerre civile : j'ai choisi le parti du
dialogue.
Le choix du dialogue
Je pense que les gens peuvent sortir de l’engrenage de la guerre, de
la haine et de l’humiliation par la culture. Autrement dit par l’échange
des mots, par la possibilité de trouver des histoires, d’inventer une
autre façon de vivre ensemble. Personnellement, j’ai vécu au Chili sous
la dictature du général Pinochet.
Il y avait deux choix en matière d’engagement : la voie de la violence
et la voie de la culture. C’est-à-dire inventer ensemble une identité
avec les victimes qui souffraient de l’oppression. L’objectif était
alors de créer un espace de liberté par les musiciens, les peintres et
les artistes à travers l’éducation populaire. C’était efficace car le Chili a relever le défi de la démocratie sans passer par un bain de sang.
Almaouja.com - Vous
optez alors dans la résolution des conflits pour une voie de paix au
lieu de la force ou toutes les parties concernées perdent d’une manière
ou d’une autre ?
RM - Oui bien sûr en passant par l’art et la culture. Chacun à sa
petite histoire qui rejoint la grande histoire. Si on aide chacun à
réparer sa petite histoire, on répare indirectement la grande histoire.
Surtout une histoire humiliée, blessée, sous estimée. Si on prend
l’exemple de la grande histoire des peuples marocains, car il n’y en a
pas uniquement un, il y a toute une histoire qui n’existe pas parce
qu’elle n’a pas été écrite, chantée ou valorisée. Or cette histoire que
vous croyez avoir oubliée, vous la portez dans votre corps, votre façon
de vivre ...
Je pense qu’il faut créer un espace où toute cette mémoire offensée
voir oubliée puisse ressurgir. Je cite l’exemple de cette magnifique
histoire des mineurs marocains. Elle était au départ écrasée. Alors
qu’en réalité, c’est une histoire de héros, de gens qui sont toujours
beaux.
Almaouja.com - Dans le cadre relatif aux anciens mineurs marocains du Nord-Pas-de-Calais, pourriez-vous nous rappeler le contexte d’écriture de votre roman « mauvaise mine » ?
RM - Ce livre n’est fait que de paroles que j’ai collectées, des
paroles croisées. Nous avons accueilli des mineurs marocains dans des
ateliers. Différents d’origine, d’âge, de langue… Ils ont raconté des
choses très intéressantes. Il faut remettre aussi ce roman dans le
contexte actuel. Aujourd’hui en France il y a une montée d’un mouvement
xénophobe, raciste. Un racisme anti arabe, antimusulman, anti islam avec
de plus en plus de jeunes néonazis fascinés par des idées extrémistes.
Face à cette réalité, nous avons décidé de réagir en collaboration avec
l’association « colère du présent
». Dans ce cadre j’ai écrit une pièce de théâtre intitulé « Naz ». Elle
raconte comment un jeune français devient con, raciste, xénophobe…
Le problème de ces jeunes, c’est qu’ils ne connaissent pas leur
histoire, particulièrement l’histoire de l’émigration. Alors nous avons
décidé de créer une collection de feuilletons populaires destinés à être
lus par un large public. Nous avons aussi constitué des groupes, celui
des mineurs marocains était le premier, de gens vivant dans le Nord qui
racontent l’histoire telle qu’ils l’ont vécue, leur propre histoire. Une
histoire de petites gens inconnus auprès du public, dans une forme
populaire où amour, sang, émotion, suspens sont tous présents. Cette
initiative a eu un grand écho. Dans le journal la Voix du Nord on a eu 120.000 lecteurs par jour qui on découvert l’histoire de mineurs marocains.
C’est dans l’invention que se joue l’avenir de l’humanité
Almaouja.com - Quel est l’objectif de votre initiative ?
RM - L’objectif est de changer le regard sur cette catégorie de
personnes en l’occurrence les anciens mineurs marocains du
Nord-Pas-de-Calais en réparant leur histoire. Nous pouvons changer les
choses à travers les moyens éducatifs et culturels. « Si on change les
mots et les images qui disent le monde, le monde changera ». Je suis
convaincu que l’éducation populaire est un moyen efficace qui permet à
un peuple de revendiquer son histoire, de la réinventer afin de
concevoir un autre destin que celui qu’on lui a promis.
Almaouja.com - Croyez-vous
que vos idées sont partagées par les acteurs politiques et les
décideurs en général sachant qu’il y a toujours un rapport
dominant-dominé entre les pays ?
RM - Quand vous dites fort, ça sous entend un rapport de force.
Personnellement, je crois à la force des faibles puisque ils sont
nombreux et ils n’ont rien à perdre. Ils ont tout à inventer. Or c’est
dans l’invention que se joue l’avenir de l’humanité. Prenons l’exemple
de nos vieux pays riches qui se croient forts. Leur force est fondée sur
des choses du passé. Alors que c’est dans le présent, parmi ceux qui
n’ont rien ou pas grand chose que le monde de demain est en train de
s’inventer. Dans cette situation de faiblesse, il y a lieu d’inventer
une nouvelle force différente d’une vieille basée sur le pouvoir
financier, médiatique, militaire ...
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