Salah El Ayoubi |
L’interview qui avait pour habitude de se décliner sur un ton badin, m’a semblé, cette fois-ci, aux antipodes de la décontraction.
C’est que l'interviewé, qui paraît sur la défensive, n’en mène, en réalité, pas large !
Sans doute, l’actualité nationale y est-elle pour quelque chose. Tantôt chaude, avec les manifestations qui semblent s’étendre à l’ensemble du territoire national et redoubler d’intensité, tantôt dramatique, au regard des immolations de diplômés chômeurs, las de voir leur vie professionnelle leur filer entre les doigts, tantôt révoltante, avec les arrestations, la répression, la torture, la maltraitance de militants épris de liberté et tantôt abominable avec les assassinats perpétrés par des voyous ou des policiers-voyous.
Les italiens, dans leur inimitable don pour l’ironie et le sarcasme, ont une expression qui résume, parfaitement, la situation de celui qui a perdu la face ou l’honneur. Ils passent la main à plat sur leur visage et disent: « fai la figura ! »
Mohamed Sebbar "avant"
Comme ses prédécesseurs, Herzenni, El Yazami et les autres gauchistes repentis, qu’il a rejoints, Mohamed Sebbar qui observe un mutisme assourdissant face à l’enchaînement des ignominies du régime, est en situation de « faire la figure ».
Il a décidé de se défaire, définitivement, de ce qui faisait son honneur, abandonnant, au milieu du gué, ses idées et ses combats de gauche, ses compagnons de lutte de la veille et les militants qui attendaient de lui, qu’il continuât d’éclairer leur chemin vers la liberté.
A 57 ans, il en est d’autant plus impardonnable, qu’il est un témoin exceptionnel de son temps.
Le gauchiste qu’il était a vécu les années de plomb, avec leur cortège d’exactions, comme autant d’aiguillons de n’importe quelle conscience.
Hassan II disparu, le militant aura, les premières années du règne de Mohammed VI, eu, à l’instar de nombre d’entre nous, nourri l’espoir d’un revirement susceptible de briser la ligne dictatoriale du régime. En pure perte.
L’homme semble, peu ou prou, gêné par la dérive absolutiste du régime, l’affairisme débridé du roi, sa propension à répartir auprès de sa famille, ses amis et affidés, les richesses du pays, comme autant de friandises. Pas plus qu’il ne paraît se soucier de la présence aux commandes de l’Etat des anciens bourreaux du peuple marocain.Mohamed Sebbar "après"
Avoir été de tous les prétoires, brandi le code pénal, croisé le verbe et manié les effets de manche, pour rejoindre, aujourd’hui, les tenants de l’absolutisme, leur empruntant la langue de bois, le bigotisme, le costume et la cravate n'aura surpris qu'à moitié, tant l'initiative semble, désormais, faire partie du modus operandi de nos gauchistes, lorsque les rattrape le poids des ans.
A croire que le temps aidant, les honneurs valent à leurs yeux plus que l'honneur. Que reste-t-il à un homme lorsqu'il a perdu tout honneur? A notre ancien droit-de-l'hommiste, il reste sa moustache ! C’est pratique une moustache !
Ça vous déguise son homme, vous habille le visage quand vous faites « la figure », vous masque la gueule, quand vous l’avez perdue, et qu’il ne vous reste plus que le front, vous dissimule la langue quand elle se fait fourchue ou boiseuse. En un mot, ça vous maquille son homme, quand il tourne casaque et lui donne cet air de sévérité, censé dissuader ceux qui voudraient l'accabler de leurs reproches.
Le 20 ou levain ? Levain, bien sûr ! De la bonne levure, pour de bonnes grosses miches de pain, bien croustillantes, accompagnées d’un bon tagine, voire plusieurs, les uns à la suite des autres ! Toujours aux frais de la Mère-Patrie, bien entendu !
Mais pas que ! Il y a tout le reste ! Et qui va avec : le costume, la cravate, le brushing, les frais de bouche, les primes, les limousines, les chauffeurs et les espèces sonnantes et trébuchantes.
Mohammed Boudouroua précipité du haut d'une terrasse ? Qu’est-ce-qui lui a pris, de monter sur cette terrasse aussi ? Il avait quoi, à y faire ? Suspendre la lessive ?
Kamal Hassani poignardé ? Il aura surement fait dans la provocation, comme en ont l'habitude ces Rifains !
Comment ? Ezeddine Erroussi se meurt d’une grève de la faim ? Mais qu’il mange pardi ! Qui l’en empêche ? Est-ce-que je jeûne moi ? Il ne s’hydrate plus, non plus ? Mais qu’il s’abreuve, jusqu’à plus soif ! Il serait à l'article de la mort ? Faut voir !
Les italiens, dans leur inimitable don pour l’ironie et le sarcasme, ont une expression qui résume, parfaitement, la situation de celui qui a perdu la face ou l’honneur. Ils passent la main à plat sur leur visage et disent: « fai la figura ! »
Mohamed Sebbar "avant"
Comme ses prédécesseurs, Herzenni, El Yazami et les autres gauchistes repentis, qu’il a rejoints, Mohamed Sebbar qui observe un mutisme assourdissant face à l’enchaînement des ignominies du régime, est en situation de « faire la figure ».
Il a décidé de se défaire, définitivement, de ce qui faisait son honneur, abandonnant, au milieu du gué, ses idées et ses combats de gauche, ses compagnons de lutte de la veille et les militants qui attendaient de lui, qu’il continuât d’éclairer leur chemin vers la liberté.
A 57 ans, il en est d’autant plus impardonnable, qu’il est un témoin exceptionnel de son temps.
Le gauchiste qu’il était a vécu les années de plomb, avec leur cortège d’exactions, comme autant d’aiguillons de n’importe quelle conscience.
Hassan II disparu, le militant aura, les premières années du règne de Mohammed VI, eu, à l’instar de nombre d’entre nous, nourri l’espoir d’un revirement susceptible de briser la ligne dictatoriale du régime. En pure perte.
L’homme semble, peu ou prou, gêné par la dérive absolutiste du régime, l’affairisme débridé du roi, sa propension à répartir auprès de sa famille, ses amis et affidés, les richesses du pays, comme autant de friandises. Pas plus qu’il ne paraît se soucier de la présence aux commandes de l’Etat des anciens bourreaux du peuple marocain.Mohamed Sebbar "après"
Avoir été de tous les prétoires, brandi le code pénal, croisé le verbe et manié les effets de manche, pour rejoindre, aujourd’hui, les tenants de l’absolutisme, leur empruntant la langue de bois, le bigotisme, le costume et la cravate n'aura surpris qu'à moitié, tant l'initiative semble, désormais, faire partie du modus operandi de nos gauchistes, lorsque les rattrape le poids des ans.
A croire que le temps aidant, les honneurs valent à leurs yeux plus que l'honneur. Que reste-t-il à un homme lorsqu'il a perdu tout honneur? A notre ancien droit-de-l'hommiste, il reste sa moustache ! C’est pratique une moustache !
Ça vous déguise son homme, vous habille le visage quand vous faites « la figure », vous masque la gueule, quand vous l’avez perdue, et qu’il ne vous reste plus que le front, vous dissimule la langue quand elle se fait fourchue ou boiseuse. En un mot, ça vous maquille son homme, quand il tourne casaque et lui donne cet air de sévérité, censé dissuader ceux qui voudraient l'accabler de leurs reproches.
Le 20 ou levain ? Levain, bien sûr ! De la bonne levure, pour de bonnes grosses miches de pain, bien croustillantes, accompagnées d’un bon tagine, voire plusieurs, les uns à la suite des autres ! Toujours aux frais de la Mère-Patrie, bien entendu !
Mais pas que ! Il y a tout le reste ! Et qui va avec : le costume, la cravate, le brushing, les frais de bouche, les primes, les limousines, les chauffeurs et les espèces sonnantes et trébuchantes.
Mohammed Boudouroua précipité du haut d'une terrasse ? Qu’est-ce-qui lui a pris, de monter sur cette terrasse aussi ? Il avait quoi, à y faire ? Suspendre la lessive ?
Kamal Hassani poignardé ? Il aura surement fait dans la provocation, comme en ont l'habitude ces Rifains !
Comment ? Ezeddine Erroussi se meurt d’une grève de la faim ? Mais qu’il mange pardi ! Qui l’en empêche ? Est-ce-que je jeûne moi ? Il ne s’hydrate plus, non plus ? Mais qu’il s’abreuve, jusqu’à plus soif ! Il serait à l'article de la mort ? Faut voir !
Dessin publié sur demainonline
Mustapha Ouchtoubane embastillé pour avoir défendu son village qui meurt de la pollution et de la misère ? Aaaah ces berbères ! Jamais contents ! Toujours à revendiquer quelque chose!
Abdelouahab Zaydoun immolé par le feu ? C’est péché ça, d’attenter à sa vie ! Mauvais musulmans ! Il était au chômage, vous dites ? Ils n’avait qu’à travailler !
Lasri Cherkaoui est mort sous la torture ? Il aurait dû écouter son père et rentrer chez lui !
Walid Bahomane arrêté pour crime de lèse-majesté ? S'attaquer à sidna* ! Il fallait oser tout de même ! Il l'aura cherché !
« Tant de gens échangent, volontiers, l'honneur contre les honneurs » dit Alphonse Karr. Ainsi va la vie dans le plus beau pays du monde : Socialistes, communistes, trotskystes, marxistes-léninistes, écologistes, islamistes, droit-de-l'hommistes, associatistes, ont, tous, à quelques exceptions près, rendu armes et bagages et abandonné au vestiaire des palaces, leurs velléités militantes, contre quelques prébendes.
Après ça, allez parler de partis politiques au citoyen marocain Lambda !
* Sidna, notre seigneur, c'est ainsi qu'il est de bon ton de nommer Mohammed VI
Article publié sur le blog de Salah El Ayoubihttp://voxmaroc.blog.lemonde.fr/2012/02/10/tout-est-perdu-fors-la-moustache/
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